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Accueil » Processus thérapeutiques » Lien corps et esprit

Dualité corps et esprit


La conscience de soi nécessite de distinguer et de relier la conscience de notre corps et la conscience de notre esprit. Freud a bien démontré qu’il y a un échange constant entre le corps et l’esprit. Pour lui, le moi est la projection mentale de la surface du corps. Comment dès lors comprendre et analyser ce processus ? Que se passe-t-il entre le corps et l’esprit, La libido et la conscience de soi, Les sensations et l’introspection ? Comment passe t’on de l’un à l’autre ? Corps et esprit sont t-ils séparés ou reliés ? Qu’est-ce qui fait lien ? Pourquoi la plupart des relaxants éprouvent t-ils une dichotomie entre corps et esprit? Autant de questions qui peuvent surgir dans un atelier de thérapie corporelle.

Cette capacité de dissociation entre le corps et l’esprit pose la question du lien entre ces deux aspects de nous-même. Qu’en est-il du lien corps-esprit dans les pratiques psycho-corporelles, parfois proches et confondues, que sont la relaxation, l’hypnose ou la méditation, pour ne citer que les principales d’entre elles ? S’agit-il de dissocier ou de ré-associer le corps et l’esprit ? Descartes et son « je pense donc je suis » a ouvert la porte à une vision dualiste de l’humain et les pratiques psycho-corporelles en thérapie continuent à interroger cette dualité et les liens qui se tissent entre ces deux « constituants » de nous-même. Les techniques de développement personnel ou celles avec une orientation spirituelle, intègrent quant à elles, un troisième terme nommé âme ou soi profond, dont l’origine est située au dedans ou au dehors de soi, selon les visions et les pratiques. Ce troisième terme peine à s’s’inscrire dans les pratiques thérapeutiques et il reste souvent, confidentiel…Jung, un psychanalyste autrichien qui a tenté d’intégrer cette dimension du soi, en a gardé une réputation pour le moins sulfureuse dans le domaine de la psychanalyse. Les pratiques psycho-corporelles restent donc des approches complémentaires et gagnent à être proposées par des thérapeutes ayant reçu, une formation initiale de plusieurs années et pas uniquement quelques jours de formation.




Dualité corps esprit

Le principal fantasme véhiculé en relaxation est que l’esprit et le corps seraient séparés et qu’il faut les relier. Ce fantasme, illusion d'un fonctionnement séparé de deux entités qui seraient différentes dans leur essence et leur localisation, semble assez tenace chez bon nombre de thérapeutes corporels divers et variés, et dans bon nombre de techniques corporelles. Il est sous tendu par le fait que le corps aurait une sagesse intuitive et instinctive, que l’esprit, " dévoyé " par l’extérieur, l’éducation, n’écouterait pas ou peu les messages envoyés par le corps, dans ce fameux ici et maintenant, scandé régulièrement dans les thérapies corporelles.

Il est important de ne pas demeurer dans ce fantasme opposant corps et esprit, même si le discours des patients peut nous conduire à cet état de fait: "Mon corps est détendu et mes pensées sont agitées" dit une jeune fille anorexique en début de séjour. "Dès que j'arrête de bouger, de faire, je pense", indique un autre patient, rongé par des idées obsédantes et répétitives.

D'autres patients indiquent qu'ils ne "sentent pas leur corps", au sens de ne pas s'écouter et ceci, sans pour autant être psychotiques. Le corps ne se manifeste, pour certains que de façon hygiénique, sportive, douloureuse ou comme un corps malade, mauvais, à agresser ou à détruire. La dimension instinctuelle est niée au profit de l'esprit, des pensées sur-valorisées ou obsédantes, de l'introspection purement mentale, ou du monde imaginaire (personnel, télévisuel et de plus en plus virtuel). La désincarnation guette de plus en plus de personnes, même non malades psychologiquement.

