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Modèles en ergothérapie

Modèles en ergothérapie Zoom sur Modèles en ergothérapie

Dans cet article, se trouvent quelques modèles utilisés ou créés par des ergothérapeutes...ils sont loin d'y être tous!!!
L'orientation globale de l'ergothérapie est d'être "occupation et patient centré"...


Il est à noter que le questionnement identitaire, traverse les ergothérapeutes de psychiatrie, depuis bien des années... Un groupe de recherche a été créé en 2017, le GRESM, groupe de réflexion sur l'ergothérapie en santé mentale, à la suite de la parution du livre blanc en santé mentale.




Paradigmes en ergothérapie
Avant d'évoquer quelques modèles (et il y en a d'autres...), il faut aussi se souvenir de l'évolution des intentions thérapeutiques dans l'histoire de l’ergothérapie. L'évolution globale de l'ergothérapie est décrite par Rabow, cité par Duncan (Foundations for practice in Occupationnal Therapy, 2006) comme suivant 3 grands moments principaux:

  • Au début du vingtième siècle, aux états-unis, et un peu plus tard en France, nous sommes dans l'idéologie de l’amélioration du fonctionnement par la mise en action, en activité. La notion de l'importance de l'activité pour l'être humain s'affirme. Le travail est là, le travail améliore la santé, le travail est bon pour tous...
  • Vers le milieu du XXème siècle, c'est le développement des connaissances médicales et en particulier, tout ce qui touche à la dimension intra-corporelle, somatique ainsi que la mise en évidence de l'espace intra-psychique et de son fonctionnement, qui vont permettre l'éclosion d'une ergothérapie qui va se centrer sur l'individu, dans son corps et son esprit. Le modèle bio-médical est le plus prégnantL’intérêt se porte donc sur le fonctionnement de l'individu dans tous les sens du terme et l'activité est un moyen pour améliorer ce fonctionnement. Un moyen de prendre soin de soi, un moyen de s'exprimer, un moyen de se réaliser.
  • Depuis environ 20 ans, l’intérêt se porte de plus en plus vers l'individu dans son environnement et nous regardons les choses sous plusieurs angles, dans leurs interactions: sujet, activité et environnement. Avec souvent, une tendance à se tourner vers des thérapies pragmatiques, efficaces, rapides, tout comme le demande la société autour de nous. En santé mentale, l'inconscient, l'espace intérieur commencent à être moins mis en avant. Les thérapies plus soucieuses d'un comportement adaptatif socialement parlant, s'imposent.

Cette évolution globale des mouvements de notre société, peut influencer l'ergothérapie. Le travail d'approfondissement de la compréhension de l'être humain et de son psychisme a pris son origine plutôt dans le second moment, mais faut-il pour autant abandonner ce type de travail pour se tourner vers un unique souci d'adaptation à la réalité? Ne sommes-nous pas, parfois, trop sensibles aux nécessités actuelles tournées vers l'efficacité la reconnaissance, la "scientitude", le sérieux, la normalisation? Faut-il pour autant, oublier la dimension singulière, unique, créative de l'humain? Ma préférence personnelle pour le travail autour du sens me pousse à dire que non..Se demander, toujours, quel est le sens de nos actions, me semble incontournable.

Un mot revient souvent c'est que nous voudrions bien une ergothérapie holistique, incluse dans l'évolution vers un modèle sociétal bio-psycho-social et donc qui tienne compte des dimensions somatiques, sociales mais aussi psychiques de l'humain. La facette psycho-affective, imprégnée de l'histoire de la personne, gagne donc à être intégrée, même dans sa dimension de l'existence de l'inconscient, avec tout ce qu'il peut avoir d'incontrôlable qui dérange parfois. C'est pourquoi ma préférence personnelle s’enracine dans les modèles inter-disciplinaires psycho-dynamique et notamment celui de Winnicott avec la notion de transitionnalité. Cette notion permet de donner du sens à ce qui se joue dans notre pratique.


