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Situation et contexte

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Contexte de soins
C’est dans le cadre d’un parcours de soins proposé au CHU de Brabois, créé par le Dr Henry-Catala (médecin de rééducation) que nous rencontrons les personnes souffrant de douleurs chroniques pelvi-périnéales. Les patients sont vus en consultation médicale par le médecin de rééducation, qui fait le diagnostic. Des thérapies médicamenteuses sont mises en place si nécessaire. Des conseils de prévention sont alors donnés sous la forme d’un livret, avec pour consigne la mise en application de ces conseils de prévention.

Au bout de quelques semaines, les patients reçoivent alors la proposition d’intégrer une demi-journée d’HDJ, proposée par une équipe de trois personnes : médecin, kinésithérapeute et ergothérapeute. Le c½ur de cette demi-journée, repose sur la notion d’éducation à la santé. Une définition de l'éducation à la santé nous est donnée par l'OMS : "Charte d'Ottawa du 21 novembre 1986. L'éducation pour la santé comprend tous les moyens pédagogiques susceptibles de faciliter l'accès des individus, groupes, collectivités aux connaissances utiles pour leur santé et de permettre l'acquisition de savoir-faire permettant de la conserver et de la développer." (Deschamps, 2017). Selon l’HAS, l’éducation thérapeutique du patient vise à aider les patients à acquérir ou maintenir les compétences dont ils ont besoin pour gérer au mieux leur vie avec une maladie chronique. (Site 5).

L’éducation pour la santé doit permettre aux de mettre en ½uvre leurs propres stratégies d’action. Elle favorise ainsi les auto-soins des patients. Des sites d’informations et d’échanges sont également présents sur la toile, qui peuvent aussi aider les personnes souffrant de cette pathologie. (Site 4). Des auteurs développent également des ouvrages permettant d’aborder la notion de la douleur chronique, pour aider les personnes à tenter de trouver non seulement des informations, mais aussi des modalités de gestion de la douleur et de ses répercussions, comme par exemple le livre de Grisart et Bertin (2017) qui évoque clairement l’idée de « trouver un nouvel équilibre », ancrant déjà l’idée d’une nécessité de changement.

Concernant cette notion d’auto-soins, il convient aussi de garder à l’esprit les limites de ces invitations à prendre soin de soi pour qu’elles ne deviennent pas des injonctions. Ainsi, E. Breton (2013) nous met en garde contre « les dérives éthiques, souvent désignées en santé publique par le terme « victim blaming » (blâmer la victime) ». En effet, il est important d’aider la personne à se responsabiliser face à ses actions pour prendre soin d’elle et non pas face à sa pathologie.


Une pathologie invisible
Cette pathologie est multi-factorielle d’une part dans du fait de causes très diverses (compression, traumatismes, étirement, opérations, vibrations) et d’autre part du fait qu’elle engendre de nombreux symptômes, initiaux et secondaires. Les spécialités impliquées sont donc nombreuses : urologie, gastro-entérologie, algologie, psychologie, gynécologie, rhumatologie, chirurgie, rendant le diagnostic encore plus complexe. La nouvelle vision du soin plus holistique et pluri-disciplinaire vise donc à permettre des soins plus rapides et plus pertinents.

Les DPPC « sont un motif fréquent de consultation dans les centres anti-douleurs (4-5 % des consultations) après que les différentes spécialités médicales (dermatologie, proctologie, gynécologie, urologie, neurologie etc.) ont éliminé une cause organique. » (Site 3). Parmi ces douleurs, les mieux identifiées actuellement, sont les névralgies pudendales (site 3), clunéales, ilioinguinales, ilio-hypogastriques, et génito-fémorales. Elles sont néanmoins des pathologies invisibles, conduisant à des diagnostics tardifs ou trop souvent attribués à une cause d’origine purement psychique.

Pour bien comprendre ces pathologies, une bonne connaissance anatomique est nécessaire, tant pour les soignants impliqués que pour les personnes bénéficiaires de soins. Cette notion de transmission d’une connaissance anatomique pour comprendre les mécanismes en jeu est le plus souvent proposée par les médecins, à l’aide de schémas ou, encore mieux, de matériel en 3D. Le site anatomie 3D de Lyon est également une ressource très intéressante dans cette compréhension de la pince entre muscle et os, qui provoque l’irritation d’un ou de plusieurs nerfs. (Site 2).



La douleur chronique
Cette pathologie engendre donc principalement une douleur chronique qui n’a plus, comme la douleur aigue, pour effet d’avertir d’un problème. Cette douleur chronique va engendrer de très nombreuses répercussions. « La douleur persistante bouscule l’existence, la déstructure, la menace dans son déroulement. Loin de n’être qu’une agitation neurophysiologique, une atteinte du corps, elle vient frapper aussi au plus profond de l’être ». (Bertin et Grisart, 2016).

Cette douleur chronique va elle-même créer un cercle vicieux : les personnes font moins d’activités dans leur vie quotidienne avec une tendance à faire des listes de tout ce qu’elles ne peuvent plus faire. Une perte de mobilité s’installe peu à peu (faiblesse musculaire, perte de forme physique et mentale, raideurs articulaires…). Les personnes ne trouvent plus de satisfaction dans leur équilibre occupationnel mis en échec. Cette perte fonctionnelle, de mobilité, d’activités productives, de soins personnels et de plaisir, va pouvoir engendrer une «privation occupationnelle ». Cette notion est définie « comme le manque d’engagements occupationnels d’une personne, causé par des facteurs personnels et environnementaux. Ainsi, une personne privée de sa possibilité d’agir sur son environnement peut facilement glisser dans un véritable chaos intérieur.» (Riou et Leroux, 2017).

