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Méditations personnelles
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2005: Dedans-dehors
Dedans et dehors de l'hopital
(Suite de l'article)
Il n'est pas toujours facile, pour les patients de
sortir du "bon sein" hospitalier
où ils ont pu régresser, être enveloppés, protégés du "mauvais" extérieur, du quotidien, de la réalité sociale et professionnelle. L'illusion groupale étant fréquente, entre les patients, elle vient encore renforcer ce sentiment d'un bon dedans et d'un mauvais dehors. Toute sortie est source de peur, d'inquiétude et de joie où se rejouent des situations relationnelles de séparation, de dépendance affective, de deuils à faire, de pertes.
Ceci est encore plus complexe pour les personnes psychotiques. En effet, certaines d'entre elles sont hospitalisées sous contrainte et, dans ce cas, l'hôpital devient un "mauvais sein", mortifère, source d'empoisonnement (les médicaments) et d'obligation de soins. Les thérapeutes deviennent alors persécuteurs et l'alliance thérapeutique est difficile à obtenir. L'hôpital peut ensuite redevenir bon, mais sera toujours teinté d'ambivalence pour ces personnes psychotiques.
C'est aussi l'absence qui va permettre de passer à un espace psychique de représentation. Ainsi, pour ces personnes, les retours fréquents à l'hôpital ne sont pas simplement des rechutes, mais sont aussi des occasions de venir tester la fiabilité du lien thérapeutique, de refaire des expériences dans des espaces sécurisés avant de les transférer au dehors, de venir vérifier si leurs objets ou les thérapeutes sont toujours là, etc….
Evelyne ou l'extérieur dangereux:
Évelyne a trente ans et est hospitalisée pour la 4ème fois pour un délire érotomaniaque. Elle est méfiante, refuse les soins, ne reconnaît pas qu'elle est malade et que les ondes courtes qu'elle entend sont l'expression de son délire. Évelyne dormait avec sa mère, qui est décédée depuis peu, dans une proximité fusionnelle maximale. A l'hôpital, cette proximité fusionnelle lui est refusée et elle perçoit alors, toute relation plus à distance, comme dangereuse.
Progressivement,
elle investit un espace de thérapie, sécurisé, fiable
et surtout une relation thérapeutique avec une ergothérapeute. Au moment de sa sortie, se pose la question de la fiabilité du lien avec l'ergothérapeute. Évelyne refuse d'aller au CATPP, vécu comme un mauvais lieu. Sa psychiatre demande à l'ergothérapeute de proposer des séances dans l'hôpital, ce qui va durer un an.
Lors des séances, il y a un assouplissement progressif de sa position et tout un jeu se déploie entre dedans et dehors des séances, de l'hôpital, de son intérieur (au sens de sa maison) et de son espace psychique. De bons éléments sont intégrés, issus des séances et/ou de l'ergothérapeute et/ou de l'hôpital, ces trois éléments étant, le plus souvent, vécus comme une sorte d'entité globale, progressivement réparatrice. Au bout d'un an, Évelyne accepte de pratiquer les séances au CATTP, mais avec la même ergothérapeute, devenue référence de sécurité pour oser explorer un extérieur vécu comme dangereux.
La première séance est d'une grande intensité. Évelyne prend ses points de repères dans la salle, très inquiète des bruits extérieurs, aboiements de chien agressifs et cloches d'un enterrement…. Elle demande à l'ergothérapeute de mettre des mots sur ces bruits et de clairement signifier le lieu où ils se trouvent. Elle ne supporte ces intrusions extérieures qu'avec un étayage relationnel fiable.
Le même jour, elle demande à pratiquer une technique de piquage d'épingle pour fixer des paillettes sur une boule de polystyrène. Des fantasmes de destruction émergent, les yeux la piquent et l'on se demande comment on doit entendre ce renversement qui passe des épingles qu'elle pique, à ses yeux qui la piquent. Quelle piqûre fait donc ainsi retour dans le délire?
Cette première séance met en jeu et en vivance,
des éléments psychiques du domaine de la pulsion de destruction
, des éléments de persécution et de confusion dedans et dehors. Or les pulsions ont besoin d’être liées dans des processus dits secondaires, dans des élaborations psychiques, des compréhensions intellectuelles, des sublimations artistiques, pour être intégrées de façon non destructrice et vivable au quotidien. Évelyne, ce jour là, a mis en actes cette pulsion de destruction et l'ergothérapeute, elle, s'est chargé de la mise en mots.
Au cours des séances ultérieures, Évelyne demandera fréquemment à manger, quelque chose de bon. Nous sommes passés du processus de la projection à celui de l'introjection, avec au-dedans de soi des éléments psychiques de l'extérieur. A ceci près qu’Éveline, psychotique, prend cela au pied de la lettre et voudrait bien manger vraiment au lieu d'ingérer métaphoriquement.
De telles relations thérapeutiques nécessitent d'être soigneusement analysées et mentalisées. En effet, le passage par la pensée du ou de la thérapeute est l'un des garants d'une mise en mots, en cohérence, en perspectives. La psychose, en effet, amène les patients à demeurer dans le passage à l'acte pulsionnel et il est fondamental que les thérapeutes, eux, soient dans l'élaboration, pour pouvoir aider la personne, ensuite, à mettre des mots qui ont du sens.
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