Une histoire institutionnelle particulière
Lors de notre retour dans un centre psychiatrique, (sur l'impulsion de l'ARS qui a regroupé les services de psychiatrie) et face aux demandes sociétales d'un retour à domicile plus rapide, avec des hospitalisations moins longues, nous avons donc du nous recentrer sur des pratiques autour de l'autonomie. ce travail autour de la qualité de vie s'est centré sur nos patients psychotiques chroniques, ceux là mêmes qui restent si longtemps en hospitalisation, se désinsérant peu à peu, pour s'installer dans une passivité, encore renforcée par le milieu hospitalier.
En plus du CMP et du CATTP déjà en place, notre service s'est donc doté d'une équipe mobile (EMIP) et il nous a été demandé de développer des actions autour de la réhabilitation personnelle et sociale, un terme de plus en plus employé dans le secteur de la santé mentale, par les différents thérapeutes. Des réunions de travail ont vu le jour, pour pouvoir penser nos outils et définir un protocole d'accompagnement des patients. Peu à peu, les rôles de chacun des professionnels se sont déterminés, moins dans les compétences habituelles de chaque profession, que dans une répartition institutionnelle se fondant sur l'historique et les habitudes de fonctionnement de notre service. Ce travail collectif a permis d'entrer dans une dimension groupale de réflexion, au-delà des répartitions habituelles des taches.
Le partage des tachesDe nombreuses réunions ont donc été nécessaires, à la fois pour répartir les tâches de chacun et chacune, mais aussi pour créer nos outils. Ces réunions ont eu lieu en équipe pluri-disciplinaires (médecin, psychologues, assistante sociale, infirmiers/ières, aides-soignants/es, ergothérapeutes) et chacun des outils créés ou utilisés, a été présenté et validé par l'équipe.
De manière classique et fréquente, le travail autour de l'autonomie est plutôt le c½ur de métiers des ergothérapeutes, mais dans la mesure où nous étions devenues plus relaxologues, art-thérapeutes ou encore musicothérapeutes, les outils autour de l'autonomie et en particulier les bilans nous étaient donc moins familiers. Rapidement, une formation à Eladeb nous a été précieuse pour la découverte de cet auto-bilan, qui a trouvé grâce à nos yeux psycho-dynamiques.
Ce bilan qui demeure dans l'auto-évaluation du patient, pour lui permettre de faire un point sur sa situation nous permet, en effet, de ne pas trop entrer dans la notion de l'évaluation de la personne, évaluation qui pouvait nous déranger à partir de nos pratiques de soin psychique pour lesquelles la subjectivité reste encore un horizon important, permettant à la personne d'être unique et singulière, plus qu'adaptée et normalisée.
Les ergothérapeutes ont donc été déclarées comme responsables du premier bilan proposé au patient, c'est à dire permettant de faire le point sur activités de la personne, en proposant un balayage des difficultés/compétences et demandes d'aide/capacités à faire seul(e). Nous avons recréées 2 fiches spécifiques à notre utilisation: une fiche reprenant les items proposés, avec la cotation de 0 à 3 et une autre, avec un code couleur, permettant un résumé de la première avec une lisibilité plus rapide. Cette fiche couleur est donnée au patient s'il la souhaite et également laissée dans le dossier. Un compte rendu plus détaillé est également intégré dans le dossier du patient. Le travail autour de l'autonomie se dessine peu à peu au fil de l'hospitalisation et Eladeb n'est donc pas proposé en début d'hospitalisation, mais plutôt lorsque le travail s'oriente non plus dan le soin psychique pur, mais dans la réhabilitation personnelle ou sociale.
Les bilans d'autonomie plus classiques, qu'ils soient un bilan global d'autonomie ou celui de cuisine, ont été crées en groupe et ce sont les infirmiers qui en sont les responsables. En effet, dans notre pratique, nous ne sommes pas les thérapeutes les plus proches de la vie quotidienne du patient, dans la mesure où une trop grande proximité dans leur espace d'intimité, pouvait, à nos yeux, n'être pas compatible avec certains de nos groupes travaillant sur l’intrapsychique. La dimension de travail psycho-dynamique qui avait coloré, au fil des années, nos interventions, ne favorise pas ce type de travail. Une certaine façon d'être, une qualité de présence auprès du patient, alliant distance physique et psychique s'avère en effet, nécessaire . Le soin psychique centrés sur l'introspection implique de ne pas être trop ancré dans la réalité et la vie quotidienne, mais plutôt sur la vie intra-psychique et ses méandres inconscients.
Nous avons pu, néanmoins, participer à l'élaboration de ces outils, notamment dans la catégorisation qui s'appuie sur les domaines d'interventions des ergothérapeutes, au grand dam, parfois de nos stagiaires qui pouvaient y voir là un glissement de compétences. Mais les habitudes et l'histoire priment parfois, voir même souvent, sur les définitions des rôles et sur l’utilisation des compétences. La notion de compétences transversales est à interroger dans ces cas là.
Enfin, une réunion entre les thérapeutes et le patient, va permettre de déterminer des objectifs de travail ciblés, nommés et définis aussi en termes de date. Il s'agit d'un plan personnalisé pour la personne. Les outils thérapeutiques
Une fois la répartition des bilans faite, il nous a fallu définir les outils utilisés par chacun.
- Du côté des infirmiers, le bilan d'autonomie globale et de cuisine thérapeutique, ont été complétés par une séance de cuisine tous les 15 jours et des temps d’accompagnements individualisés renforcés. Un bilan d'autonomie autour des courses et de la cuisine a été également développé par nos collègues infirmiers et infirmières. Des sorties de groupe, plus orientées vers les loisirs et le plaisir peuvent aussi être proposées.
- Du côté des ergothérapeutes, un groupe hebdomadaire, nommé tout d'abord "Autonomie", puis "projets", puis "Autonomie et projets" au gré des brainstorming avec les patients, a été instauré. L'intention de ce groupe est donc de créer un rendez-vous hebdomadaire autour des projets de chacun (petits projets ponctuels ou grand projet de vie) pour soutenir un engagement fragile et une motivation souvent précaire chez les patients psychotiques chroniques. Au c½ur de ce groupe des temps de parole alternent avec des outils ludiques, créatifs ou des sorties préparées par les patients eux-mêmes en amont de la sortie qui restent accompagnées par l'ergothérapeute. (voir description du fonctionnement de ce groupe).
Cette modalité de travail institutionnelle et de répartition des taches
demeure notre spécificité
Toute protestation autour de glissements de taches et de compétences est donc....recevable!
Cet article est la propriété intellectuelles de Muriel Launois (article 2019)