Interprétation ou mise en mots?                                                                   Du   côté de l'ergothérapeute, sa fonction symbolisante va pouvoir   s'exercer dans sa propre parole. Dans cette dimension se pose toujours   la fameuse question de l'interprétation. Qui interprète? Pourquoi? Comment? Peut-on interpréter? Qu'est-ce qu'une interprétation? Quel effet aura-t-elle sur la personne? S'agit-il vraiment d'une interprétation ou d'une mise en mots? 
Une compétence 
                                                                  L'interprétation, en psychologie, consiste à aider la personne à faire du lien entre des mots ou des images, et ses profondeurs psychiques. L’interprétation est du coté de l'inconscient et cette notion est très fréquemment rapportée à l’interprétation des rêves. Encore faut-il considérer cela sous l’angle d'une mise en lien entre conscient et inconscient et non pas sous la forme illusoire d'un catalogue de symboles ayant un sens prédéterminé à l'avance comme dans de nombreuses "clefs des songes". L'interprétation au sens de la psychologie s'exerce du côté du ou de la thérapeute, qui, à un moment donné, se donne l'autorisation de mettre en lien des éléments qui n'en avaient pas de prime abord. 
                                                                  Le mot interpréter       en   lui-même, souvent, fait peur, déroute. La compétence en est       attribuée à   d’autres, psychologues       ou psychiatres. Or cette mise en       mots, cette   élaboration       verbale, fruit de l'imaginaire et de       l'inconscient, ne peut   se       faire qu'avec le ou la thérapeute qui a mis       le cadre en place et qui a permis l'émergence de créations porteuses de sens potentiel. En aucun cas il n'est justifiable de faire de la création du patient un objet dont on s'empare, pour aller le "faire interpréter" ailleurs. Il est donc fondamental, si l'on se place dans la situation de permettre à quelqu'un de s'exprimer librement dans la matière, de se donner les moyens d'aboutir à la capacité d'une parole porteuse de sens. Il sera alors question d'avoir de bonnes oreilles et pas forcément de bons yeux, même si nous avons souvent tendance à croire qu'il s'agit de saisir quelque chose dans le visuel de l'objet qui peut sembler porteur d'une éventuelle signification. 
En ergothérapie, notre spécificité est d'ajouter à la parole la dimension du concret de la matière et de l'objet. La dimension concrète de l'objet  vient s'inscrire comme une trace,           un témoignage de l'espace intérieur du sujet. Le mystère qui peut sembler contenu dans l'objet, ou l'évidence qu semble se dégager tout à coup d'une peinture qui nous semble lisible, sont souvent des leurres quand à leur véritable signification ou des chimères fascinantes. Très souvent cette   notion d'interprétation   est, le plus souvent, étroitement     associée à   notre désir (inconscient)   de saisir quelque chose d'invisible ou bien encore d'évaluer la situation     thérapeutique. Or il n'y a rien de plus différent qu'une évaluation et une interprétation. Ceci pose la question de notre désir d'être thérapeute. Et si notre désir est d'accompagner l'écoute, la découverte du sens, il faudra s'engager dans un travail sur soi personnel et approfondi pour se donner les moyens de développer cette compétence.
                                                                                                                  L’ergothérapeute est interpellé(e), plus souvent, dans   un jugement     esthétique,   de   réussite, ou d’adaptation à une norme. Nous parlons de mise en mots, de verbalisation du ressenti, d’expression de soi-même. Mais il arrive aussi que nous soyons interpellé(e) sur ce fameux sens.Cette attente du patient d'une révélation sur lui-même, nous place dans une position haute d'un présumé savoir, souvent délicate à gérer, voir assumer. Faut-il, alors, se poser en détenteur ou détentrice d'un sens qui échappe à la personne? Il     est toujours   possible de       nommer des         couleurs, des formes,     d'exprimer ce qui         interpelle, étonne, bref, de         mettre en     circulation des   mots     autour   de la création, pour se sortir à bon compte d'une telle demande. Le plus souvent, notre parole gagne à n'être qu'un simple constat, comme un miroir de ce qui se dit dans la matière, sans y ajouter autre chose.                                                          
                                                                                                                  L'interprétation diffère de l'explication en ce qu'elle propose plusieurs pistes possibles.                   Elle ne peut être unique car elle engage des dimensions               inconscientes     qui sont illogiques. L'inconscient ne   répond   pas à   la         logique du     conscient et ne dépend pas   des mêmes     processus.   Elle   ne     doit pas donner     de solution   toute faite,     ni fermer la   porte à   la     parole du patient.       Plutôt que révéler UN seul et unique sens, ce qui est une utopie, voir un fantasme de toute-puissance, elle devrait être à même de souligner simplement qu'il y a DU sens quelque part et du lien signifiant.
                                                 Qu'un(e)           ergothérapeute exprime son ressenti face à une   création est         possible   de manière respectueuse et en précisant toujours   bien     qu'il     s'agit d'un ressenti et       non pas d'une explication ou d’une certitude sur autrui. Poser des       mots, faire circuler de la       parole, offre au patient ou à la       patiente un partage de notre   cohérence     interne, de notre façon       d'écouter, d'entendre, de réagir.   Cela   favorise   la mise en lien       pour les sujets psychotiques qui     peuvent     ainsi s'appuyer   sur un   psychisme sain pour construire le     leur.   Pour   les sujets     névrotiques, dépressifs, cela va   favoriser un       enrichissement de   leurs   propres capacités à   interpréter le sens de       leur création,   comme   métaphore du sens   de leur vie. C'est le patient qui doit décoder, progressivement le sens de ses créations et le lien intime qu'elles présentent avec son espace intérieur.