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Avion vole


2022:  Unité de soins protégées, un patient qui entre en démence et qui clame le fait qu'il a été hospitalisé d'une façon abusive, musclée voire violente...

L'atelier d'ergothérapie n'existe pas vraiment et depuis le début de mon travail dans ce nouvel espace plus restreint où les salles sont rares, je promène des meubles et des armoires un peu dans tous les sens explorant les lieux les plus adaptés.

Étonnamment, c'est dans le lieu le plus ouvert que les patients viennent le plus facilement. Du moins ceux qui justement, ne souhaitent pas être engagés dans un lieu confidentiel et contenant comme celui proposé par ma collègue. Nous avions commencé par partager cette toute petite salle, puisque nous venons en alternance, mais face à la confusion engendrée pour les patients psychotiques, j'étais donc repartie en mode errance. Et c'est dans ce lieu où, les patients qui sont méfiants, qui ne font que passer, qui jettent un ½il et refusent de s'assoir...ou encore ceux qui passent pour aller fumer leur cigarette au fumoir adjacent, viennent se poser quelques instants. Dans le lieu que j'aurais le moins choisi. Décidément, j'apprendrais à m'adapter jusqu'au bout de ma vie professionnelle!

H est dans la salle lorsque j'arrive un lundi après-midi. Je ne viens dans ce service que deux après-midi et c'est aussi l'une des raisons qui font que la salle n'est pas une salle d'ergothérapie...La vraie formulation est : "2 fois par semaine une ergothérapeute est présente dans la salle, les armoires sont alors ouvertes et il est possible de découvrir comment bricoler de petits objets artisanaux, explorer la matière, dessiner ou simplement être là". Et pour certains patients, plus engagés ou actifs, certains autres soignants, selon leur disponibilité, ouvrent aussi les armoires...peu souvent.

H est assis à une table et ne bougera pas d'un centimètre de sa chaise durant toute la séance. Comme d'habitude je remets la salle en place d'une certaine façon, regroupant deux tables dans le coin le plus reculé et le plus "sécure" si tant est qu'on puisse vraiment parler de sécurité dans un espace où circulent des personnes qui vont fumer. En ce qui concerne H je dois donc me contenter de faire glisser la table qui est devant lui, un peu plus loin, mais je sens bien qu'il ne bougera pas de sa chaise. Il reste donc au bord de mon dispositif, à distance.

Effectivement, H restera là, protestant durant toute la séance qu'il a été hospitalisé abusivement, me demandant mon avis et si je fais partie de toute cette troupe de soignants humiliants ou si je cautionne leur attitude. Toutes mes tentatives pour parler d'autre chose avec lui, de lui de lui montrer ce que nous faisons se heurtent à ses protestations, voire à des critiques de ce que nous faisons: "c'est digne de la maternelle et je ne vois pas en quoi cela va nous aider à supporter cette indignité! ". Un sourire en fin de séance me surprendra et il me remerciera d'avoir supporté toutes ses protestations! Je reste surprise de cette conscience de son attitude.

A la séance suivante, H me reconnait, me demande si j'aurais la patience de le supporter ce jour car il reste râleur, annonce-t-il. Il a un livre sous le bras, dont le sujet est l'art. "Je l'ai pris ici mais ne vous inquiétez pas, je le rendrais, je suis honnête moi". Il me dit qu'il est peintre, qu'il aime faire cela et qu'il peint, mais uniquement chez lui. "Parce qu'ici, il n'y a pas le bon matériel". Il m'interroge sur le matériel mais le juge nul, insuffisant, enfantin voire même potentiellement dangereux pouvant provoquer des inhalations dangereuses...Une fantastique illustration de ce que Mélanie Klein nomme angoisse paranoïde de persécution, ou Bion les éléments Bêta, ces éléments psychiques vécus comme dangereux et projeté sur autrui.

Il m'incite donc à réveiller ma fonction alpha, ma capacité à contenir de tels éléments de violence projetée et à ne pas répondre en mode retour de volée de type tennis...au bout de deux heures de séance, la fatigue commence à me guetter quelque peu. J'ai beau savoir que ma capacité à contenir est celle qui est attendue, j'aimerais bien que le tiers de la médiation m'aide un peu...Je recentre le plus souvent possible sur le livre, regardant et nommant les ½uvres, mais il ne l'entend pas de cette oreille et reste assis à côté de moi, bougonnant.

La troisième séance est sous le signe du livre d'art et des éléments délirants projetés à tout vents. Je suis d'ailleurs surprise de la tolérance des autres personnes présentes. Dès qu'il part errer dans le service, ils protestent quand même de son attitude mais le plaignent quand même, avec empathie. Il commence à parler de ses préférences en termes artistiques et comme il a découvert que ma collègue, celle qui propose un atelier centré sur la créativité et pas sur des "bricolages enfantins", était en vacances et qu'il devait se contenter de moi, il recommence à râler, ce qui ravive ma position de mauvais objet, et globalement celle de toute l'institution d'ailleurs.

Au fil des séances, pour pouvoir supporter cette position de mauvais objet, je trouve des stratégies...Assise à ses côtés, je me suis mise à utiliser des craies grasses. Mais il m'annonce tout de go que je fais "n'importe quoi". Je souligne que je n'ai aucune formation artistique et que c'est pour cela que je fais de l'abstrait...A la fin du dessin, je demande aux personnes présentes, de façon globale, ce qu’lis voient dans le dessin. L'un d'eux y perçoit une forme de cercueil et cela fait bien rire H, qui trouve que je me suis fait prendre à mon propre jeu! Je reprends donc le dessin, en annonçant que je vais donc tenter de transformer ce bidule en quelque chose de différent. Le besoin de réparation est présent aussi, chez les thérapeutes et je le nomme en soulignant que, peut-être, je devrais faire quelque chose pour ne pas "choquer des personnes".

Pendant que je modifie le dessin en étalant les craies, H me demande du calque. "Après tout, je peux peut-être tenter de faire quelque chose, mais il faut que cela soit parfait, donc il me faut du calque, et un crayon de papier". Je propose donc le matériel à H qui, finalement, se demande si on a bien le droit de copier ainsi des ½uvres et ne fait...rien. La question de la loi, de la règle, du modèle est posée.

Pour continuer à modifier le dessin que j'avais fait, je me lance dans un pliage d'origami avec la feuille. C'est une cigale. H me regarde faire. Ma voisine a envie d'en faire un aussi, donc je le lui montre. H semble songeur et me demande une feuille blanche, il se lance alors dans un pliage d'avion. Une technique que je n'aurais pas envisagé de lui proposer après avoir entendu pendant de nombreuses séances, des critiques sur l’aspect infantilisant de l'ergothérapie!

Et le voilà qui fait un avion, et nous fait force démonstration de lancer, avec des dessins de différentes courbes pour nous montrer comment le vol se fait, qui propose à d'autres personnes de tester l'avion, qui l'allège car il semble trop lourd et qui nous parle de son passé de pilote. H gardera son avion précieusement...Juste un moment de grâce ce jour là.

il passera, de temps en temps, dans la salle, nous dire bonjour, sans jamais refaire quelque chose de concret, mais il acceptera, un jour, d'intégrer l'atelier de ma collègue, plus contenant et confidentiel, avec du matériel qui lui rappellera son passé de peintre et il y trouvera cette fois, un réel plaisir. "Là au moins c'est du matériel sérieux" me dira-t-il un jour...avec un grand sourire!






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