Actuellement, les sciences de l'occupation semblent de plus en plus inciter les générations actuelles et futures ergothérapeutes à entrer dans le domaine de la recherche pour affirmer les bases conceptuelles de notre profession, d'une façon plus consensuel et appuyée sur des résultats validés. Les notions d'empowerment, de réhabilitation psycho-sociale et de rétablissement, notions plus transversales avec d'autres thérapeutes, infiltrent aussi nos pratiques



Modèles en ergothérapie utilisés en psychiatrie
Il s'agit donc de tenter d'identifier parmi quelques'uns des modèles développés par les ergothérapeutes eux-mêmes ou des conceptualisation à partir des modèles trans-disciplinaires, ceux qui sont utilisés ou utilisables en psychiatrie et psychologie médicale.

  • Une  philosophie: La transitionnalité vient s'inscrire comme la toile de fond de toutes nos pratiques, qu'elles soient en "psy" ou ailleurs, nous travaillons tous dans l'espace intermédiaire entre espace interne et espace externe. Ce modèle très large est issu d'un modèle interdisciplinaire de psychologie, celui de Winnicott. Cette vision reste une base de compréhension possible de notre métier, plutôt en psy, même s'il tend à être plus une philosophie, une vision globale plutôt qu'un modèle pratique à appliquer. Ma préférence personnelle va à ce modèle d'origine psycho-dynamique et qui nous a permis de commencer à penser notre pratique.(voir winnicott)
  • Un outil, plus qu'un véritable modèle conceptuel, Kawa vient nous montrer l'utilisation d'une métaphore thérapeutique, sachant qu'en "psy", il serait intéressant d'utiliser cette forme de pensée mais pour aider la personne à trouver sa propre métaphore. Ce modèle a été créé par un ergothérapeute japonais Michael K.Iwama.
  • Les modèles de pratiques, occupation centrées et appuyés sur les sciences de l'occupation, qui nous viennent d'outre atlantique (MOHO et MCREO) et que nous commençons à utiliser et à appliquer, mais dont il nous reste à savoir comment nous allons les intégrer à notre vision plus Européenne. Ces modèles sont utilisés en ergothérapie dans de nombreux domaines et créés par des ergothérapeutes. Il reste que le nombre de bilans proposés n'est pas adapté à une pratique de médiation expressive. Dans le domaine de la réhabilitation, il est donc tout à fait possible de se référer à ces modèles, sans oublier de "traduire" certains termes qui choquent encore les délicates oreilles Françaises (entre occupation, rendement et autres performances...


Kawa, une "métaphore aquatique"
En Mars 2016, Michael K.Iwama est venu à l'Adere pour parler de ce modèle. "Il affirme que la théorie conventionnelle de l’ergothérapie, décrétant le « Soi » et « l’Environnement » comme deux entités distinctes reliées par l’occupation, peut évoluer. Il pousse donc cette doctrine plus loin, imaginant que tous les éléments gravitant autour du « Soi » se retrouvent dans ce dernier de manière à former un tout." (voir article dans Revue "Le MIIFE" n°28 - Juin 2016 )

Le modèle KAWA est un modèle élaboré par des ergothérapeutes et un outil d'évaluation. Il a été créé par un groupe d’ergothérapeutes Japonais dans les années 200, mais c'est le nom de Michael K.Iwama qui a été le plus retenu. Ce modèle donne une vision holistique du patient. Le Kawa (« rivière » en japonais) utilise une métaphore familière de la nature, qui vient s'inscrire comme une métaphore de la vie du patient. "Partant de la montagne où est sa source, pour terminer son chemin dans un lac, la mer ou encore l’océan, imageant alors la fin de la vie. Le courant de cette rivière est fluctuant, et plusieurs éléments peuvent l’altérer ou l’améliorer". Ce modèle cherche à permettre à la personne de mettre des mots sur ses souffrances, difficultés, problèmes (métaphorisés par exemple par des rochers). Cette métaphore est simple et peut rendre cet outil facile à utiliser pour une large population. Il vise à permettre à la personne de traduire son ressenti et de mettre en lumière ses opinions sur lui-même, sa vie et sur son bien-être. La métaphore permet donc à la personne de clarifier son chemin de vie, les événements qui ont été signifiants pour lui, de faire un point sur sa vie.

