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Les différentes pathologies
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Troubles de l'humeur
Perles and CO...
"L'aide est laide"...
"Ils ne sont tout de même pas là pour enfiler des perles"...
Voici deux phrases que j'avais faites miennes,
dans mon attirail de représentations internes professionnelles
et que l'une de mes patientes
AM
.
a aisément transformé en quelques séances...
Pourquoi et comment aider?
La première de ces phrases
"l'aide est laide"
, m'avait été donnée lors d'un congrès sur la relation d'aide. Un psychanalyste nous avait alors évoqué une histoire métaphorique pour le moins saisissante, accusant les thérapeutes, de mettre parfois, du vernis sur les ongles de personnes en souffrance, alors qu'elles sont accrochées au rebord d'une falaise. Cette histoire m'avait suffisamment marquée pour que cette phrase reste quelque part en moi, me permettant d'interroger à intervalles réguliers, la pertinence du type d'aide que je pouvais proposer aux patients, tant en termes de quantité que de qualité.
L'autre phrase, autour de
l'enfilage de perles
,
était issue en droite ligne d'un collègue psychiatre, soutenu par ma collègue ergothérapeute, sensible à la dimension potentiellement teintée de libido Freudienne de l'acte. Cette phrase m'avait laissée un peu perplexe mais l'ardeur des patients addictés à enfiler des perles, avec force plaisanteries grivoises avait fini de me convaincre que cette activité pouvait cacher des dimensions très "louches". Dès lors, tous les bijoux, quels qu'ils soient, étaient devenu suspects à mes yeux.
Lorsque j'ai du mettre en place un atelier dans une unité fermée, je suis revenue à
des
activités artisanales
,
avec toujours une réticence en ce qui concernant les bijoux que je jugeais trop centrés sur l'esthétique et source fréquente, d'une consommation effrénée de matériel nécessitant trop peu de transformation et d’appropriation. Les demandes de patients concernant des bracelets s'étaient vues dirigées vers des bracelets en macramé ou brésiliens, ou à la rigueur une tresse, mais en tout cas, quelque chose qui nécessitait un "vrai travail" sur le fil, le lien, le nouage. Principe de réalité oblige, même si la complexité pouvait engendrer des frustrations face à la lenteur du travail proposé ou, pire, des échecs, toujours mal vécus dans le besoin d'immédiateté des patients psychotiques.
C'était sans compter sur
AM...
AM
. est une pet
ite dame de 75 ans qui
est hospitalisée en milieu fermé pour un
état de confusion ne
lui permettant plus de rester à do
micile o
ù elle vit avec son mari. Elle n'est pas compliante aux soins, inconsciente de son état
.
La question qui se pose est de savoir si cet état prend son origine dans un début de démence ou dans le cadre d'un trouble
de l'humeur
, car des éléments de
tachypsychie
sont présent
s
, ainsi qu'u
ne agitation psycho-motrice. Elle a déjà présenté deux
états dé
pressifs
, qual
ifiés de réactionnels, dans sa vie.
Au bout de
5 jours de sédation adaptée
et d'isolement
dans une
chambre
d’observation
, elle réintégre le service
progressivement
. Elle est
bea
ucoup plus calm
e
, tout à fait cohérente et garde encore une bonne énergie active.
Elle commence alors à s'intéresser aux ateliers prop
osés dans le service, groupe
"mouvements" de gym douce et atel
ier "dé
couve
rtes" de petits bric
olages. Ces ateliers sont p
roposés en auto-prescription, c'est à dire que tous les patients souhaitant partic
iper
à ces
activités le peuvent. Ce choix a été fait, de façon institutionnel
le
, pour permettre aux patients hospitalisés sous
co
ntrainte, de pouvoir
exercer un choix
, au moins
un peu
quelque part, avec la possibilité de dire non, de retrouver de l'envie et du désir. Lorsque ces patients vont mieux et peuvent ensuite s'engager en thérapie, nous retrouvons alors, des prescription
s plus cla
ssiques d'ergothérapie et nous pouvons alors intégrer ces patients dans les ateliers si
tués dans un autre lieu
,
accessibles aux patients
en HL.
