Comme pour chacun de nos outils thérapeutiques, ce n'est pas l'outil en soi qui a une fonction magique ou thérapeutique, c'est parce qu'il est proposé dans un cadre particulier et dans une relation thérapeutique médiatisée, que des processus thérapeutiques pourront se dérouler. La proposition de l'utilisation d'un outil ludique en individuel ou la création d'un groupe de jeux, n'auront pas les mêmes impacts. De même, proposer un cadre ouvert, sans confidentialité ou un groupe nécessitant un engagement et une régularité, n'aura pas non plus les mêmes effets. Nous proposons donc les jeux dans des cadres spécifiques qui vont être porteurs de nos intentions thérapeutiques. Ce qui est important, c'est de bien identifier quelles sont les intentions métaphoriques et symboliques proposées par les jeux thérapeutiques. En effet, nommer un atelier de jeu "jouer c'est gagner" ou "jeux thérapeutiques" ne va déjà pas indiquer aux patients, les mêmes intentions...
- Globalement, les jeux d'expression vont nécessiter des cadres plus contenants et confidentiels, métaphore d'un espace personnel protégé et d'une possibilité d'expression sans danger d'intrusion et d'intervention extérieure. Les jeux cognitifs vont nécessiter aussi un cadre de préférence fermé, mais là plutôt pour des raisons de concentration.
- La notion d'espace transitionnel, qui est l'une des fonctions potentielles d'un cadre thérapeutique sera moins sollicitée, dans la mesure où l'outil jeu en lui-même, propose un espace de jeu de type transitionnel, où ce qui se joue est tout à la fois issu de l'espace intra-psychique de la personne et dans l'espace extérieur
- Quand à la fonction centrée sur la dimension structurante du cadre, elle est soutenue par l'existence même des jeux avec leurs règles et consignes. L'ergothérapeute est le ou la garant(e) du respect des règles. Ainsi, en cas de transgressions, il est nécessaire de les verbaliser et de rappeler que chacun y est soumis, ceci afin d’aider les personnes à prendre conscience de la signification de cet acte, c’est à dire le non-respect d’un consensus collectif. Enfin, le fait que l'atelier, la séance soient structurés, avec des temps différenciés de mise en place, de jeu, de parole est la garantie que la personne pourra s'appuyer sur cette structure extérieure pour étayer sa propre fonction structurante intérieure.
Le cadre va en particulier contribuer à l'existence d'une loi, au sens plus large que les simples règles du jeu, qui va contribuer, entre autres choses, à (r)établir le principe de réalité. (voir expériences perceptivo-sensorielles.) Pour permettre la confrontation au principe de réalité, il faut donc un cadre, des règles, des références, une structure solidement posée et respectée, aussi bien par les patients que par les autres thérapeutes que par l'ergothérapeute. Le thérapeute est garant des règles de l'atelier, qu'elles soient sociales, thérapeutiques, institutionnelles. Il ou elle est responsable de l'expression et du respect de ces différentes règles. Il ne s'agit pas de poser un cadre rigide où le souci principal du ou de la thérapeute serait de faire "obéir" le patient aux règles, mais d'avoir conscience que la dimension de la loi doit être présente et que les transgressions doivent être nommées et travaillées psychiquement. La sanction ne peut être la priorité en psycho-dynamique. La pensée et la mise en mots doit toujours la précéder et à tout le moins l'accompagner.
Pour les personnes psychotiques, les références sont loin d'être les mêmes et il va falloir les rappeler fréquemment, sans agressivité. En effet, c'est à la toute-puissance fantasmatique de la personne que l'on va rapidement se heurter lors du rappel des règles et les risques de passage à l'acte demeurent présents. Ce rappel à la règle, à la réalité est souvent vécu comme une contrainte insupportable, une persécution supplémentaire, une intrusion personnelle. Il est d'autant plus important de reformuler sans cesse qu'il s'agit d'une règle commune à tous et à toutes et que l'ergothérapeute y est soumis également. En effet, cela n'est jamais à considérer comme acquis pour le patient psychotique. Le respect de la parole donnée vient donc comme élément fondamental. Cela a, en effet, une dimension structurante. C'est la nécessité d'une loi symbolique nous inscrivant comme individu différencié et non tout-puissant.
Activité ou médiation?
Dans ce site, une distinction est faite entre activités et médiations thérapeutiques. Cette distinction ne doit pas devenir une classification trop rigide, mais nous donner une orientation principale pour dégager l'intention que nous allons utiliser: Objectif ou moyen d'expression.
- Les activités thérapeutiques sont proposées au sens des AVQ (activités productives, de repos, de loisirs, de soins personnels), des activités de type artisanales, d’apprentissage ou encore des activités de type cognitives, rééducatives. L'activité thérapeutique est, le plus souvent, présentée comme un objectif en soi ou le moyen d'atteindre un objectif d'autonomie.
- Les médiations thérapeutiques sont proposées au sens de propositions expressives ou impressives, avec du potentiel de créativité, de projection, de fonction de symbolisation. Les médiations se proposent le plus souvent, comme des moyens d'expression et de découvertes de parties intra-psychiques de soi-même projetées à l'extérieur, mais aussi comme des creusets d'expérimentation pour une métamorphose possible de soi à travers des expériences corporelles, picturales, graphiques, écriture, sonore
Les jeux ont cette caractéristique d'appartenir à toutes ces catégories: Il sont pratiqués dans sa vie quotidienne (ou au moins, ils l'ont été à un moment donné), ils peuvent être facilement utilisés dans des protocoles d’apprentissage ou de (ré)éducation, (permettant alors d'alléger des situations de contraintes et de diminuer les sentiments d'échec), et ils peuvent être proposés dans une intention d’expression de soi. (S'ils sont libres, expressifs, créatifs). Cette familiarité avec le monde du jeu, une fois dépassée la peur d'être confondu avec un enfant pour le ou la patiente) ou un.e amuseur.seuse publique (pour le ou la thérapeute), peut nous aider dans l'utilisation de tels outils riches de potentialités.
Dans ce site, les différents types de jeux vont vous être proposés dans une lecture entre deux continuums: L'un allant des jeux cognitifs aux jeux expressifs, et l'autre oscillant entre les jeux de compétition ou de coopération. Ces deux continuums ne se recouvrent pas totalement, mais les jeux cognitifs ont une tendance à être plutôt en lien avec la compétition, tandis que les jeux d'expression seront plus en accord avec les idées proposées par les jeux de coopération, émergeant en force actuellement.Chacun d'entre eux, selon l'orientation principale, cognitive ou expressive ne proposera donc pas les mêmes expériences signifiantes. Ces expériences signifiantes sont aussi développées dans les descriptions des différents type de jeux. Il s'agit donc de potentialités thérapeutiques et non pas d'objectifs à atteindre.