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Création et introspection

Création et introspection Zoom sur Création et introspection

Est-il possible de proposer un travail centré sur les émotions d'une façon psycho-dynamique? Une intention de travail sur quelque chose peut-elle faire bon ménage avec l'inconscient? Les émotions sont-elles vraiment un problème à travailler? Quelques questions à se poser peut-être, avant de se lancer sur la vague des émotions, celle que la société nous pousse de plus en plus à prendre en compte...Mais il est parfois bien difficile d'y résister...

Dans cet article, nous vous proposons de trouver des pistes pour permettre à une personne, au c½ur d'un groupe de thérapie, de trouver sa propre façon de vivre ses émotions, sans lui dire comment elle doit faire...Ce travail a été imaginé en collaboration, avec une jeune psychologue, Maryne Mutis, qui l'utilise dans un service où la psychothérapie institutionnelle est encore en vigueur sous un mode psycho-dynamique...Ce type de travail peut donc tout à fait être transversal avec d'autres métiers ou co-animé si nécessaire.



Émotions, angoisse et croyances

Du côté psycho-dynamique, c'est l'angoisse qui a essentiellement "intéressé" Freud, non pas tant du côté physiologique avec son retentissement dans les sensations corporelles ou du côté comportemental avec ses répercussions dans la dimension relationnelle ou environnementale, que du côté de ce qui a bien pu la déclencher de l'intérieur. Freud était plus centré sur la vie affective du sujet, "sur ce qui ne se voit pas, ne se dit pas et relie le sujet à ses pulsions et désirs". Les thérapeutes qui se référent à la dimension psycho-affective s'intéressent plus à la vie intérieure du sujet qu'à ses comportements extérieurs visibles. La modification d'un comportement ou la "guérison" d'un symptôme n'entrent donc pas dans leurs intentions thérapeutique. Dès lors, les émotions peuvent sembler un peu superficielles...Mais peut-être est-il possible de proposer un apparent travail sur les émotions, comme un leurre attractif, pour aller ensuite au-delà du miroir sociétal.

Des études récentes prouvent de plus en plus que les thérapies ont toutes une efficacité sensiblement identiques à long terme et que ce qui est le plus important c'est la cohérence entre le thérapeute et ses orientations, mais surtout la cohérence entre la thérapie proposée par le/la thérapeute et les besoins de son patient. Dans les institutions, il est souvent difficile d'utiliser l'orientation psychanalytique qui nécessite du temps et des formations cliniques longues, alors que la demande sociétale réclame de plus en plus de rapidité dans les prises en charge. Les TCC prennent donc de plus en plus d'ampleur dans les prises en charge institutionnelles, car elles semblent répondre aux critères d'efficacité (au moins à court terme) et de rapidité. Les TCC tendent à utiliser des protocoles qui visent, par exemple, à "corriger les fausses croyances" (terme souvent entendu en TCC), tandis qu'en psycho-dynamique la singularité du fonctionnement psychique de la personne est recherchée. Selon les intentions des thérapeutes et leur sentiment de savoir ce qui est bon pour l'autre ou de lui laisser découvrir, nous ne foulerons donc pas les mêmes chemins.



Non directivité ou intentions?

Idéalement, lorsque l'on se réfère à des modèles psycho-dynamiques, c'est la non directivité à laquelle nous pouvons penser en premier. ne rien vouloir à la place de l'autre, ne pas donner de modèles à suivre, ne pas avoir d'intentions de travailler sur tel ou tel aspect de la personne, ouvrir un espace d'expression à l'inconscient, sont les mots clefs d'un véritable travail de psychothérapie médiatisée. Mais cet idéal de travail nécessite d'avoir du temps pour proposer suffisamment de séance à une personne ou un groupe, pour entrer dans l'interrogation sur soi et son propre fonctionnement, pour se donner le temps de s'écouter, pour apprivoiser sa liberté d'être. Et les résultats ne sont pas toujours visibles à court terme.

Parfois, entre les demandes sociétales de rapidité, les intentions institutionnelles d'efficacité visible et les demandes des patients d'être soulagés de leurs symptômes, il semble de plus en plus compliqué de se situer dans une position d'accueil et d'écoute de la personne, surtout en tant qu'ergothérapeute, "spécialiste" des activités humaines et des médiations thérapeutiques expressives. Nous ne sommes guère attendus dans une telle posture de non directivité et il faut parfois, savoir un peu offrir des directions "souples" qui ne soient toutefois pas des rails à suivre.

La structure qui est proposée ici, comprend trois séances, qui peuvent donner le sentiment d'un travail achevé en quelques séances. Cette illusion d'une efficacité et d'une rapidité va rassurer, peut-être, quelques personnes: Tout d'abord le patient lui-même qui pourra ainsi avoir le sentiment d'avoir bouclé quelque chose en une session de 3 séances. Et puis , cela va aussi rassurer l'institution, dans sa dimension financière et administrative, il y a un début et une fin, un chiffre et une cotation possible. Et puis cela va rassurer les thérapeutes aussi, car ainsi nous n’avançons pas dans le mystère de l'inconscient qui peut faire surgir des tas de choses incongrues à tout moment...Cette notion de chiffre nous renvoie à un besoin de contrôle et d'efficacité. Car sinon, où irions nous sans objectifs précis, chiffrés et bien posés? Droit dans l'angoisse de l'infini, que chacun et chacune d'entre nous supporte plus ou moins bien.

Bref, nous vous proposons trois séances mais vous pouvez en créer 4, 5 ou 6.


