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Accueil » Hypnose et douleur » En rhumatologie

Etre douloureux ou avoir une douleur?


Dedans ou dehors?

Cet article se propose de poser la question du lieu métaphorique de la douleur. « Est-elle dedans ou dehors ? », pourrait-être une question pour le moins incongrue, qui va venir brouiller les pistes de la réflexion rationnelle…Elle ne peut donc pas toujours être posée de façon trop directe.

Souvent, les personnes ayant une douleur chronique se définissent par la souffrance qui devient identitaire. La phrase : « Je suis un ou une douloureux ou douloureuse chronique » est fréquente. « J’ai une douleur », semble déjà recouvrir une autre perception de la situation. Mais il ne suffira pas de dire « Vous n’êtes pas que cela, vous n’êtes pas que la douleur », pour que le vécu douloureux se distancie, surtout dans le cadre d’une maladie chronique.

Rendre la personne propriétaire de sa douleur, lui permettre de la ressentir, d’en faire un objet de travail au lieu d’être soi-même l’ « objet de souffrance », est une proposition parfois vécue comme un peu étrange. A terme, il s’agira de proposer à la personne d’externaliser la douleur. Mais pour pouvoir vivre cela, il faut déjà accepter d’aller à la rencontre de cette douleur, proposition pas toujours si facile que cela à éprouver. Cette proposition d’exploration est donc assortie d’une expérience de changement possible, de mise en mouvement.



Aller à la rencontre de la douleur

  • Installation du lieu intérieur imaginaire sécure et ancré dans le paysage sensoriel corporel (voir ici )
  • Écouter les sensations d’une zone douloureuse, avec progressivement le glissement vers une métaphore de la douleur comme une énergie et une première possibilité d’agir dessus. Quelques exemples possibles d'induction: 

  • « Cette zone où votre douleur est installée vous pouvez vous aussi vous y installer…et pendant qu’une partie de vous-même ressent la douleur, une autre partie de vous-même va pouvoir observer…vos sens intérieurs ressentent cette douleur…vos muscles vont vous dire s’ils sont trop tendus…votre perception intérieure peut ressentir si cette zone est chaude et en feu…ou froide, glacée…ou peut-être autre chose…votre cerveau va vous dire s’il y a dans cette zone un trop plein ou un manque d’énergie…un excès de sensations ou un engourdissement…ou peut-être autre chose…Sentez-vous libre de ressentir ce que vous ressentez"
  • "Votre cerveau a peut-être gardé le souvenir du moment où la douleur s’est invitée dans votre vie ?"
  • "Et peut-être que vos yeux vont pouvoir découvrir la couleur de cette douleur…avec des nuances claires ou sombres…des jeux d’ombre et de lumière… Si vous êtes quelqu’un de tactile, peut-être vos doigts vont il ressentir une texture propre à cette énergie…vos sens intérieurs vont percevoir la forme de cette énergie douloureuse…les formes sont-elles aigues ? Pointues ? Rondes ? Régulières ou pas ?... Votre cerveau va peut-être découvrir une forme dans cette zone…un animal…un objet…un personnage…un paysage…ou autre chose…"
  • "Et peut-être cette forme ou cet objet douleur va t'il pouvoir se transformer...grandi ou diminuer...s'alléger, disparaitre...devenir une photo...ou peut-être autre chose issue de cette transformation possible, de ce changement..."
  • "Et peut-être cette énergie est-elle animée d’un mouvement…est-ce que c’est un mouvement lent, rapide, saccadé, haché, fluide ou peut-être autre chose…Cette circulation d’énergie va peut-être vous donner envie de bouger doucement…Sentez-vous libre de laisser bouger votre corps comme il le souhaite, doucement, en pleine conscience…autorisez-vous à éprouver un mouvement fluide et bien huilé…Sentez comment vos gestes peuvent être lents, tranquilles, en relâchement…Un peu comme si vous aviez du sable ou de l’eau dans la main et que vous puissiez desserrer cette main pour laisser couler, relâcher, déposer ce qui n’est plus bon pour vous… »

  • Sortie de transe et temps de parole, si possible orienté sur le ressenti et le sens potentiel de la douleur : « Que veut-dire la douleur ? A quoi sert-elle ? Quelle est son utilité dans votre vie ? Si elle avait un message à vous transmettre, ce serait quoi ? »


