Pour pouvoir installer des séances de travail en hypnose et douleur, il convient   de se pencher sur 4 grands concepts généraux qui peuvent être identifiés   et questionnés dans la pratique de l’hypnose et de l’auto-hypnose : 
Externaliser
Une douleur chronique va peu à peu, envahir le corps et l’esprit de la personne. Au départ, l’attention sera focalisée pleinement sur la zone douloureuse,   focalisation qui sera à l’origine de tentatives de solutions diverses   et variées (médicaments, demandes de diagnostic…). Progressivement la   personne va tenter d’abandonner cette zone douloureuse aux thérapeutes,   de la contrôler ou de l’ignorer. La douleur phagocyte la personne et   elle va devenir progressivement l’identité même de la personne qui va se   définir comme «douloureuse ». L’une des étapes de travail avec la douleur sera donc de l’externaliser et  d’en faire un « quelque chose », situé en dehors de soi. 
Cette étape d’externalisation gagne à être proposée en état modifié de conscience.   Il s’agit, principalement, de dissocier la composante sensorielle   nociceptive, de la composante émotionnelle qui transforme la douleur en   souffrance psychique. Il est possible par exemple, en hypnose   conversationnelle, de parler d’une partie de soi-même ayant besoin   d’aide et d’une autre partie qui peut aider, de demander quand la   douleur s’est invitée dans la vie de la personne, de parler de   conscience et d’inconscient, d’évoquer le cerveau gauche et le cerveau   droit, bref de commencer à instaurer une distinction entre plusieurs   facettes de soi-même afin de séparer douleur et individu.   D’autres outils peuvent être proposés tels que la créativité, le   dessin, l’écriture, l’utilisation de cartes symboliques proposant des   représentations extérieures possibles et sur lesquelles la personne va   pouvoir une action possible.
Perceptude
Le   travail en hypnose consiste à favoriser une dissociation de soi,   souvent vécue comme une dissociation entre le corps et l’esprit par les   patients. Mais pour permettre cela, un premier temps de conscience de   soi, en mode association entre le corps et l’esprit, est nécessaire,   pour bien ancrer le travail dans les perceptions corporelles   et pas uniquement dans un imaginaire dégagé de la « perceptude »   corporelle. La dissociation est alors plus sécure pour les personnes et   la ré-association plus aisée ensuite. 
C’est Roustang qui évoque ce concept de « perceptude ». « Au sens strict, la perceptude n’est pas une perception. ». Elle n’est pas « comme la perception de l’ordre de la connaissance », elle est « de l’ordre du geste accompli, c’est-à-dire de la plénitude pratique». « Faire l’expérience de la perceptude …c’est habiter le système relationnel dans lequel nous sommes insérés. » (Roustang, « La fin de la plainte », O.Jacob, 1999).   
La première étape du travail de la « perceptude », passe par la pleine conscience de la perception de soi.   Cette conscience peut se faire de façon active (auto-massages ou   mouvements lents) ou plus réceptive (méditation, écoute de la   respiration, conscience des sensations corporelles externes et   internes).  Cette pleine conscience des sensations et des perceptions   permet d’installer l’esprit dans le corps. Aux personnes qui souhaitent   être bien dans leur peau, je réponds souvent qu’il convient donc déjà   d’être dans sa peau et dans son corps. Sans cette étape, le travail en   hypnose peut se révéler, pour certaines personnes, trop intellectuel ou   mental. « Ça ne marche pas avec moi, je ne suis pas du tout suggestible… ». 
L’éprouvé corporel enracine l’expérience dans le corps,   principal lieu de la mémoire inconsciente de soi et offre un travail   rassurant de conscience du moi-peau. Ce concept, développé par D.   Anzieu, est ce qui justifie dans ma pratique, l’utilisation   d’auto-massages rassurants et enveloppants, permettant d’assurer un   sentiment de sécurité et de contenance dans une enveloppe corporelle,   métaphore concrète de l’enveloppe psychique. Ce travail préparatoire, en   auto-massages ou en mouvements lents et doux est la garantie que la   personne entre dans une perception concrète d’elle-même, dans une   présence rendue plus dense par l’intensification des sensations sur   lesquelles s’appuient les perceptions.  
Dissocier
La   dissociation proposée par l’hypnose, entre le corps et l’esprit va   permettre à la personne de vivre le fait d’être là (perceptude   corporelle) en même temps que d’être ailleurs (imaginaire, images,   visualisations). Cette double conscience pose de nombreuses questions et   des pratiques variées l’utilisent. 
Cette capacité d’entrer dans une double conscience ne   doit pas être confondue avec la dissociation pathologique de la   schizophrénie. Dans la schizophrénie c’est la personnalité elle-même qui   souffre de la schize (rupture intra-psychique). Il y a donc un vécu   dissociatif de différentes parties de soi-même, vécues comme étrangères à   soi. Ainsi les voix intérieures, au lieu d’être considérées comme un   dialogue entre soi et soi, reviennent à la personne d’un extérieur dont   elles ne voient plus le lien avec elles-mêmes. Cette dissociation   pathologique conduit très clairement, à ne pas utiliser l’hypnose avec   des personnes psychotiques, pour lesquelles un travail de ré-association   corps-esprit est plus pertinent. 
Cette capacité de dissociation entre le corps et l’esprit pose la question du lien entre ces deux aspects de nous-même. Qu’en est-il du lien corps-esprit   dans les pratiques psycho-corporelles, parfois proches et confondues,   que sont la relaxation, l’hypnose ou la méditation, pour ne citer que   les principales d’entre elles ? S’agit-il de dissocier ou de ré-associer   le corps et l’esprit ? Descartes et son « je pense donc je suis » a   ouvert la porte à une vision dualiste de l’humain et les pratiques   psycho-corporelles en thérapie continuent à interroger cette dualité et   les liens qui se tissent entre ces deux « constituants » de nous-même.   Les techniques de développement personnel ou celles avec une orientation   spirituelle, intègrent quant à elles, un troisième terme nommé âme ou   soi profond, dont l’origine est située au dedans ou au dehors de soi,   selon les visions et les pratiques. Ce troisième terme peine à   s’inscrire dans les pratiques thérapeutiques et il reste souvent,   confidentiel…Jung, un psychanalyste autrichien qui a tenté d’intégrer   cette dimension du soi, en a gardé une réputation pour le moins   sulfureuse dans le domaine de la psychanalyse. Les pratiques   psycho-corporelles restent donc des approches complémentaires et gagnent   à être proposées par des thérapeutes ayant reçu, une formation initiale   de plusieurs années et pas uniquement quelques jours de formation. 
                                