Cette privation déclenche des réactions de stress, frustrations, colère, qui se tourne souvent contre les soignants n’ayant pas su trouver « LA bonne cause rapidement » et « qui ne nous croient pas quand on dit qu’on a mal ! ». Cette douleur est en effet difficile, voire «Impossible à bien faire comprendre à autrui, elle renvoie souvent la personne à une dimension de solitude, à un vécu d’injustice par le sentiment répété d’incompréhension par autrui. Elle fait ricochet dans les méandres de la mémoire, elle réveille des blessures antérieures, questionne l’existence passée, présente et à venir. » (Bertin et Grisart, 2016).

Le stress, la peur, l’incompréhension, l’anxiété peuvent aller jusqu’à déclencher des troubles du sommeil, un isolement social et même un véritable état-dépressif, qui va lui-même créer tout un cortège de tensions psychiques, se répercutant sur le corps comme une « cuirasse musculaire de tensions », terme évoqué fréquemment par les patients eux-mêmes. «L’individu va aborder l’installation de la douleur dans son existence avec ce qu’il est, avec son répertoire d’aptitudes à l’existence, c’est-à-dire avec sa personnalité…Les couleurs de ces réactions varieront selon que l’on est plutôt de type indépendant ou pas, à vouloir avoir les choses en main ou pas, à avoir tendance à dépendre d’autrui, à être dans un manque affectif, à avoir peur de la maladie, à surcontrôler ses émotions. » (Bertin et Grisart, 2016).



Processus de changement
Pour favoriser une démarche d’auto-soins, il nous faut connaitre les théories du changement. Dans cette perspective, ce sont les théories centrées sur l’individu qui sont les plus présentes, dans le domaine de l’éducation à la santé, impliquant qu’un individu qui est supposé pouvoir poser des choix et décider de son projet de vie. E. Breton (2013), indique que ces théories sont issues de la psychologie cognitive.

Concernant le processus de changement, de nombreuses théories et modèles ont été développés. L’objectif de ces différentes théories est de comprendre comment des personnes peuvent être amenées à pouvoir modifier des comportements, (le plus souvent nocifs pour elles de type tabac ou alcool) et d’identifier les facteurs pouvant influencer cette modification (actions, personnes ressources, motivation intrinsèque et extrinsèque...). L’élément qui reste central et important dans toutes les applications pratiques de ces théories, est que ce changement doit être durable dans le temps. (G. Boudreau, 2019).

C’est en 1979 que le modèle trans-théorique voit le jour, mis au point par Prochaska et DiClemente (1982). Prochaska a travaillé à partir des 18 théories de psychothérapie lui semblant les plus pertinentes (incluant celles de Freud, Skinner et Rogers) pour proposer un modèle connu sous le nom de « modèles des stades de changement », développé avec DiClemente.

Ces deux auteurs ont mis en évidence en 1987, 5 stades chronologiques : la pré-contemplation, la contemplation, la préparation, l’action, le maintien et la terminaison. Cette description linéaire a fait place en 1994, à une vision plutôt cyclique (en forme de spirale). Ce nouveau modèle cyclique implique que les patients peuvent subir des rechutes, des retours en arrière à des niveaux précédents. Toutefois en raison du premier apprentissage, le changement peut se faire à nouveau et de façon plus rapide. (Prochaska, J.O., DiClemente, C.C. et Norcross, J.C, 1992).

Il est à noter que c’est l’amorce d’un comportement de changement qui est une étape souvent difficile. L’inertie et les habitudes de vie sont des causes possibles de cette difficulté au changement. C’est pourquoi, avant d’entamer une telle démarche, il est nécessaire d’aider la personne à avoir des attentes réalistes et des objectifs qui soient réalisables. (Sullivan, 1998, cité par Boudreau). Cet auteur qui travaille avec des patients ayant des pathologies chroniques souligne le fait que des outils pour soutenir le changement doivent être variés, pour aider les personnes à modifier leurs comportements, voire leur façon de penser. Il propose quelques pistes efficaces dans les premiers stades de changement : la conscientisation, la réévaluation personnelle et l’engagement.

P.Aim (2015), fondateur de l’institut Uthyl pour l’utilisation des thérapies brèves (troisième vague des TCC) souligne que la lutte contre quelque chose, engendre une augmentation de cette même chose. Lors de la formation aux thérapies brèves soutien le fait que l’externalisation du problème est fondamentale. Si la personne entre dans une dimension identitaire de type : « je suis douloureuse », cette confusion peut rendre les soins plus difficiles. Le thérapeute gagne donc à être attentif à ses formulations. Une petite phrase toute simple telle que : « quand la douleur s’est-elle inscrite dans votre vie ? » permet déjà un décentrage, même inconscient de la personne.

Du côté des ergothérapeutes, c’est L. Bergès (2016) qui évoque la notion de changement comme le fait que « croire en l’idée fondatrice d’un changement possible, mais dont les raisons souvent échappent, c’est croire en l’autre, différencié de soi, riche de ses singularités, et semblablement capable d’évolution ». Il introduit ici l’idée fondamental de l’importance de la posture de l’ergothérapeute et de nos attentes vis-à-vis du patient. Le changement se fera aussi en fonction du regard que nous portons sur la personne, dans une relation thérapeutique où nous pourrons accepter que l’autre soit capable de changement. L.Bergès (2016) cite une phrase de F. Roustang (2000) dans son livre sur la fin de la plainte : « Je m’attends à ce qu’il change ».

Le changement possible nécessite donc une certaine attitude thérapeutique, associant vision d’un changement possible du côté du thérapeute et du patient, centration du côté des solutions, conscientisation et soutien de l’engagement personnel.



Un article écrit en janvier 2023 par Muriel Launois
A visée d'une éventuelle publication, un jour peut-être






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