Au côté de cette mise en place d'une organisation formelle droite et gauche,
nous avons choisi de travailler sur deux autres niveaux:
une trame symbolique et une structure logique,
imbriquées l'une dans l'autre.
La trame symbolique s'est donc inscrite de multiples manière,
aussi bien dans l’écrit que dans le visuel.
Symboliser
Le premier objectif était de stimuler la compréhension et la représentation métaphorique, un mode de compréhension souvent difficilement accessibles aux personnes alcooliques. Michèle Monjauze parle, dans son livre "la part alcoolique du soi", d'une véritable psychose associative. Elle a nommé cette difficulté de représentation de cette façon, faisant écho à la notion de psychose dissociative, comparant les patients alcooliques, présentant un soi liquide et mouvant, aux patients psychotiques. La difficulté des patients de se représenter les choses est remarquable, par exemple, lors des séances d'ergothérapie. La phrase "oui, mais on pourrait voir un exemple?" est l"une des phrases la plus entendue.
La dimension symbolique est à entendre là, dans sa dimension de création de liens entre différents éléments. La fonction symbolique est celle qui permet à l’humain de relier réalité et imaginaire. Elle permet d’imaginer l’objet en son absence et de relier cet objet au mot qui le signifie, le représente. Ce mot (et sa représentation mentale) peut donc venir en lieu et place de cet objet pour le représenter, le symboliser. Symboliser, c'est la possibilité d’utiliser et de comprendre les symboles. C'est le processus même de l'utilisation des symboles, des métaphores, des "comme si".
Il s'agit de pouvoir utiliser, comme le jeune enfant qui joue, un "tout se passe comme si". A l’instar de l’enfant qui a besoin des contes pour comprendre comment d’autres ont agit dans certaines situations, les adultes ont aussi besoin de mythes, d’identifications, de culture, d’art, de lectures ou de films pour être en contact avec des schémas psychologiques particuliers, semblables ou différents des siens. Les enfants vont jouer leurs fantasmes avec beaucoup plus de facilité que les adultes et, d’une certaine manière, se libérer de tensions, de contraintes, de frustrations, d’une manière tout à fait naturelle, si elle n’est pas entravée.
Les adultes perdent souvent cette capacité à jouer leurs rêves et leurs fantasmes, à les dessiner ou à leur donner une forme concrète. Or tous ces éléments psychiques qui ne trouvent pas à s’inscrire quelque part, le font dans le symptôme dépressif, somatique ou anxieux. Ce quota d’énergie créative se transforme en quota d’énergie négative, répétitive, vide ou insensée. Le simple fait de proposer de jouer à, de se laisser aller, va provoquer une régression permettant à des adultes de renouer avec leurs capacités à exprimer leurs problèmes dans des représentations symboliques. Ce sont des expériences de vie qui vont être jouées, rejouées, dessinées, modelées, écrites, découvertes, expérimentées, développées, etc…. Cette mise en situation concrète permet de mettre en relation, en lien, des éléments psychiques d’une façon différente de la parole. Ce lien gagne, bien sûr, à être signifiant, mais il nécessite alors une supervision pour l'ergothérapeute qui souhaite s'engager dans cette voie, afin de traverser cette expérimentation par lui-même.
Il ne s’agit pas d’interpréter ou d’expliquer, mais d’aider à mettre des mots sur des situations, des objets, des ressentis, des images, etc….Il ne s’agit pas de jouer avec les symboles, mais de savoir qu’il y a des liens signifiants qui existent entre eux et que chaque personne possède sa façon personnelle de relier ces éléments. Cela pourra alors permettre, grâce à la compréhension de ces liens, de donner du sens. Du sens à un dessin, à un événement, à sa vie. Pour tout être humain, il est nécessaire de parler pour exprimer, communiquer. Si cette parole ne se fait pas, alors la thérapie demeure dans le registre de l’occupation du vide, du faire pour faire, du passage à l’acte insensé, du non sens.
Symboliser est l'acte fondateur de la psyché humaine et donc la marque de l'humain. C’est la signature de notre possibilité d'être pris dans les filets d'un langage codé commun. Nous avons vu ci-dessus comment cette fonction se construisait dans du manque, dans de l'absence mais aussi de la présence. Elle nécessite aussi d'avoir un système symbolique commun avec les autres individus et ce processus de symbolisation nécessite donc que nous soyons passés par l'intégration de cette notion de langage commun et signifiant. Ainsi, les sujets psychotiques, n'ont pas le même système de référence que nous pour analyser, comprendre et intégrer des situations qui devraient, en principe, être reconnues de façon similaire par l'ensemble des humains.Donner du sens
Un autre objectif de cette trame symbolique, est de sortir de la dualité du vrai/faux. Souvent les personnes cherchent des éléments d'information qui soient vrais, justes et vérifiables, tant du côté des patients que des thérapeutes. Il s'agit d'offrir un espace où il n'y a pas de réponses vraies ou fausses. Cette notion de vérité s'accompagne en effet souvent, d'une vérification qui peut sembler s'inscrire dans un registre de savoir scolaire et de réussite. Or, pour permettre à quelqu'un de retrouver sa propre parole et le sens qu'il lui donne, cette dimension vrai/faux ne nous semblait pas la plus pertinente.
Ainsi, dans le groupe de réflexion sur le thème de l'ambivalence, des images symboliques sont proposées pour permettre aux personnes de trouver celle qui leur parle le plus et les aide à avoir une représentation en image stimulant la représentation mentale et favorisant une mise en mots. L'intention de ce choix d'une image est clairement de permettre à la personne de mentaliser ce qui n'était qu'un mot, et souvent un mot mal compris. l'ambivalence, en effet, a beau être expliquée en termes de définition, ce terme demeure complexe. Accompagner le patient dans un mien entre images et mots a donc été le choix des thérapeutes animant ce groupe de parole.
C'est dans le même état d'esprit que la psychologue propose un photo-langage, réalisé par le tirage au sort d'une image et d'un mot, pour permettre au patient ensuite d'imaginer un lien entre ces deux éléments, puis un lien entre l'histoire ainsi trouvée et sa propre histoire. Faire du lien est l'une des nécessités pour entrer dans la dimension symbolique. Le fait de donner du sens se retrouve dans les intentions des thérapeutes, mais aussi dans le choix des images intégrées dans le livret. Des images symboliques ayant principalement pour intentions de transmettre des messages positifs.