Cette double conscience est perceptible dans la relaxation durant laquelle nous écoutons les sensations corporelles, presque comme un observateur extérieur,   avec l’intention de provoquer un état de détente et de flottement   agréable. Durant ce temps, le lien entre le corps et l’esprit peut se   relâcher, l’un pouvant prendre le pas sur l’autre. Ainsi les personnes   plus sensibles aux sensations corporelles vont les ressentir de façon   plus intense : chaleur, lourdeur, lâcher prise. Tandis que les personnes   plus sensibles à l’esprit, vont avoir le sentiment d’être ailleurs,   d’entrer dans des images spontanées ou induites. Cette prépondérance des   images sur les sensations corporelles peut conduire certaines personnes   à une sensation de sortie extra-corporelles, avec un sentiment de   légèreté et de « sortie » de l’esprit hors du corps. Le sentiment de   flottement agréable a été amplement décrit en relaxation et en   sophrologie. Fondée par Caycedo, cette dernière pratique s’appuie sur la   notion des ondes cérébrales alpha permettant d’expliquer en partie, cet   état de flottement entre-deux. 
La dissociation, au sens d’une double conscience, n’est donc pas l’apanage de l’hypnose, mais lors de cette dernière, elle va être induite. Des phrases telles que : « Et pendant qu’une partie de vous-même fait ceci, une autre partie de vous-même fait cela »   induisent la dissociation. Le fait de proposer que le nez sente les   odeurs tandis que les oreilles entendent les sons est également une   autre voie d’expérience de la dissociation des 5 sens, comme s’ils   pouvaient fonctionner de façon presque autonome. La dissociation permet,   par exemple, de se trouver dans un souvenir agréable, un lieu de   sécurité ou même un lieu situé dans le futur, en même temps que d’être   dans la pièce où se déroule la séance. Mais il n’est pas possible de   laisser les personnes dans un état de dissociation et une autre étape   est nécessaire. 
J’ai choisi d’utiliser le terme d’hypno-relaxation   pour d’emblée rappeler la proximité de ces pratiques et permettre ainsi   aux personnes de moins « craindre » ou présupposer qu’ils ne sont pas   suggestibles. Les séances groupales sont proposées dans le cadre d’un   parcours d’ETP et cette ruse verbale, vient s’inscrire comme un   habillage plus inoffensif pour ceux qui ont peur de perdre le contrôle   en hypnose et surtout, comme un possible choix, même inconscient, de se   laisser aller ou d’agir sur soi-même. 
                                
