Vu sous un autre angle, le déploiement de la conscience des sensations proprio, intéro et extéroceptives est en lien avec la fonction d'inter-sensorialité de la peau décrite par D.Anzieu. Il s'agit dans ce cas, non pas de connaitre les différentes parties comme dans le schéma corporel, mais d'aider la personne à ressentir son corps comme un tout. La peau est une surface porteuse de différents organes des sens qu'elle relie entre eux. Le moi-peau est une surface psychique qui relie les sensations de différentes natures et permet de faire un lien entre elle, sur fond d'enveloppe tactile. Ce fond commun permet de donner un sens commun à toutes les sensations réunies. La peau est une toile de fond. Si cette fonction fait défaut, c'est l'angoisse de morcellement, avec le fantasme que chaque organe peut fonctionner pour lui-même, de façon anarchique.
Il est donc fondamental, après avoir travaillé, massé une zone, de proposer un temps de pause pour écouter la sensation, la comparer à l'autre côté, rétablissant ainsi une symétrie. Il convient ensuite de ré-intégrer la zone massée dans la globalité du corps en invitant la personne à écouter si des répercussions vont au delà de la zone massée. Les massages et des mouvements lents et doux contribuent à rétablir cette fonction du moi peau.
Il est fondamental pour les personnes psychotiques qui souffrent, justement, de cette incapacité à relier une zone et le sentir, puis le sentir et le mot de leur proposer de telles expérimentations. Ainsi, progressivement le schéma corporel est travaillé, mais surtout la conscience du corps est unifiée. Cela permet aussi d'avoir conscience que telle action peut avoir telle ou telle influence, que la colonne s'appuie sur le bassin, que le mouvement du pied dépend de celui de la hanche, qu'un simple mouvement de cheville peut faire bouger tout le corps, etc....
Le corps redevient un tout avec des sensations, des liens entre diverses parties, des fonctionnements divers, que l'on peut écouter, et dans une certaine mesure, modifier. Pour les personnes vivant un sentiment de persécution, le travail sur l’enveloppe de peau, vient rassurer, mettre une limite corporelle consciente, permettre d'éprouver une possibilité de s'envelopper, se protéger. Pour des personnes vivant un sentiment de dilution, cette expérience vient rendre une trame de fond plus solide et faire tenir des éléments corporels entre eux, comme les différentes zones du dos qui sont nommées et reliées.
Sensations extéroceptives Ce sont les sensations produites par la stimulation des récepteurs cutanés qui reçoivent les excitations d’origine extérieure, telles que sensations tactiles, thermiques, douloureuses ou de pression. Elles sont éveillées, stimulées, et nommées lors des auto-massages. Ce sont principalement les notions d’appui, de contact avec le sol, de chaleur et de pression sur la peau qui vont être utilisées. Ainsi, il est proposé d’expérimenter plusieurs façon de masser pour enrichir les perceptions.
Ce type de massage est donc proposé de façon plus ou moins approfondie selon les séances, les zones corporelles explorées, les personnes présentes et leurs pathologies. Les extraits de séance décrits mettent en lumière la façon dont les auto massages sont utilisés. Ce type des discours est bien sûr applicable à tout autre zone du corps, dans l'intention d'une découverte et d'une mise en conscience des sensations ressenties. Toutes les techniques potentielles de massage ne sont pas expérimentées sur toutes les zones du corps.
Sensations proprioceptives
Ce sont les sensations produites par la stimulation des récepteurs des articulations, des os, des muscles et des tendons. Ces récepteurs sont sensibles aux notions de position, d’étirement, de pression, de douleur et à toute notion de mise en tension. Ces sensations sont également stimulées dans l’atelier, par un travail sur la conscience de la présence osseuse et de sa solidité. Et sous la forme de questions ouvertes sur les sensations ressenties lors d’un mouvement ou lors des étirements.
Lors des auto-massages, une attention toute particulière est portée à la distinction des différents niveaux qu'il est possible de percevoir en soi: peau, muscle, os et viscères. Chaque zone du corps est nommée pour être ré-intégrée dans un schéma corporel plus clair, mais elle est aussi explorée de façon plus ou moins profonde à ces différents niveaux. Des techniques corporelles occidentales se sont révélées particulièrement sensibles à ce type de travail, en particulier l'eutonie de Gerda Alexander, méthode très riche au niveau de la conscience de l'os. Ce niveau de perception et de conscience renforce le sentiment de solidité intérieure, de ne pas être juste un sac de peau, contenant muscles et viscères. Toucher, faire vibrer, appuyer, s’appuyer sur (les ischions par exemple pour s’asseoir), sont autant d’expériences possibles.
La mise en éveil des récepteurs situés sur muscles, tendons os et articulations, est également permise par des exercices d’étirements légers, de mouvements conscients à type de contraction-relâcher comme dans la relaxation active Jacobson. Prendre conscience des positions des bras et des jambes, les bouger, secouer, faire rouler, faire jouer chaque articulation en demandant si elle semble souple ou grippée, si des craquements, grincements sont perceptibles, sont autant de pistes à explorer parmi d’autres.
Sensations intéroceptives
Ce sont des sensations internes produites par la stimulation des récepteurs des vaisseaux et des viscères. Ils sont sensibles aux notions de douleur et dilatation (vaisseaux) et de distension, irritation (viscères). Ces sensations intéroceptives sont moins utilisées dans les séances, car plus difficiles à ressentir. La conscience de la circulation du sang dans les vaisseaux ou du rythme du c½ur sont parfois abordés, selon les personnes, mais sont ressenties comme difficiles à percevoir, ou même angoissantes. La circulation du sang est reliée à la sensation de chaleur profonde et interne et peut être proposée, à condition que cette sensation soit accessible aux participants. L'idée que nous pouvons ressentir nos 37°2 à l'intérieur est évoquée mais pas toujours possible.
La sensation intéroceptive la plus aisée à utiliser demeure la respiration, car elle se concrétise dans un mouvement sur lequel la conscience peut agir. Cette sensation de mouvement permet d'expérimenter la notion de surface et de profondeur de soi-même, ainsi que les notions de vide et de plein. Elle sera étudiée plus loin, dans le processus de passage entre dedans et dehors de soi-même.
Bien sûr la présence de jeunes filles anorexiques ou de personnes présentant des troubles psycho-somatiques ou de délirants hypocondriaques ne conduit pas à cette exploration. De même, les personnes psychotiques n'ont aucun bénéfice à entendre parler de leurs organes et viscères intérieurs alors que leur peau/enveloppe psychique sont loin d'être bien établies.
Les écrits de cet article sont la propriété intellectuelle
de sa créatrice, Muriel Launois et n'engagent qu'elle. (article datant de 2016)
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