Ce sentiment de séparation entre le corps et l'esprit n'est pas sans évoquer le terme de dissociation utilisé dans la psychose. Or cette notion de dissociation, à la base, était plutôt évoquée en ce qui concernait les personnes hystériques, vivant une sorte de somnambulisme, l'esprit ailleurs et le corps en mouvement, hors du contrôle psychique de la conscience. Les personnes psychotiques, elles, ne vivent pas une dissociation entre le corps et l'esprit, mais une dissociation psychique et une angoisse de morcellement corporel. Lorsqu'un tel sentiment est évoqué en relaxation, corps d'un côté et esprit de l'autre, nous ne sommes donc pas forcément dans le domaine de la psychose.


L'illusion de toute-puissance de l'esprit sur le corps

Un autre fantasme est celui du pouvoir de l’esprit (dans sa dimension de conscience) sur le corps. La bascule est rapide et l’esprit acquiert, alors, une illusion de maîtrise, voir de toute-puissance. Dans ce cas, c’est l’esprit qui devient le bon et le corps qui n’écoute pas. Dans le cadre de ce fantasme fleurissent des discours de réussite ou d’échec, l’illusion de pouvoir se débrouiller seul et de n’avoir besoin de personne d’où découlent les résistances à la thérapie.

Là aussi, il est possible de s’appuyer sur ce fantasme pour proposer aux personnes d’agir sur elles-mêmes. Encore une fois, la thérapeute ne peut demeurer dans cette illusion et faire l’économie du constat que bien des éléments psychiques échappent à la conscience. La dimension inconsciente du corps ne peut être ignorée, même si du fait de la brièveté des séjours et de la situation de groupe, cette dimension peut difficilement être travaillée.

Cette dimension de tentative de contrôle du corps par l'esprit peut se rencontrer, entre autre, dans les pathologies de type obsessionnel ou le contrôle mental est tenté dans toute la dimension psychique. Les personnes psychotiques peuvent aussi avoir besoin de cette illusion, pour tenter de maintenir quelques défenses psychiques encore opérantes. Les jeunes filles anorexiques peuvent également entrer dans ces fantasmes de toute-puissance de l'esprit sur le corps et même de toute-puissance face à la mort qui est défiée, déniée. Pour les personnes psychotiques le sentiment de toute-puissance est un état de fait installé et envahit toute la vie de la personne, sans distinguer si c'est l'esprit qui agit sur le corps.


Le mauvais esprit

A l’inverse, un fantasme ou un ressenti est fréquent, c’est celui du mauvais esprit…Pour certaines personnes l’illusion du contrôle du corps par l’esprit est rapidement mise en échec par la découverte qu’il n’est pas si aisé que cela de « diriger » son esprit dans le sens qu’elles aimeraient lui voir prendre…. Le ressenti de nombreux relaxants est de ne pas pouvoir agir sur leur propre esprit. Les pensées les submergent, prennent une orientation qu’ils ne souhaitent pas, sont vécues comme négatives, etc….La métaphore la plus utilisée est le demande de pouvoir mettre son esprit en off, comme s’il s’agissait d’une radio ou d’un ordinateur.

Les relaxants expérimentent de façon très concrète, la distance existant entre leur volonté, leur intentionnalité apparente de détente, et la réalité de ce qui se trame dans leur espace intérieur : les scénarios imaginaires négatifs et répétitifs, les souvenirs qui dérangent, les anticipations négatives du futur, les sentiments de tristesse qu’ils essaient d’ignorer, voir les voix et autres hallucinations auditives. Les émergences de l’imaginaire, de l’inconscient, sont vécues comme autant d’éléments à gommer, ignorer, refouler, ne pas entendre et écouter. L’esprit devient un mauvais esprit, contre lequel certains et certaines entrent en lutte. La confusion entre esprit, conscience de soi et volonté sont souvent à la base de ce ressenti.