(hospitalisation libre).
AM.
participe
avec plaisir aux deux ateliers.
A
près avoir réalisé un bracelet de type s
coubidou et retrouvé le pla
isir de broder avec les fils empru
ntés à l'atelier,
AM.
a demandé si elle pouvait réparer un collier à elle qu'elle a
i
mait beaucoup et qui avait "craqué".
C
omme dans cet atelier, il ne s'agit n
i
de confidentialité
, ni de contenance, (car nous sommes dans la salle à manger ouverte à tou
te intrusion extérieure pour des raisons d'ab
sence de salle d'ergo), j'ai donc accepté. Et puis
, après tout, une réparation de quelque chose qui a cr
aqué peut avoir un sens caché et puissant.
AM.
a donc a
mené son collier et
m'a demandé de l'aide
pour réaliser cette rép
aration, indiquant qu'elle
l'avait déjà fait une fois mais que cela n'avait pas été très concluant
car le fil proposé par son m
ari qui l'avait aidée,
était trop rigide.
Je lui propose donc de
préparer
le travail
, en réfléchissant à l'org
anis
ation
pour pouvoir ensuite, la laisser se débrouiller seule.
E
l
le est tout à fait capa
ble
de s
e poser, de déterminer les étapes
chronologiques qui vont se dérouler.
Nous évaluons le type de fil nécessaire, no
us comptons les perles manquantes et nous tentons de retrouver un rythme
pour r
em
ettre en place les perles restantes. Sur le plan cogn
itif, tout semb
le donc pouvoir se dérouler au mieux...
Une fois les étapes mentalisées, je lui propose alors de se débrouiller et elle commence la réparation. Et c'est là
que les difficultés commencent...Même si elle est beaucoup plus calme, elle retrouve une agitation, un
e
accélération
, une fébrilité dès qu'elle tente de réparer son collier, dont les perles, bien sûr, se rép
andent partout...
Mon aide doit donc deve
nir physique et
réelle et nous tentons
une réparation à 4 mains
. Et là,
d
'autres
difficultés apparaissent.
AM.
attend de l'aide mais résiste tout à la fois. Nous nous retrouvons à tirer à hue et à dia, l'une tirant sur le fil d'un côté et l'autre
lâchant
ou retenant trop, sans tr
ouver un accord possible et les perles con
t
inuent de tomber..
.
Je me dis que cela serait plus facile qu'elle le fasse seule, mais elle insiste et réc
lame mon aide
et je ne veux pas le faire totalement à sa place.
Je deviens donc plus directive puisqu'elle ne sent pas quand il faut tirer
ou pas sur un fi
l, lui indiquant quand il conv
ie
nt de ne plus bouger ou de tenir bon. S'ensui
ve
nt plusieurs séances où nous devons compter, nous mettre d'accord et où elle semble à la fois me
mettre en po
sition haute, en po
sition de savoir faire, en
position
de décision
, tout en "sab
ordant
"
régulièrement
nos efforts conjoints lorsque nous sommes
prêts
d'aboutir. Et les perles tombent et tombent encore...
Durant certaines séances, un
certain agacement ne manque pas de se réveiller chez moi, d'
autant plus qu'elle me mobilise auprès d'elle.
H
eureusement qu
'une stagiaire m'accompagne car j'ai bien du mal à m'occuper d'autres personnes. Elle me redit à intervalles r
éguliers, toute l'importance de
ce collier offert par son mari
et toute la reconnaissance qu'elle a envers
l'aide que je lui offre, et surt
out mon "infinie patience" dit-elle, celle là même
qui commence à s'émousser.
M
ais je me sens prise et engluée dans cette démarche de rép
aration dont je sens bien qu'elle recouvre autre chose. Elle évoque
en part
iculier le fait qu
e lorsqu'elle porte ce collier, il est si beau que nul ne remarque alors si elle a des
vêtements
"moches" ou même si elle a des taches. Le jour où elle me dit cela, je me s
ouviens
qu'el
le avait déjà évoqué cette histoire de tache, conce
rnant un pull qu'ell
e possédait et dont elle avait masqué la ta
che par
une jolie broderie.