Le modèle Kawa est un donc un bel exemple de conceptualisation. Ce type de travail, c'est à dire le fait de trouver sa propre métaphore thérapeutique, gagnerait à être développé par chaque ergothérapeute, soucieux de trouver un sens à sa pratique. Il faudrait quasiment, mais c'est sans doute utopique, que chaque ergothérapeute entre dans cette démarche d'appropriation d'un ou de 2 grands modèles conceptuels globaux, pour créer sa propre interprétation de son métier, là où il se trouve, avec les patients qu'il soigne et dans l'institution où il travaille. Toutefois,il est souvent plus simple de s'appuyer sur un modèle déjà théorisé. L'inconvénient de cela est que la métaphore de l'autre n'est pas forcément la nôtre. En "psy", l'idéal serait que ce soit le patient qui trouve sa propre métaphore et non pas qu'on essaie d'en appliquer une sur lui, de façon artificielle. Une métaphore thérapeutique devrait nous permettre de comprendre notre métier, pas de métaphoriser l'histoire de la personne à sa place même si l'idée de la rivière est séduisante. Certains vont gravir une montagne, d'autres s'engager dans une quête, d'autres encore trouver d'autres pistes personnelles. Favoriser l'utilisation de la métaphore en thérapie est une voie à développer, en particulier dans les groupes d'expression.


Publication de l'ANFE et Deboeck:
"Agir sur l'environnement pour permettre les activités"
Dans le chapitre 13, sur l'approche de l'environnement dans les modèles ergothérapiques, il est question de ce modèle.
Livre collectif sous la direction d'Eric Trouvé, président de l'ANFE.

Un mémoire utilisant ce modèle dans un service de soins palliatifs par Charlotte Pruvot (lien)

Un powerpoint proposé à l'IFE de Nancy, par Marie-Pierrre Vanel (ici)




Modèles de pratique centrés sur les occupations
Il existe des modèles pour l'ergothérapie, centrés occupation. Actuellement, le modèle américain, centré sur la notion d'activités (MOH ou MOHO) ou sur le rendement occupationnel du côté Canadien( MCREO), tendent à se répandre de plus en plus. Le modèle du MOH a été créé dans le domaine de la santé mentale. Ces modèles proposent un travail avec l'activité comme objectif plus que comme moyen d'expression. Il convient de mettre l'homme en action dans ses occupations, elles-même faites de différentes activités, elles-même parfois re-découpées en taches, en considérant que l'homme se définit et existe à travers ses occupations, dans le domaine de la vie quotidienne, de la productivité ou des loisirs. La notion d'occupation est à entendre au sens très larde des occupations humaines et pas au sens plus restrictif (voir péjoratif) d’activité "juste" occupationnelle, au sens d'occuper un peu son temps libre et vide.

Ces modèles permettent de mettre en évidence la notion d'équilibre occupationnel comme un concept clef de l'ergothérapie, faisant le lien entre la santé et les occupations. Certains auteurs parlent d'équilibre de vie, l'équilibre occupationnel étant inclus dans le premier. Il s'agit de l'équilibre entre les différentes activités identifiées, pouvant varier suivant le modèle impliqué. Il est parfois question aussi de "balance occupationnelle" ou de "privation occupationnelle".

Le modèle de l’occupation humaine (MOH de G. Kielhofner) étudie les interactions entre la personne, ses motivations, ses habitudes de vie, ses capacités et son environnement pour mettre en place des activités. Voir aussi le site du centre de référence du modèle de l'occupation humaine, adresse qui m'a été transmise par Aline Doussin, ergothérapeute canadienne (voir site ).

