Une première étape est proposée, sous la forme d'un échange autour des émotions. La ou les personnes définissent ce qu'est pour elle ou eux une émotion, puis une liste des émotions est alors proposée. Il est possible de la faire collectivement, de l'organiser sous une forme ou une autre, ou de laisser le libre choix au groupe de le faire. Il est également possible, en individuel, ou même en groupe, de proposer à chacun d'établir sa propre liste. En individuel, le travail peut alors se faire, en déclinant pas à pas les différentes émotions. En groupe il est possible de demander à chaque personne d'en choisir une, pour proposer un dialogue autour de cette émotion. La consigne peut rester vague et concerner le choix d'une émotion, ou peut se centrer sur une émotion qui pose problème.
Le choix permet à la personne, d'avoir le sentiment de pouvoir décider par elle-même. Cette possibilité, dans le domaine de la conscience, est un "leurre cognitif". Ce soi-disant travail apparent n'est en fait, que la porte d'entrée pour permettre d'entrer dans un "agir sur". Symboliquement, le message qui est envoyé est qu'il y a une possibilité de transformation. C'est le fait de penser/croire/affirmer que le changement est possible, puis de le vivre de façon concrète, qui va permettre de faire exister ce chemin de transformation. Une fois l'émotion définie, un autre choix est alors possible, c'est celui des cartes.
Choix des cartes de Dixit
Le choix des cartes de dixit qui représentent/symbolisent/expriment le mieux l'émotion est proposé. Le nombre de cartes revient au choix de la personne de 1 à 3. Il est à remarquer qu'il a toujours été possible de trouver des cartes pour les personnes à qui ce jeu a été proposé. En individuel, la garantie est que la personne peut vraiment regarder toutes les cartes et que nul ne les aura prises avant elle. En groupe, il ne faut pas de grands groupes ou alors il faut beaucoup de cartes. Il est alors préférable de se limiter à une seule carte pour ne pas allonger le temps de discussion.
Souvent, ce tri des cartes prend du temps, et permet de voir comment la ou les personne(s) vont ralentir face à une carte, hésiter, la garder ou pas. Tout ne peut pas être dit, tout ne peut pas être saisi. C'est d'ailleurs peut-être dans les cartes qui ne sont pas choisies que se nichent des éléments intéressants, mais le filtre mis par les personnes, avec leurs résistances et leurs zones d'ombre, est à respecter.
En individuel, les cartes une fois choisies, il reste encore à déterminer par laquelle la personne va commencer. Ce système de choix progressif rappelle un peu les temps fractionnés que l'on peut trouver, par exemple en hypnose. Dans cette méthode, l'idée de fractionner en plusieurs petites étapes, permettant de revenir encore et encore au tissage de ce qui se noue et dénoue, est une source d'approfondissement de l'état d'hypnose. D'une façon analogue, le fait de trier et trier encore, va amener aussi la personne de plus en plus dans ses profondeurs, dans des strates d'elle-même de plus en plus intérieures.
Discussion autour de ces cartes
L'échange autour des cartes peut lui aussi, se situer à des niveaux variables. L'échange, s'il demeure dans le registre de la discussion et donc de la raison, va se situer dans des mots clefs autour de l'explication, autour des raisons de ce choix, autour de ce que la personne sait et veut dire. Même si les images l'ont touchée à un niveau plus inconscient, le simple fait d'en parler ne garantira pas du tout que cette dimension inconsciente puisse trouver un chemin pour émerger à la surface consciente. Nous serons là plutôt dans un registre autour des mécanismes de défense, c'est à dire que nous proposons à la personne d'explorer ses connaissances, son savoir conscient et rationnel, ses stratégies efficaces.
