Expression verbale
L'expression verbale est commune à tous les êtres humains. Le langage est marqué du sceau de la loi. C'est le rôle du père que de signifier à l'enfant que la parole doit prendre place en lieu et place de l'acte brut, archaïque, de la folie, du passage à l'acte. C'est l'une des marques de la castration symbolique. Le langage qui permet la communication sur une base commune, est la forme la plus aboutie de l'ensemble de systèmes symboliques qui définissent notre culture. (Règles matrimoniales, rapports économiques, art, science et religion). Il est, en principe, un ensemble de règles et de conventions communes qui permettent la communication. Mais, souvent, le même mot apparent, ne recouvre pas pour chacun et chacune, une même signification. Même en dehors d'une psychose, dans un cadre plus normal, l’évolution de vie, les souvenirs, les fantasmes de chaque personne sont si différents, que les mots sont accompagnés d’un vécu affectif toujours personnel.
C'est donc le langage verbal qui va nous permettre de communiquer à autrui ce que l'on ressent, ce que l'on pense, ce que l'on désire. Il est possible, en équipe pluridisciplinaire, d'évaluer les capacités d'expression d'un sujet. Certains vont pouvoir exprimer uniquement des plaintes, leur souffrance, leur douleur. D'autres pourront exprimer leur histoire uniquement sur un mode descriptif, sans mise en lien entre l’histoire et les troubles psychiques. Des patients(es) pourront exprimer certaines parties psychiques d'eux-mêmes, identifier leurs vrais besoins.
Les sujets psychotiques demeurent dans une dimension plutôt expressive n’ayant que difficilement valeur de communication. En effet, pour que le langage permette la communication, il faut que les personnes ait un système de référence commun (sens des mots, utilisation des règles de langage, etc…). Pour communiquer, il faut deux personnes ayant un espace intérieur construit et à peu près différencié. Or, la parole d’autrui peut quasiment " entrer ", faire effraction dans le psychisme mal délimité de la personne psychotique. Dans un groupe, pour une personne psychotique, toute parole posée peut être confondue avec la sienne. Il ou elle peut s’approprier la parole d’autrui et vivre une angoisse de dissociation intense.
Pouvoir mettre des mots sur une pathologie permet à la personne de ne pas rester dans une situation in-sensée. Cette mise en mots peut prendre différents aspects: éducation thérapeutique, annonce diagnostic, explications des signes avant-coureurs d'une rechute... C’est la question du sens mais aussi, la transmission d'un savoir être, d'une certaine façon d'appréhender, d'écouter le monde intérieur et extérieur. Il s'agit dans ce cas, d'informations délivrées au patient. En psychothérapie la qualité de parole est toute autre il ne s'agit pas de délivrer un message ou de communiquer quelque chose à autrui, mais d'aider la personne à être à l'écoute de ses propres messages intérieurs.
En psychothérapie
L'expression verbale est le moteur fondamental de la psychothérapie verbale, de la psychanalyse ou des groupes de parole. Cette expression porte, le plus souvent sur les troubles, le passé ou le vécu douloureux actuel. Dans toute psychothérapie il est classique de commencer par parler de ce qui ne va pas, le patient demeure centré sur son symptôme. Cette expression verbale se situe, le plus souvent, dans une intention de communication avec autrui, pour exprimer son mal être, parler de soi, se définir. La mise en parole C'est l'expression extérieure, formalisée en des termes communs, adressés à autrui, partageable avec d'autres individus, qui va permettre que cette capacité de penser en mots devienne une communication. Cette représentation mentale du mot, projetée au dehors, peut alors être reconnue comme porteuse de sens et de lien relationnel.
Aider le patient à donner du sens à ce qui lui arrive, à ses symptômes, lorsqu'il en a les moyens psychiques est une des pistes de la psychothérapie verbale mais pas uniquement de cette dernière. Permettre à une personne de s'exprimer, de mettre en mots ses ressentis va offrir un sentiment d'existence à la personne c'est le Moi qui parle, le Je. La mise en mots est ce qui va permettre l'élaboration psychique . La verbalisation crée du lien entre pensée en images et pensée en mots et favorise donc une maturation des capacités de mentalisation. La mise en mots permet aussi, une mise à distance de soi. Ce qui est exprimé peut alors devenir un objet verbal, partagé avec un autre, qui vient s’inscrire comme un élément de travail possible.
Freud a défini progressivement des modalités de relation thérapeutiques. Il pose la question du sens dans la mesure où sa thérapie est entièrement basée sur la parole. Parole qui donne du sens, parole qui fait loi, parole qui structure l'être. La relation thérapeutique nécessite donc de pouvoir mettre des mots sur ce qui se passe : supervision, réunion de synthèse. Et surtout, la relation thérapeutique nécessite de savoir aider le patient non seulement à mettre des mots sur son ressenti (expression simple) mais surtout à faire du lien entre ses symptômes et son histoire ( introspection )
Temps de parole en ergothérapie
En ergothérapie, il s'agira donc plus de permettre la possibilité d'expression médiatisée du ressenti, que d'utiliser une activité purement verbale : mise en mots de l'instant vécu, du ressenti, expression de choix, de goûts, éclairage de différentes facettes de soi, expression du ressenti de la séance, ou centré sur la production. Il existe plusieurs niveaux de profondeur de cette parole qui oscille entre partage social et parole plus authentique et plus profonde sur soi-même.
Elle demeure parfois, durant le temps de l'atelier, simple papotage, paroles plus sociales, paroles en l'air qui se dissipent et ne peuvent être retenues, fixées. Elle peut aussi s'inscrire dans des dialogues pour créer du lien social entre les personnes, favoriser une communication de base permettant une socialisation. Ces paroles, discussions sociales sur des thèmes généraux, actuels, sur des événements de vie à partager, à raconter, sont importantes pour inciter la personne à oser se dire. Il est parfois plus aisé de se dire dans une parole apparemment anodine que lors d'un temps de parole où l'angoisse du regard de l'autre, de morcellement, la peur du jugement, peuvent surgir et bloquer l'expression. Il faut savoir que dans des groupes où l'ergothérapeute souhaite que toute l'énergie psychique soit projetée dans la médiation, ce type de parole sur un mode plutôt d'échanges sociaux, n'est pas à favoriser. Parfois, il faut savoir aussi se taire...
Pour gagner en confidentialité et en importance, pour lui redonner toute sa valeur, la parole nécessite des temps particuliers, prévisibles, distingués et protégés. Ce sont les fameux temps de parole qui prennent place, le plus souvent, en fin de séance. Les temps de parole sont nécessaires en fin de séance, afin de ne pas cliver expression concrétisée et expression verbale. Ainsi la personne peut faire du lien entre non verbal et verbal. Si ces temps de parole sont co-animés avec d'autres thérapeutes ceux-ci doivent être présents aussi lors de la séance afin, là aussi, de ne pas cliver verbal et non verbal.
L'animation de ces temps de parole demande parfois une formation complémentaire afin d'offrir une qualité d'écoute et de mise en mots favorisant un approfondissement de la "simple" parole. C’est grâce à cette mise en mots que notre thérapie peut entrer dans une dimension psychothérapeutique. Si l'ergothérapeute se donne les moyens (supervision, formations, thérapie personnelle) de donner à cette expression une dimension pouvant aboutir à une introspection, la thérapie passera alors d'un atelier d'expression à un véritable atelier de psychothérapie médiatisée. Il est fondamental de bien savoir distinguer l'un de l'autre.