Du côté de Mélanie Klein
C'est avant tout dans les cures d'enfants, que M. Klein fait intervenir le jeu comme activité réparatrice."Comment faire dire à l'enfant ce qu'il ne dit pas et le libérer de ses angoisses archaïques ? Comment l’aider à parler avec son propre langage et favoriser la construction du moi ? Mélanie Klein (1882- 1960) apporte des réponses tant sur le plan théorique que clinique à ce type de question. Psychanalyste anglaise d’origine autrichienne, « Cette tripière de Génie » comme le disait Lacan, est en fait la véritable pionnière de la psychanalyse des enfants". (voir article dans le site psychasoc )
Mélanie Klein va donc nous permettre d'avoir des pistes sur l’intérêt du jeu chez l'enfant, mais aussi chez l'adulte qui, lui aussi, est passé par les différentes étapes de la construction de ses objets internes. Mélanie Klein développe en effet, de manière approfondie la formation de l'objet interne, au cours de la première année de la vie. Lors de la tétée, l'enfant n'absorbe pas que du lait, mais tout un ensemble d'émotions, de sentiments, de sensations transmises par la personne maternante. C'est cet ensemble qui va se constituer en un objet interne. "L’enfant qui se trouvait à l’intérieur de la mère, dit-elle, place maintenant la mère à l’intérieur de lui" (1957). Il y a donc une intériorisation des relations extérieures, qui deviennent des relations entre des éléments psychiques internes. C'est la notion d'introjection. La mère, bon objet externe, va permettre à l'enfant, par un jeu d'expériences d'intégrer en lui un bon objet interne (imagos maternelle, puis parentales).
Selon M.Klein, le monde interne du bébé au cours des douze premiers mois se constituerait en deux temps: la position paranoïde-schizoïde dans laquelle la projection est plus prégnante et la position dépressive, durant laquelle l'introjection semble plus présente. (voir théorie de M.Klein). Pour elle, la réalité extérieure et la réalité interne ou psychique sont en constante interrelation, et les expériences de séparation ou de perte avec les objets réels influencent les expériences psychiques, mais toujours de manière indirecte, à travers les relations fantasmatiques avec les objets internes. Mélanie Klein nous explique ainsi que, par les mécanismes du déplacement, de la condensation et de la figurabilité, le jeu transforme l'angoisse en plaisir et aide l'enfant à surmonter les phases schizo-paranoïde et dépressive.L'utilisation des jeux autant pour les enfants que les adultes, va donc permettre de revivre des situations de projection et d'introjection, mais surtout des situations permettant d'éprouver les ressources et capacités réparatrices de soi-même et du groupe.
Du côté de René Roussillon
Le concept de médium malléable a été développé par Marion Milner et repris par René Roussillon, à partir des concepts d’environnement suffisamment bon. René Roussillon a approfondi ce concept, dans le sens de la nécessité d’un environnement médium malléable afin d’aider à la création ou au développement de l’appareil psychique de l’enfant, pour qu’il puisse se construire un dedans et un dehors, pouvoir apprendre à patienter, à décaler, à se différencier de l’autre, à se représenter les choses, à pouvoir accéder à la symbolisation et l’activité représentative.
Selon René Roussillon le médium malléable doit posséder les qualités suivantes:
- Avoir une disponibilité inconditionnelle.
- Être prévisible et constant.
- Être transformable et adaptable.
- Être sensible et réceptif.
- Suffisamment non destructible. Ce dernier point est important car l’environnement doit pouvoir survivre aux attaques.
René Roussillon, dans un article sur « Le jeu et le potentiel » se pose la question du sens du jeu. Il se demande si le jeu est le simple comportement ludique visible ou si ce mot de jeu pourrait désigner un certain type de fonctionnement psychique. Ce questionnement nous conduit donc à différencier le jeu formel et le jeu pris comme la métaphore d’une capacité de travail psychique, permettant de faire jouer au dehors les éléments psychiques qui se trouvent au-dedans. Cette conception du jeu comme modèle du travail psychique, nous permet ainsi de penser que l’utilisation de certains types de jeu, va permettre aux personnes de remettre en jeu et en scène, des éléments intra-psychiques.
