"Double" conscience
Dans l’atelier de détente corporelle, un travail de conscience de soi-même est donc proposé. Toutefois, cette centration sur soi, au sens d’une prise de conscience de soi-même se révèle un peu particulière. Il s'agit de se prendre comme sujet d'observation et d'expérimentation. La concentration demandée explique, en partie, pourquoi il peut être si fatiguant de se masser, de s'écouter. Cette sensation de fatigue n'est pas sans surprendre les personnes venues là, le plus souvent, pour régresser un peu, beaucoup, voir dormir en paix, sans être stimulées, réponse fréquent de l’entourage à leur apragmatisme. Dans cet atelier, il leur est proposé d'être, en apparence, passif et paresseux, et en réalité, dans une intense conscience d'eux-mêmes.
Les auto-massages sont centrés sur le corps réel et ses sensations, s'appuyant sur le sentiment d'être incarné, vivant, sensible. Les exercices sont proposés en deux temps: faire le massage et sentir son effet, permettant une intériorisation progressive des diverses sensations. Cette oscillation permanente entre un avant et un après du massage, entre faire et sentir, favorise l'émergence d'une meilleure conscience de soi. C'est l'expérience d'être agissant et observateur, tout d'abord tour à tour, puis progressivement en même temps, dans une sorte de double conscience de soi, entre perceptions de l'enveloppe externe et conscience des sensations internes provoquées, modifiées. Cette « double conscience » n'est pas sans poser quelques problèmes à des personnes psychotiques. En effet, il s'agit de faire et vivre l'expérience, donc d'être dans l'instant présent pleinement, puis de s'en distancier, un peu comme un observateur extérieur. Pour des personnes ne sachant pas très bien où se trouvent leur moi, leurs limites corporelles et psychiques, ce double mouvement s'avère délicat. Il est donc soutenu par la parole de la thérapeute. Cette double conscience de soi, même difficile pour certains relaxants, est donc l'une des facettes de la conscience de soi. C'est le "je fais" et le "je ressens", étayés tous les deux sur un je.
La parole permet de nommer la zone à masser, de l'intégrer dans un lien avec le reste du corps, mais aussi de nommer ce qu'il est possible d'y ressentir. Se séparant à ce niveau des techniques suggestives, l'ergothérapeute indique que de nombreuses expériences de sensations sont possibles et pas uniquement lourdeur ou chaleur. Il est possible dans ce fragment d'exemple, reproductible à l'infini dans d'autres zones du corps, de retrouver les bases proposées par cette technique: faire et sentir, assouplir, intérioriser, faire du lien, nommer. Un exemple:
"L'un des points clefs de votre visage est la zone des pommettes. Je vous invite à y placer vos doigts, tout en jouant avec les mouvements de la bouche. En effet, il s'agit de l'articulation de la mâchoire et lorsque vous allez ouvrir et fermer la bouche, serrer et desserrer les dents, vous allez sentir sous vos doigts, le jeu de cette articulation.
Avec le bout de vos doigts, je vous invite à masser, creuser, dénouer toutes les tensions qui peuvent s'y trouver. Certaines personnes sont si tendues qu'elles grincent des dents la nuit et se réveillent avec des douleurs dans cette articulation. Sentez si c'est le cas pour vous.
Écoutez le mouvement, puis continuez le massage devant l'oreille en longeant cette articulation de la mâchoire. Sentez comment elle se relie au reste du visage, poursuivez sous l'oreille, sous le menton, jusqu'à avoir massé l'articulation et l'os de la mâchoire inférieure.
Puis vous écoutez les sensations qui ont pu être éventuellement modifiées. Il est possible de ressentir de la chaleur ou de la fraîcheur, des picotements, une sensation d'une meilleure souplesse ou d'autres sensations qui vous sont personnelles. Souvenez-vous qu'il n'y a pas une bonne sensation à ressentir et que cela peut être très variables d'une personne à l'autre. "
A qui s’adresse-t-elle?
Ce niveau de travail sur soi est souvent difficile à atteindre pour la plupart des patients. La brièveté des séjours ne permet pas toujours un approfondissement de ce type. Il est également dépendant des capacités personnelles de chaque personne, en dehors de toute pathologie. De plus, c'est le plus souvent un sommeil réparateur ou fuite de la réalité qui est recherché comme un temps de pause indispensable.
Les personnes psychotiques, présentant une défaillance de leur contenant corporel et psychique, éprouvent également de grandes difficultés à faire un travail sur des contenus psychiques qu'ils ne reconnaissent pas toujours comme leur appartenant. En effet, si l'espace intérieur de la personne est projeté au dehors, confusionnel, flou, mal défini, il semble difficile d'envisager qu'un travail sur ses propres mécanismes de fonctionnement soit possible. Nous retrouvons là la difficulté de ces personnes à entrer en introspection par défaut de conscience de soi et de distinction du moi et du non moi.
Ces processus thérapeutiques de conscience de soi et d’'introspection sont à soutenir et à éveiller, en particulier pour les sujets dépressifs, névrotiques, état-limites, anorexiques. Les capacités d'introspection sont variables selon les personnes. Plus la personne est âgée, ou avec des moyens de défenses rigides (paranoia, TOC, névrose obsessionnelle) plus l'introspection sera difficile voir impossible.
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