Externaliser

L’idée de ce processus thérapeutique est basée sur le fait qu’il est possible de projeter, d’externaliser la douleur et/ou la souffrance, pour en faire un objet de travail, avoir une action possible sur cette douleur, en faire quelque chose. D'autres pistes sont possibles à utiliser:

  • Soit d’une façon intérieure
    • Faire une séance de cinéma hypnotique avec la douleur comme un personnage qui est à distance
    • Faire de la douleur une couleur et de la ressource une autre couleur, et imaginer comment une nouvelle couleur peut naitre de ce mélange. Il est possible d’imaginer les couleurs dans chaque main et de ressentir ce qu’il est possible d’en faire jusqu'à trouver une nouvelle couleur (point neutre émotionnel)
    • Mettre la douleur dans une main et la ressource dans l'autre main (mains de Rsosi) et laisser les mains bouger comme elles le souhaitent ou induire lourdeur-problème et légéreté-ressource, jusqu'à ce qu'une main soit descendue et une autre montée, déployant la ressources
    • Imaginer un objet-douleur et en faire quelque chose
    • Travailler une question orientée vers le futur: "à quoi verrez-vous que cela a changé?"
  • Soit d’une façon concrétisée dans la matière
    • Créer à partir de la douleur : Peinture, dessin, collage, écriture...
    • Histoire à créer seul ou à plusieurs


Carnet de route

L'une des pistes d'externalisation est celle du carnet de bord, du carnet de route, pour les personnes qui accrochent avec cette idée. Entre les séances, une invitation est faite d’observer la douleur et de se faire un carnet de douleur (dessins, formes, heures, tableaux, lettres à la douleur…). « Trouvez-vous un beau carnet, qui vous plait et donnez une forme à votre douleur…par collage, dessin, écriture ou tout autre chose qui vous viendra grâce à votre intuition. Donnez-vous un RV quotidien, à une heure bien précise que vous déciderez à l’avance, pour inscrire quelque chose de votre douleur. »

Cette étape est une invitation à externaliser la douleur. Elle peut être proposée dès la fin de la seconde séance si cela semble possible avec les personnes en soin. Cette étape est nommée, en hypnose, la réification. Externaliser, projeter, mettre au dehors, en faire un outil d’évolution sont autant de suggestions possibles pour soutenir cette étape. Il est possible d’utiliser lors d’une séance, la métaphore de la boule de neige : petit en haut de la montagne (petit travail sur soi) et gros en basde la pente (cercle vertueux et grand impact) pour soutenir le travail entrepris entre chaque séance. Le carnet peut servir aussi comme carnet de bord, pour noter progressivement ce qui est fait, ce qui marche, ce qui est bon.

Si la personne a des capacités créatives, cette projection, cette externalisation, pourra prendre la forme d’une histoire, d’une création, d’un dessin, d’une musique, d’une peinture…L’exemple de Frida Kahlo, l’artiste peintre à la colonne vertébrale brisée, en est une parfaite illustration. Mais tout le monde n’a pas les compétences artistiques d’une telle personne, pour pouvoir sublimer sa douleur. Il est donc important de rappeler qu’il n’y a pas d’échec possible et donner l’exemple du carnet de taches ou du gribouillage insensé…

La reprise autour de ce carnet, à chaque début de séance, peut se faire sous la forme d’une phrase telle que : « Que vous a appris votre carnet de douleur sur votre façon de prendre soin de vous et d’écouter votre douleur ? ». Ce type de rituel de début de séance évite les questions fâcheuses du type : « comment allez-vous ? ». En effet cette question est le prototype même de la phrase qui va précipiter la personne dans un ancrage autour de la plainte douloureuse, car la douleur est toujours là.

Le travail entre les séances permet d’observer l’attitude des personnes dans leur « prendre soin de soi ». Le plus important est de valider ce qui a été fait. Si la personne n’a pas pu faire ce carnet, c’est bien aussi, car elle a donc fait autre chose à la place, à savoir dire non à une demande extérieur. Et dans la mesure où le changement d’attitude vis à vis de la douleur ne dépend que de la personne, c’est donc une preuve d’autonomie. La validation est fondamentale.

L’idée force est : « Bravo, vous avez bien bossé…. »






Les écrits de cet article sont la propriété intellectuelle de sa créatrice, Muriel Launois et n'engagent qu'elle. (article datant de 2016)
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