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Moi-peau

Moi-peau Zoom sur Moi-peau

C’est du côté de D.Anzieu (1995) que je suis allée chercher des références pour mettre des mots sur ce qui se jouait dans la thérapie. Sensible à cet auteur et à sa forme de pensée du fait de mon utilisation des thérapies psycho-corporelles, la notion de Moi-peau m’est familière. D.Anzieu  a mis en évidence le fonctionnement analogique de la peau et du moi et a développé la notion de Moi-peau.

Il développe l’existence de 8 fonctions fondamentales, toutes étayées sur le fonctionnement de la peau, et entendues dans une dimension métaphorique. (Maintenance, contenance, soutien de l’excitation sexuelle, recharge libidinale, pare-excitation, inter-sensorialité, inscription psychique des traces sensorielles, individuation). La peau est une barrière de contact qui différencie et relie, et l’enveloppe psychique assure elle aussi ces deux fonctions majeures. (voir apports de D.Anzieu).



Protection et pare-excitation

La notion de moi-peau de D.Anzieu peut permettre de comprendre ce qui peut se jouer lors de ce travail en expression, du côté de la contenance et du côté de la protection. Quand j'avais proposé à S. de refaire un dessin ensemble, c’était essentiellement pour réparer la perte du dessin précédent et lui redonner un espace protégé et personnel. Comme il n'y pas de salle dédiée à l’ergothérapie, il n’y a donc pas de protection et de contenance assurée par une salle bien distincte et identifiée. Ce manque de salle dédiée nécessite un travail autre sur l’espace personnel de la personne et il faut trouver d'autres pistes pour assurer cette contenance: tables rondes, matériel rangé de façon stable et fiable, dans des contenants bien identifiés, repères identiques lors de l’installation de la salle, présence de l'ergothérapeute, etc...

Au fil des séances, il reparle avec insistance du besoin de protection des dessins que nous faisons ensemble, et lors de la pause cigarette, il demande même que nous le retournions. Il est important qu'il puisse ainsi défendre l'espace créatif, qu'il puisse nommer un besoin d'intimité et de protection du regard de l'autre. Il demandera même un rouleau de carton pour pouvoir protéger le dessin. Il évoque en effet, son grand sentiment d'insécurité ici, avec des sentiments de persécution diffus et infiltrant toute l'hospitalisation, l'équipe et même au-delà, quasiment le monde entier.

Progressivement, je reprends avec lui des éléments de son histoire et surtout je tente de l'aider, lorsqu'il se fâche après une personne ou une situation, à gérer sa colère par une mise en mots et en restant moi-même très calme, dans la voix et dans la présence. Il semble qu'une telle attitude, sans incitation à quoi que ce soit, lui permette de se poser. Il m'apparait comme très sensible à l'atmosphère. Il est clair que lorsqu'il a un temps en exclusivité pour lui, il est plus investit et plus calme.

Lorsqu’il parle du besoin de protection autour du dessin, il relate une anecdote au cours de laquelle il a été frappé par son père, devant sa s½ur et qu’il a eu honte. Ensuite il est allé dans sa chambre et a réalisé sa première gouache. Que cela soit vrai ou non peu importe, ce qui se joue là c’est qu’il m’indique que quand il dessine il répare quelque chose autour de la violence, d’autant plus que nous parlons bien souvent de colère et qu'il projette autour de lui des éléments de destructivité avec une grande fréquence. Il a toujours été très sensible, tout au long de la thérapie, à tout ce qui s'est joué autour de cette notion de protection.

Ainsi des dessins affichés par des patients avaient été retirés par des membres du personnel, lors d'un rangement de la salle à manger et il avait protesté vigoureusement, attendant de voir quelle serait ma réaction. J'avais alors protesté aussi devant le patient, en soulignant qu'il n'était effectivement pas juste que les dessins soient ainsi retirés, même si les patients étaient déjà sortis. A la suite de cette situation, nous en avons parlé en équipe et nous avons décidé de ne plus laisser les patients afficher leurs productions dans la salle à manger, sans avoir pu alors, mettre des mots sur cette situation.


Peau commune et Contenance

D.Anzieu met en lumière le fait que la relation mère-enfant passe par des étapes, allant du fantasme de fusion primaire d’un retour au sein maternel à celui d’une peau commune mère-enfant, qui favorise une communication en empathie réciproque. Lorsque ce fantasme de peau commune s’efface peu à peu, une interface mère-enfant se crée (mère enveloppe externe et peau de l'enfant enveloppe interne). Lorsque cette dernière a été suffisamment bonne, elle est progressivement intégrée au dedans de l'enfant, intériorisée. Il peut alors développer une enveloppe psychique contenante des contenus psychiques. Cette enveloppe permettra l’existence d’un monde intérieur des affects, des sentiments, des pensées, des images. (voir fonction contenante )

Dans le dessin de S, (ci-dessous), des éléments viennent se poser dans le ventre du cygne. Le ventre du cygne qui contient des éléments vient faire écho à un ventre maternel et, il me semble, à ce fantasme de peau commune. S a aussi soigneusement insisté pour que je l'aide à formaliser la limite de ce ventre, de cet espace interne, en demandant que le trait soit renforcé, soulignant la dimension de la contenance. Il est possible aussi de lire ce travail comme un renforcement de la fonction d’inter sensorialité, qui fait de la peau une toile de fond réunissant les organes des sens, évitant l’angoisse de morcellement. 
D.Anzieu (1995) peut donc nous aider à approfondir la notion de fonction contenante qu’un lieu de soin et les thérapeutes devraient pouvoir proposer. Cette fonction contenante va permettre de distinguer le monde interne et le monde externe, non pas dans une contenance statique, comme « un sac de peau », mais dans une fonction dynamique. C'est dans cette intention que j'ai pu proposer la contenance très concrète de la feuille blanche, ainsi qu'une autre expérience de contenance par ma présence. Mais c'est essentiellement la fonction de mise en mots qui va soutenir cette fonction dynamique de distinction entre monde externe, dessins et formes et monde interne, mots qui peuvent donner du sens et organiser l'espace psychique.





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