C’est le paradoxe de la relaxation : L’intention de détente annoncée par la thérapeute et attendue par le patient, entre en jeu dans un atelier de détente corporelle. La relaxation immobile, et dans ce cas musicale, permet le retrait de l'investissement psychique à l'extérieur, au profit de l'intériorité du sujet. Et c’est à ce moment précis que nous entrons dans un paradoxe : vouloir se relâcher, ne pas y parvenir, faire un effort, lutter, vouloir, etc…sont les mots qui reviennent le plus souvent. Les personnes font l’expérience du vagabondage mental dans lequel nous sommes tous peu ou prou englués, et de la difficulté de décider avec sa volonté, de se laisser aller….. En effet, la volonté de détente fait parfois justement obstacle au véritable lâcher prise…


Les expérimentations sont diverses et personnelles

Certains vont expérimenter de visu la prégnance très fréquente des pensées qui prennent le pas sur les sensations. Ils vont se décrire comme "envahis" par leurs pensées, incapables de trouver le bouton pour les éteindre, submergés, en lutte avec leurs pensées qu'ils voudraient chasser, etc...."

Certains vont découvrir in situ, que des idées ou des images négatives, morbides peuvent déclencher des tensions ou que leur respiration qui se modifie en fonction des pensées. La prise de conscience de ce processus de tension physique due aux pensées est l'une des découvertes possibles en relaxation, avant même d'expérimenter l'inverse, souvent bien plus difficile à atteindre: pensées agréables qui détendent ou détente qui amène des pensées agréables. ll ne s'agit pas, bien sûr, d'induire de telles pensées mais de laisser les patients expérimenter sans recouvrir les sentiments de tristesse avec de belles images de détente.

D'autres vont découvrir qu'ils vivent un clivage entre le corps et l'esprit. Ces patients peuvent tout à fait avoir le sentiment d'être dans un corps relâché et que leur esprit, lui est agité, ou bien encore que leur esprit est totalement ailleurs que dans les sensations corporelles objectives ou subjectives. Un ailleurs difficile à définir, oscillant entre passé et futur, flottement aquatique ou spatial, etc....Ce clivage n’est pas du domaine de la psychose et peut se révéler très agréable.

Certains vont expérimenter une lutte acharnée dans leur esprit entre pensées positives et pensées négatives, exprimant ainsi leur façon de se vivre, avec toute la difficulté à intégrer en soi les éléments positifs et négatifs comme autant d'objets de travail sur soi. Il ne s'agit pas de dégager ce qui est vécu comme négatif, mais d'y être attentif et de pouvoir l'intégrer aussi en soi. Certains patients, sans être délirants, parlent de quelque chose de mauvais en eux qu’il faudrait extirper.

D'autres vont expérimenter des ressentis de modifications corporelles, d'esprit hors du corps, de sensations de transformations étranges, des sensations d'électricité, etc....Il est à noter, d'ailleurs, que ce ne sont pas les seules personnes psychotiques qui, en état de relâchement de contrôle du conscient, vont ressentir de telles perceptions et sentiments. Certains peuvent alors exprimer qu'ils ne sentent plus leur corps, ou qu'il flotte, décolle du sol, etc....

Une seule patiente a fait état un jour, d'une sensation d'être sortie hors de son corps et de se voir comme depuis le plafond, comme si son esprit pouvait être désincarné, voir projeté au-delà des limites corporelles. Ces sorties extracorporelles, décrites dans une littérature plus ésotérique ou dans des thérapies corporelles différentes, ne sont pas le but recherché ici. Au contraire, l'insistance à l'incarnation corporelle des automassages invite plutôt à s'enraciner dans la chair terrestre et bien incarnée du corps.

Ce qui manque le plus souvent aux relaxants, c’est la conscience du lien entre le corps et l'esprit, au sens d'une conscience de leur interaction. Ce fameux lien entre corps et esprit, entre corps sensoriel et imagination, entre corps réel et corps imaginaire, est la découverte du symbolique. Le symbole est ce qui peut tisser des liens signifiants entre une sensation et une image, qui semblent tout à fait détachées l’une de l’autre. Qu’une sensation s’organise en image qui puisse avoir du sens dans l’histoire du sujet, ou qu’une image puisse avoir un effet dans les méandres corporels, sont autant de découvertes possibles.









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