Séance 1

Il s'agit de faire connaissance, de faire peau commune, de se dire, d'être là. Et j'aurais presque envie de m'arrêter là...Mais vous attendez sans doute, quelques autres mots clefs et c'est tout le paradoxe d'un article où il faut bien dire quelque chose mais où ce quelque chose devrait juste être ressenti et vécu dans l'instant. Vous ne comprenez pas? Vous relisez la phrase? Super...Vous venez d'expérimenter la saturation et la confusion utilisée en hypnose. C'était juste pour vous inviter à vous demander pourquoi vous cherchez des réponses ici au lieu de vous mettre au travail à votre façon...

Quelques pistes de questionnement: Comment se présenter? Que dire de soi? Que voulez-vous savoir de l'autre? Quelle intention avez-vous sur l'autre? Quelles intentions ont les personnes présentes? Avoir plus de questions que de réponses nécessite de supporter le doute, l'incertitude. Cela se nomme parfois aussi, le lâcher prise. Idéalement, nous devrions venir en séance sans intention excessive, sans but à atteindre, sans idées préconçues. Mais, arriver les mains dans les poches à une séance, tout de même, cela ne fait pas très sérieux et cela nécessite un sentiment de sécurité intérieure du ou de la thérapeute, qui n'est pas toujours si présent que cela.

Donc dans cette première séance donc, nous pouvons proposer un outil, un jeu d’associations d'idées autour des émotions (de type portrait chinois: et si c'était un animal? un paysage? une création? ou de type choix de cartes sur les différentes émotions). Il ne s'agit ni de les définir, ni de les connaitre, ni de se demander laquelle cache l'autre, mais de jouer avec. D'emblée, vous indiquez là à votre groupe de patients que vous pouvez jouer, transformer, rêvasser ensemble. Vous leurs dites qu'il n'y a pas de savoir à connaitre, de bonnes ou de mauvaises réponses, de vraies ou de fausses croyances. Vous entrez dans le je(u) des associations d'idées guidées par les questions qui rassurent car nous avons tous l'habitude d’être dans cette position un peu passive de répondant.


Séance 2

Un autre jeu vient s'inscrire dans cette seconde séance. Affinity est un jeu de coopération issu du commerce. La proposition est de créer des phrases pour faire deviner une émotion aux autres participants, avec 3 morceaux de phrase (sujet, verbe et conclusion). Une transformation du jeu a été nécessaire, car, à la base, seules 4 émotions sont proposées (joie, fun, triste et glauque), réduisant ainsi la palette émotionnelle. Des cartes ont été refaites, proposant un double choix d'émotions à illustrer et intégrant les 6 émotions primaires. Le jeu permet alors, de façon souvent humoristique, de créer des phrases illustrant des situations, de relations, des interactions, potentiellement reliées à une émotion.

Utiliser ce type de jeu permet de mettre en valeur différentes façons de voir les choses autour d'une phrase créée. L'avantage est que la phrase est issue du choix de la personne elle-même, et non pas d'une situation imaginée à l'avance comme susceptible de produire telle ou telle émotion (type jeu de cartes UMEO avec des scénettes écrite à l'avance et avec les "bonnes" réponses). Et comme il y a aussi une part de hasard dans les cartes que la personne a en main, le jeu propose une forte dose d'incongru et de décalage...Ce qui vient mettre du piment et de la légèreté dans ce que nous faisons ensemble avec les émotions. En effet, le choix même des outils que nous proposons envoie un méta-message aux personnes: "Ici, nous jouons avec les émotions!!!"

D'autres jeux pourraient aussi, être proposés dans ce second temps: un photolangage sur les émotions, des squiggles collectifs en se demandant quelle émotion pourrait être illustrée par les dessins, un jeu de mise en lien entre mots et images, feelings (cartes adultes) et bien d'autres encore à trouver , adapter, inventer...(voir Jeux et émotions )


Séance 3

La création personnelle peut alors prendre place, voire parfois même directement sans séances préparatoires si vous n'avez pas un groupe fermé. Il est alors possible de proposer de peindre, dessiner, créer, modeler, écrire, coller, ou un mélange de tout cela. Une création libre, personnelle, qui offre à la personne de se dire à travers cette création et de (se)transformer en transformant la matière. Créer et se re-créer, seul et seule cette fois, pour revenir à soi et à son identité singulière. Créer sans comparaison avec un avant et un après les séances, créer sans consigne à laquelle il faudrait obéir (ou désobéir), adhérer ou se coller, créer sans intention...

Oui mais...Créer sans intention? Vraiment? La question de la consigne se posera car elle sera demandée, attendue. Faut-il suggérer de créer autour d'une émotion? A partir d'une émotion? Pour parler d'une émotion? Faut-il se mettre dans une émotion pour créer à partir d'elle? Faut-il ou ne faut-il pas? Et bien à vous de voir, d'entendre et d'écouter...Vous pouvez aussi demander à vos patients, peut-être, ce qu'il ont envie de faire avec les matériaux que vous leur proposez...Et qui sait, peut-être y aura t'il un lien avec les émotions? Surtout si vous ne le cherchez pas trop...

Et si vraiment la créativité ne semble pas utilisable, les cartes de dixit offrent des possibilités à l'infini...Une première carte peut s'inscrire comme étant celle du ressenti/émotion/problème actuel et une seconde carte peut venir indiquer le futur souhaité par la personne, permettant d'évoquer son désir de changement. D'autres pistes permettant de relier représentations en images et représentations en mots, donc d'aider les personnes à entrer dans une dimension symbolique sont également possibles.(voir dixit et émotions)



Cet article a été écrit par Muriel Launois (en date de 2016)
il est donc sa propriété intellectuelle








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