                              
                              
                                Ré-associer
Selon Roustang, la dissociation n’a de sens que par ce qu’elle permet de ré-associer. Il s’agit de « l’association de tous les éléments constitutifs de la personne en vue d’une totale présence à l’acte. » (Roustang   « Hegel, le magnétisme animal », PUF, 2005). Le but ultime du travail   en hypnose va donc être de réintégrer la zone douloureuse et la   souffrance psychique dans le vécu global de la personne de son être   sentant, imaginant et pensant, mais comme une simple partie du tout… La   dissociation va permettre d’induire un dialogue possible entre   différentes parties de soi-même, corporelles et/ou psychiques, l’une   voulant ou pouvant aider l’autre. D’autres pratiques visent également à   favoriser la ré-association entre toutes les facettes de soi-même,   corps, esprit et autres…
La méditation de pleine conscience, se centre le plus souvent, sur l’instant présent,   pour pratiquer un voyage intérieur dans le corps, les images ou les   pensées, sans avoir d'intention précise comme lors du scanner du corps.   L’hypnose peut nous engager également dans l’ici et maintenant, mais   aussi dans le passé ou le futur. La méditation en pleine conscience nous   propose donc d’intensifier le lien entre le corps et l’esprit dans sa   partie consciente. Cette pratique conduit à une conscience pleine et   entière de toutes sortes d’activités : la respiration, le fait d’ingérer   un aliment, la marche, l’écoute du corps et de ses sensations, le   body-scan… Il est également possible d’écouter les besoins d’une zone du   corps, qui nécessite d’être allégée, réchauffée, relâchée. Ce dernier   type de pratique se rapproche de ce qui est recherché en auto-hypnose. 
                              
L’introspection   durant laquelle nous nous prenons nous-même comme objet de notre   réflexion, nécessite cette double conscience et s’exerce le plus   souvent, en état de concentration, tandis que l’hypnose se pratique en état de conscience modifié.   L’introspection est souvent centrée sur le passé et les problèmes, mais   elle peut aussi aider la personne à entrer dans ses rouages de   fonctionnement interne. L’hypnose vise à modifier directement le travail   des rouages en changeant leur forme ou en les huilant un peu plus, sans   essayer de comprendre comment cela fonctionne…La pratique de   l’introspection est prépondérante dans les psychothérapies verbales   proposées par les psychologues, les psychiatres ou d’autres thérapeutes   formés à ces techniques individuelles ou groupales. L’introspection   présuppose l’existence d’un inconscient. Freud en avait une vision «   pessimiste » au sens où il y voyait un réservoir d’éléments   intra-psychiques refoulés, indicibles et inaccessibles la plupart du   temps, sauf dans les lapsus, rêves et autres retours du refoulé.   Erickson lui, en a une vision pour le moins « optimiste », évoquant un   véritable réservoir de ressources, d’idées, de compétences psychiques   toutes prêtes à se mettre à notre service. Entre ces deux opposés existe   une voie médiane que chaque thérapeute pourra découvrir dans sa   pratique. 
                                          
                                          
                                                
                COMMENT AGIR SUR/AVEC LA DOULEUR
                                          A partir de la connaissance de ces 4 grands processus identifiables (entre autres processus) l’action sur la douleur peut donc être décomposée en plusieurs orientations possibles. Elles sont présentées ici dans un   ordre     apparent , sans que cela puisse devenir un   protocole applicable comme   une     illusoire « logique chronologique ». Il   convient de tenter       d’identifier s’il sera plus pertinent, pour les   personnes. 
                              
                              S'agit-il? 
                                              
                                                                                  - de s’en extraire (distraction, souvenir agréable)
           - d’agir sur la douleur (analgésie, fragmentation)
         - d’externaliser (projection créative, hypnose conversationnelle)
                     - de ré-associer la zone douloureuse (pleine conscience de soi, ne rien faire).