Lorsque la verbalisation peut glisser dans le domaine de l'imaginaire, si nous proposons, par exemple, à la personne de raconter une histoire à partir de la carte, nous changeons de niveau. Une histoire imaginaire peut sembler extérieure à la personne et c'est pourtant souvent elle, qui va permettre d’entrebâiller la porte du pré-conscient. L'imaginaire est déjà une autre voie que celle de l'explication. C'est le fameux "il était une fois, un prince ou une princesse", dont notre enfant intérieur n'est pas dupe et sait bien qu'il s'agit tout à la fois, d'une partie de nous-même et d'un tout autre que nous. Nous parlons d'un "il ou elle", mais en fait nous parlons d'un "Je". Les cartes de dixit, parce qu'elles sont dans le registre de l'imaginaire, vont éveiller ce domaine, souvent un peu oublié.
Et si d'aventure, une personne, tout à coup, au c½ur d'une phrase ou d'une histoire, voit un lien possible avec sa propre histoire, dans une sorte d'euréka (nommé insigth en psychanalyse) nous entrons là dans un domaine de l'esprit encore différent. C'est à ce niveau là que l’inconscient peut éventuellement trouver une voie d'expression, mais toujours déguisée, toujours masquée. Le plus souvent c'est dans la parole de l'autre, dans le miroir tendu par une autre parole, personne, histoire, que va se révéler à la personne des mise en lumière surprenantes autour du sens. Le langage métaphorique s'adressera plus facilement à l'inconscient. Demander à quelque si, dans son esprit se trouve un elfe sympathique ou un troll perturbateur, ne laisse aucun doute aux personnes sur le sens que cela peut avoir. Seules les personnes psychotiques risquent de nous prendre aux mots et au premier degré bien sûr.
Proposition de cartes par la thérapeute
En individuel ou même en groupe, le choix des cartes de l'ergothérapeute, se fait bien sûr, dans les cartes n'ayant pas été choisies par la ou les personnes. Ce choix, s'il a lieu, doit se faire de façon authentique. Il ne s'agit pas, du moins consciemment, de choisir des cartes ayant été rejetées par la personne, ce qui serait une intrusion à peine voilée, dans ses résistances. Idéalement, la conscience et la rationalité devraient se mettre un peu en veilleuse pour permettre l'émergence de l'inconscient du ou de la thérapeute.
En groupe, la thérapeute a le choix de participer ou non, mais généralement, l’intérêt est de laisser les personnes présentes se centrer sur leurs propres images. En individuel, ce choix peut être possible, mais il est important de demander à la personne en thérapie, si la ou les thérapeutes présents peuvent aussi faire ce choix ou non. C'est la thérapie de la personne et c'est donc à elle d'en fixer les balises. C'est une garantie que nous n'allons pas nous embarquer dans le bateau, en croyant chacun de son côté que l'autre en est le capitaine. Nous avons des idées sur la façon de naviguer, mais nous sommes dans les eaux de la personne, sur son bateau et c'est elle qui tient la barre. Nous pouvons juste lui signaler parfois, quelque écueil, lui suggérer tel ou tel essai de route, souligner qu'une escale dans une île paradisiaque qu'il ou elle n'avait peut-être pas vue reste possible. Être thérapeute n'est pas être capitaine sur le bateau de l'autre...
Dans le cas où nous engageons notre inconscient personnel dans le choix de cartes, il ne faut pas perdre de vue qu'il devrait s'agir d'un message symbolique et non pas un choix véritablement centré sur nous, même s'il s'agit d'une illusion car notre propre inconscient se niche parfois dans des endroits imprévus...Il nous reste à savoir si nous souhaitons engager notre empathie relationnelle à ce niveau là ou pas. Dans les thérapies centrées sur les émotions les thérapeutes sont invités à travailler au plus proche de leurs propres ressentis émotionnels, quitte à les partager avec le patient et à condition que cela ait un intérêt pour la personne.
L'idéal est quand les patients n’éprouvent même pas le besoin de savoir ce que la ou les thérapeutes ont choisi comme cartes, car se faire oublier est la plus belle chose pour permettre à l'autre d'être.
Cette façon de jouer avec Dixit est proposée par Muriel Launois,
Vous pouvez vous en inspirer