  • Il développe particulièrement la compréhension de l’engagement de l’être humain dans les activités signifiantes et significatives.
  • G. Kielhofner définit la volition comme le processus aboutissant au choix des activités. La volition comprend la conscience des capacités, du sentiment d’efficacité et des valeurs et intérêts personnels. La volition, les habitudes de vie et les capacités dans l’environnement sont les trois composantes qui peuvent permettre de comprendre l’engagement d’une personne dans une activité en particulier.
  • De nombreux bilans sont utilisés dans ce modèle pour définir le profil occupationnel de la personne, rendant son utilisation parfois compliquée pour des patients déprimés et dévalorisés, ou pour des patients n'ayant que peu de capacités d'engagement ou de motivation. (MOHOST)


Le modèle canadien du rendement occupationnel et de participation (MCREO-P) pour objectif principal d'évaluer la perception du patient à l'égard de son rendement occupationnel.

  • La notion de rendement occupationnel "se réfère à la capacité d'une personne de choisir et d'effectuer des occupations significatives qui lui procurent satisfaction , qui ont une signification culturelle et qui lui permettent de s'occuper d'elle-même, de se divertir et de contribuer à l'édifice social et économique de la collectivité "(ACE, 2002).
  • Ce modèle prend en compte la subjectivité de la personne. Il s'appuie sur le modèle humaniste, au sens où il cherche à favoriser l’engagement de la personne dans l’activité. La théorie du flow peut également être considérée comme une référence pour les théories de ce modèle.
  • Ce modèle reprend la structure tripartite de l'individu, de l'activité et de l'environnement, qui sont les piliers de ce modèle et qui est reconnue, consciemment, intuitivement ou en application d'un modèle, par tous les ergothérapeutes. Interdépendance entre ces trois piliers est fondamentale pour un bon fonctionnement de la personne.
  • L'individu est vu dans ses 4 dimensions: physique (fonctions motrices, sensorielles et sensorimotrices), affective et sociale (facteurs inter et interpersonnels, émotions et comportements), cognitive (fonctions intellectuelles telles que concentration, mémoire, compréhension, jugement et raisonnement, ainsi que l'organisation de la pensée et les schémas cognitifs tels que la perception du monde et les croyances cognitives) et spirituelle (noyau et essence de l'être, valeurs et éthique)
  • Domaines de l'occupation : Les soins personnels (s'occuper de soi, responsabilités personnelle mobilité, organisation espace et temps), la productivité (contribue à l’épanouissement personnel social et économique, engendre des revenus, inclut l'emploi, les travaux scolaires, les travaux ménagers, le rôle de parient, le travail bénévole), les loisirs (socialisation, activités ludiques, de plein air, activités sportives) et enfin le repos.
  • Environnement sous ses 4 aspects: culturel (caractères communs à un groupe d'individus), institutionnel (institutions, pratiques sociales et politiques, processus de prise de décision, accessibilité, pratiques organisationnelles et toutes les institutions financières, juridiques, politiques et économiques), physique (nature ou construction, édifices, jardins, routes...) et social (communauté avec ses attitudes, croyances, type de rapports, regroupements sociaux, effet de groupe)
  • Il est fondé sur une évaluation autour des occupations qui sont importantes pour la personne, intégrant une évaluation subjective de la satisfaction de la personne. Ces occupations sont analysées avec un outil, le MCRO ou mesure canadienne du rendement occupationnel, dans laquelle le patient est invité à lister 5 activités signifiantes pour lui et à identifier son degré de satisfaction concernant ces activités.Ce modèle tient compte de la dimension spirituelle du patient, ce qui est un éléments assez peu développé dans nos cultures.


Pour le modèle de Mosey: voir site de Philippe Ghuihard ou le même article dans erudit.org






Les écrits de cet article témoignent de la compréhension
 de la créatrice du site, Muriel Launois,
Ces positions n'engagent qu'elle ( et quelques lectures) en cas d'erreur d'interprétation!!!
(article datant de 2010)