Cela n'est pas sans m'évoquer
sa tendance natu
relle à aider les autres
, à cacher les taches, à réparer des
vêtements
à une jeune fille psychotique et dissociée, à prendre soin et faire joli. Elle ne supporte pas, en effet, les
vêtements
déchiré
s
de cette jeune femme, peu pr
éoccupée de son app
arence. Elle la coa
che littéralement, soulignant qu'elle lui
rappelle
ses élèves de l'é
cole de couture dans laquelle elle a ense
i
gné de nombre
u
ses années. Et cette insi
sta
nce à masquer la tache
,
à paraitre
, à donner le change, tout à coup, m'interpelle. Lors de notre dernière (enfin!) séance de réparation,
je laisse la conversation glisser, l'air de rien, vers les relations avec ce gentil mari qui lui a offert un bien joli collier. Et voilà qu'à 2 jours de sa sortie, elle se décide enfin à évoquer les exigences de son mari, pas si facile que cela à vivre et à oser glisser quelques critiques.
Je découvre
alors ce qui se cachait derrière toutes ces réparations
n'étai
t pas juste la "simple" intention d'être
belle. Ce souci de l'apparence, du
désir de propreté
, de l'envie de faire du beau et de réparer puise ses origines dans une rel
ation conjugale visiblement peu satisfaisante
qui masque à peine un sen
timent de dévalori
sation
.
L
orsqu'elle indique qu'elle a une grande part de responsabilité dans cet état de fait, elle précise qu'elle n'est guère "obéissante et sage" selon les paroles de son mari. Elle ne rem
et
qu'à peine en cause l
es attitudes de son mari.
J'éprouve quelques difficultés à ne pas prendre parti et donner mon av
is.
Lorsque j'évoque
rais cela en réunion de synthèse, nous constaterons alors, en équipe, qu'elle n'avait finalement pas dit grand-chose de sa relation conjuga
le
.
Comme sa sortie est déjà programmée, sa psychiatre décide de ne pas
modifier les choses, mais elle ouvrira la discussion avec
AM
. sur sa rela
tion conjugale
.
Celle-ci
évoquera alors, un
sentiment d'insatisfaction, mais en insistant sur
son sentiment d'en être respon
sable
et il semble m
ême
qu
'un sentiment de culpabilit
é ne soit pas très
loin. Sa psychi
atre ins
istera sur cette information dans sa lettre de sortie, pour qu'un travail plus approfondi puisse être
proposé à la patiente.
AM.
me remerciera beaucoup de mon a
ide, heureuse de sortir et de retrouver sa vie d'avant.
M
oi, je res
terais insatisfaite, avec
l
'impression d'
être passée à côté de quelque cho
se à entendre, toute oc
cupée à
agir et à faire
avec elle, centrées toutes les deux sur l'objet co
ncret. N
otre relation était certes, basé
e sur la confiance, mais elle m'avait mise à une p
lace dont je n'ai sans doute pas su me décaler.
De s
on c
ô
té sa
demande était d'avoir une
aide
pour
qu
e
l
a situation puisse se poursuivre, pour qu'aucun changement ne survienne, pour qu'elle reconstitue ses défenses habituelles.
C'était donc
son projet de vie à el
le
...
De mon côté,
il
me reste tout de même
quelqu
es doutes
philosoph
iques
, voir éthiques...mais je crois bien que c'est le lot de bon nombre de thérapeutes...
Les écrits de cette section s'apparentent à ce qui peut se dérouler lors d'une analyse de
type supervision, qui permet de tenter de comprendre ce qui se passe lors d'une thérapie.
Il ne s'agit en aucun cas, de trucs thérapeutiques reproductibles, mais de la nécessité
d’une réflexion permanente sur l'effet de notre attitude envers le patient.
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