L’obésité, causes et conséquences
L’obésité est une maladie chronique évolutive, avec des causes et des déterminants aux origines multiples : mode de vie avec des « exposomes » (macrobiote intestinal, polluants, perturbateurs endocriniens, anomalies du sommeil, faibles liens sociaux, urbanisme défavorable…), prédispositions génétiques ou épigénétiques, conduites alimentaires marquées par l’histoire de la personne et la « qualité de ses premières années de vie », une vulnérabilité psychique pouvant conduire à des troubles du comportement alimentaires (TCA), une précarité économique. (Rapport à la Direction générale de la santé et à la Direction générale de l’offre de soins, Pf Ziegler et al, 4 octobre 2014)
Les patients témoignent de nombreuses situations de handicap dans leur vie : difficultés dans les gestes de la vie quotidienne et dans les soins personnels (difficultés à se laver, à se chausser, à s’habiller, à s’essuyer aux toilettes). La vie relationnelle et familiale sont également impactées. Ainsi, les personnes se plaignent souvent de ne plus pouvoir jouer avec leurs jeunes enfants ou petits-enfants, car il faut se baisser. Ils ont le sentiment « de rater les moments importants de leur enfance ». La sexualité est également souvent évoquée par les personnes comme compliquée, réduite, voire inexistante.
Les personnes souffrant d’obésité, font également état de douleurs dans différentes zones de leur corps (le plus souvent le dos, les genoux et les hanches) les conduisant à réduire leurs activités productives et leurs loisirs actifs, dans la mesure où de nombreux sports leurs sont devenus impossibles. Souvent la marche reste une des rares activités physiques possible, pouvant conduire à l’essoufflement avec des réductions du périmètre de marche. La piscine vient en tout premier plan en termes de regrets, à cause de la honte ressentie vis-à-vis du regard des autres.
Le « sain et le beau » se constituent encore souvent comme des normes sociales. Le vécu social de l’obésité est donc généralement assez négatif. La personne est ainsi souvent stigmatisée, perçue comme n’ayant pas assez de volonté ou de force de caractère, ou comme quelqu’un qui ne veut pas faire l’effort de bouger. (Poulain, 2009). Les patients évoquent très souvent un sentiment de honte vis-à-vis du regard des autres et de stigmatisation, voire de discrimination, reprenant parfois à leur compte le discours sociétal culpabilisant.
Des adaptations sont souvent nécessaires dans leur vie professionnelle, voire des reconversions ou des cessations d’activités pour des raisons de santé. Par exemple, les personnes auxiliaires de vie soulignent des troubles musculo-squelettiques et des difficultés physiques de plus en plus grandes au fur et à mesure de la prise de poids. En ce qui concerne la discrimination sur le plan professionnel, certaines personnes ont le sentiment que l’embauche de quelqu’un en surpoids est rendue plus difficile par les idées reçues que peuvent avoir les employeurs.
Tous les domaines de la vie quotidienne peuvent être impactés, qu’il s’agisse de productivité, de loisirs, de soins personnels ou même de repos, dans la mesure où ces personnes souffrent souvent d’apnée du sommeil. Les activités des personnes sont donc réduites en raison de leurs surpoids, mais aussi des conséquences de ce surpoids sur leur santé (douleurs, diabète, essoufflement, fatigue).
La chirurgie bariatrique
L’une des thérapies possibles de l’obésité est la chirurgie bariatrique. Cette technique chirurgicale modifie l’anatomie du système digestif. Elle est réalisée dans certaines conditions: « le patient doit être majeur, avoir un IMC > 40 ou > 35 et présenter des comorbidités liées à son obésité (hypertension artérielle, syndrome d’apnées-hypopnées obstructives du sommeil SAHOS, diabète, maladies ostéo-articulaires, etc.) ». (Brulin et al, 2020).
Les chiffres de la DREES (direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques) mettent en évidence que « le nombre d’interventions a été multiplié par plus de 20, passant de 2 800 en 1997 à 59 300 en 2016 ». Le ministère de la santé a donc mis en place un Plan obésité dont l’un des points essentiels est centré sur l’encadrement de la chirurgie bariatrique qui a triplé en 10 ans, faisant de la France le pays le plus engagé dans cette pratique.
Cette opération présente en effet, des risques importants de complications digestives, de carences nutritionnelles, de risques liés à la perte de masse musculaire et de difficultés psychologiques. « La réalisation des interventions de chirurgie bariatrique doit être mieux encadrée et sécurisée tandis que le suivi des personnes opérées doit s’inscrire dans la durée en s’appuyant sur des dispositifs innovants permettant une prise en charge plus globale du patient. » (Plan obésité 2019-2022, site du ministère de la santé).
Pourquoi l’éducation thérapeutique ?
Cette notion de prise en charge plus globale du patient s’appuie en particulier sur l’éducation thérapeutique comme l’indique le Pf Ziegler dans le rapport de 2014, déjà cité : Cette chirurgie « implique le développement de parcours d’ETP spécifiques, avant et après l’intervention ». Le parcours médico-psychologique du patient candidat à la chirurgie bariatrique est également encadré par les recommandations de la Haute Autorité de Santé (HAS) depuis janvier 2009 dont les indicateurs ont été ré actualisés en janvier 2017 (voir biblio HAS).
« L’ETP est considérée comme un élément clé de la médecine de l’obésité, car elle permet de remettre en cause les stéréotypes diagnostiques ou thérapeutiques, au profit d’objectifs partagés et d’un plan d’action coconstruit par le soignant et le patient. » (Reach , 2015)
Le plan Obésité a fait de l’éducation thérapeutique un objectif majeur des soins pour la personne obèse (axe 1). Les experts de la HAS quant à eux indiquent que « l’éducation thérapeutique est une action de santé qui peut s’avérer bénéfique sur le plan clinique et économique, quand elle se déroule dans des conditions et selon des modalités favorables ». Chaque région doit trouver les solutions les plus pertinentes, sous l’égide de l’ARS avec le soutien de son ou de ses centres spécialisés de l‘obésité (CSO).
Selon le Pf Ziegler (rapport de 2014) 5 éléments caractérisent l’ETP.
- Une approche pédagogique : le soignant se situe plutôt en position d’éducateur et le patient, un apprenant capable d’auto-détermination. C’est le patient qui souhaite changer et le thérapeute qui accompagne ce changement de comportement possible, sans le rendre obligatoire ou le prescrire.
- Un autre modèle relationnel entre soignant et soigné : « L’ETP permet de passer d’un modèle paternaliste, centré sur le modèle bio-médical, à un modèle humaniste de la relation à la personne, permettant une prise en compte de celle-ci dans sa globalité. » (ziegler et al)
- Une analyse fonctionnelle des comportements : Retracer l’histoire de la personne, ses différents essais de régimes, ses ressentis personnels vis-à-vis de son obésité est un moment important.
- Le care : Les patients obèses peuvent être plus vulnérables sur un plan social ou psychologique. Les accompagner pour écouter leur souffrance se révèle donc nécessaire d’autant plus que l’obésité est une maladie invalidante.
- Une thérapie centrée sur la personne : La personne doit être actrice de ses soins et pas objet de soins du ou de la thérapeute. L’objectif n’est pas de faire maigrir, mais de soigner une personne en tenant compte de toutes ses difficultés, situations de handicap. La phase initiale est une acceptation, pas une résignation, pour pouvoir ensuite aller vers une dynamique de changement.
Cet article a été écrit en collaboration par
Mmes Shambert Sylvie et Mme Launois Muriel, ergothérapeutes.
Il est donc leur propriété intellectuelle
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