Il propose de regarder les jeux sous plusieurs angles:
- Le jeu intrasubjectif, c’est-à-dire le jeu avec les représentations psychiques, face à soi-même, comme le rêve
- Le jeu auto-subjectif, c’est-à-dire un jeu seul mais en présence d’un autre qui se contente d’une adresse muette
- Le jeu intersubjectif, c’est-à-dire un jeu en présence de l’autre et qui nécessite l’interaction d’un autre objet pour soutenir la découverte
R. Roussillon, dans le « Manuel de médiations thérapeutiques », évoque cette notion d’un médium malléable nécessaire en thérapie, tant sur le plan de la médiation dans son sens le plus concret et matériel, que sur le plan humain. Cette notion de malléabilité nécessite pour lui de s’appliquer au thérapeute qui doit être dans « un accompagnement (en) s’ajustant en permanence au besoin du développement de l’illusion » et ainsi « il doit rendre une partie de lui-même plastique et transformable en fonction du processus transférentiel auquel il est soumis ». Pour pouvoir proposer un jeu thérapeutique, il faut donc pouvoir proposer un médium et un-e thérapeute malléable, un environnement malléable et garder à l'esprit que le jeu est une métaphore d’une capacité de travail psychique.
(voir Apports de R. Roussillon)
Du côté de D.Anzieu
Ce psychanalyste a mis en évidence le fonctionnement analogique de la peau et du moi. Il en a fait une construction personnelle et a développé la notion de moi-peau. Cette notion met en évidence l’existence de 8 fonctions fondamentales, toutes étayées sur le fonctionnement de la peau mais entendues ensuite dans une dimension métaphorique. Ces 8 fonctions sont les suivantes: Maintenance du psychisme, contenance, pare-excitation, individuation du soi,inter-sensorialité, soutien de l’excitation sexuelle, recharge libidinale du fonctionnement psychique, inscription psychique des traces sensorielles. (voir apports de D.Anzieu pour plus de développement et bibliographie de cet auteur).
D.Anzieu a également développé la notion d'enveloppe psychique. Cette dernière détermine un espace intérieur et peut être comparée, de façon analogique, à la peau du psychisme. Elle est comme un contenant de tout ce qui se passe au-dedans de soi. Elle peut être solide, perméable, inefficace, trouée, excessive comme une forteresse. C’est la capacité de l’être humain à se concevoir comme une entité vivante, capable de pensée, de réflexion, et d’intimité, capable de contenir en soi, des sentiments, des émotions, de différer des désirs tout en les gardant vivants. Cette enveloppe psychique est garante de l'existence d'un espace intérieur.
Cette enveloppe présente 2 interfaces:
- le moi-peau face extérieure (dans sa dimension extéroceptive avec son rôle de contenance, maintenance, pare-excitation, protection et différenciation)
- Le moi-peau, face intérieure (dans sa dimension liée à l’imaginaire et favorisant l’inscription des traces psychiques)
La peau physiologique, la limite du corps, devient, de façon analogique, l’expression d’un contenant psychique possible. Mais la dimension du contenant psychique n’est pas pour D.Anzieu un contenant seulement statique, il a surtout mis en évidence une fonction dynamique qui est la fonction contenante, reliant ces deux interfaces.
Ces concepts de moi-peau et d'enveloppe psychique vont avoir un intérêt lors de l'utilisation des jeux
pour analyser plus facilement ce qui peut se passer en termes de contenance personnelle, mais aussi groupale. D. Anzieu et J-Y. Martin mettent en évidence les processus inhérents à une dynamique de groupe. Ils remarquent, en particulier que, parfois « les individus demandent au groupe une réalisation imaginaire de leurs désirs refoulés » (la dynamique des groupes restreints)