Le recueil de données pour la préparation de la prise en charge en ergothérapie peut se faire sous la forme d'un entretien d'accueil, d'un bilan, d'un recueil de données en réunion de synthèse ou dans le dossier du patient.
Classiquement, une anamnèse ou des bilans sont pratiqués en début de prise en charge, pour pouvoir établir un diagnostic en ergothérapie, puis d'autres bilans peuvent être faits tout au long du séjour du patient et à sa sortie.
Qu'en est-il en psychiatrie?
Anamnèse
Une reconstruction progressive des éléments nécessaires à une prise en charge peut être trouvée dans le dossier ou lors d'un entretient d'accueil. il est possible de se créer une fiche récapitulative de tous ces éléments:
- L'histoire de la personne est retrouvée à travers les différents éléments du dossier, à travers ce que la personne pourra nous dire lors du premier entretien ou au décours de la thérapie.
- L'histoire de la maladie ne doit pas être confondue avec celle de la personne.
- Le motif d'hospitalisation: Par qui? Pourquoi? Comment? Quel type de placement? La lettre d'entrée va permettre de savoir si le diagnostic est posé ou non, de préciser les raisons de l'hospitalisation et les attentes du médecin qui envoie la personne.
- Les éléments cliniques sont parfois identifiables dès l'entrée, si le diagnostic est posé par le psychiatre, soit nécessitent une observation, fondamentale lors de l’hospitalisation, en équipe thérapeutique.
- Il est important pour nous de connaitre les symptômes des différentes pathologies pour pouvoir communiquer avec les autres thérapeutes lors des réunions de synthèse, relier la clinique à notre pratique et pour contribuer au diagnostic différentiel.
Bilans
En psychiatrie et psychologie médicale, proposer un bilan dès la première rencontre n'est pas toujours possible ni souhaitable. Il conviendra de s'adapter aux patients très déprimés ou dissociés qui ne pourront guère relever de cette façon de procéder qui va soit risquer de les mettre en échec, soit leur demander trop de concentration. Il faut parfois aussi, savoir renoncer à savoir des choses sur le patient, pour le rencontrer d'une manière plus authentique, sans savoir préalable, même si cette démarche peut paraitre hors du contrôle habituel qui nous est demandé. Le risque est de se centrer alors, sur l'histoire, les éléments pathologiques, les problèmes, qui peuvent créer une sorte de filtre entre le patient dans son "être là" et nous qui sommes centrés sur les symptômes, les difficultés de vie ou les incapacités.
Lorsque nous nous référons à des théories psycho-dynamique, les bilans n'ont pas très bonne presse...Mon expérience personnelle m'a conduite à privilégier, du moins dans le domaine du soin psychique, l'observation durant le temps d'accueil et les temps de thérapie, plutôt que les bilans. Ces réticences personnelles trouvent leur origine dans quelques histoires qui ont pu marquer ma carrière et m'ont poussée à interroger l'impact d'un bilan sur un patient très déprimé. Dans le domaine du soin psychique, nous sommes dans des notions telles que l'expression personnelle ou le sentiment d'un bien être, ou encore telles que retrouver un sens à sa vie et à son histoire personnelle. Toutes ces notions sont difficilement accessibles à des bilans quantifiables puisqu'il s'agit d'éléments très subjectifs.
L'ergothérapie navigue de plus en plus dans des "eaux bilantées" et peut-être plus facilement navigables, au moins en apparence. Dans le domaine de la réhabilitation , il est clair que nous devons partir d'un bilan des acquis et des difficultés qui sont à travailler, pour pouvoir ensuite, après la thérapie, évaluer son efficacité et savoir si la prise en charge a atteint les objectifs nécessaires à un plus d'autonomie pour le patient. Dans ce domaine de la réhabilitation, il est en effet plus facile de comparer un avant et un après, que dans le domaine plus subjectif du soin psychique. Quelques question se posent alors:
Qui?
Dès lors que l'utilisation des bilans nous est demandée, imposée ou que l'on choisit de les utiliser, les bilans peuvent devenir des outils intéressants et pertinents, à condition de ne pas en abuser...Il est tout aussi important de pouvoir identifier ceux qui nous sont accessibles et peut-être aussi de ne pas empiéter sur les plates-bandes des autres thérapeutes. En effet, nous avons parfois, nous aussi, tendance à emprunter des outils à d'autres catégories de profession. Les bilans sont un parfait exemple de ce phénomène car les compétences sont partagées. C'est la fameuse transversalité des compétences, convoquée quand tout le monde laboure joyeusement le même lopin de terre. Parfois, ce sont plutôt les habitudes institutionnelles qui prévalent sur les compétences officielles, l'essentiel étant de s'entendre.
Il est également important de réfléchir à la pertinence du choix de l'ergothérapeute proposant ce bilan. En effet, même si nous ne sommes pas les psychothérapeutes des patients, (psychothérapeutes au sens de psychiatres ou des psychologues, c'est à dire le plus souvent avec des outils d'écoute et de verbalisation), ceux d'entre nous qui travaillent dans une dimension de psychothérapie médiatisée peuvent être gênés de mêler thérapie et bilan. En effet, lorsque la thérapie est engagée dans des dimensions expressives pures, dans le respect du rythme du patient, dans l'écoute de ce qu'il a à dire ou à peindre ou à élaborer dans la matière, il est tout à fait délicat de lui proposer un bilan, surtout si ce dernier est centré sur les cognitions ou le retour à domicile dans un domaine de vie quotidienne. Même si nous sommes tous censés avoir des compétences dans le domaine des bilans, il peut être judicieux que ce soit une autre personne qui le propose.
Pourquoi?
Les bilans nous servent donc, principalement à évaluer. Mais quelle est donc cette évaluation qui nous pousse à cette utilisation d'outils? Que cherche t-on vraiment à évaluer? Le patient? Notre pratique? Notre valeur? Cherche t-on (encore!) à prouver la validité de notre profession? Est-ce le seul moyen pour évaluer? Jean-Philippe Guihard nous convie à une réflexion sur cette notion de l'évaluation. Actuellement, l'idée que les bilans doivent être validés statistiquement fait fureur. Jean-Philippe Guihard défend tout à la fois, l’utilisation d'outils validés, mais aussi celle de bilans maisons dont il ne faut pas nier la valeur, ni la nécessité pour entrer dans une démarche d'appropriation créative de nos outils. (voir article de JP Guihard)
Avant toute utilisation systématique de bilan, peut-être faudrait-il donc méditer un peu la question...tant qu'on nous en laisse encore un peu la possibilité, sur le fait d'objectiver la personne au lieu de l'aider à être sujet.
Quand et lesquels?
La décision de pratiquer un bilan, ou pas, devrait idéalement nous revenir, afin de ne pas nous retrouver en situation d'appliquer une demande sans être en accord avec elle. Un ergothérapeute de Rouen, Mathieu Gosmes, a travaillé sur un schéma qui reprend les différents bilans utilisables aux différents moments de la thérapie et suivant quelques pathologies. Ce schéma, certes complexe, peut être une excellente base de travail pour réfléchir aux bilans qui peuvent être nécessaires selon les lieux de travail. (schéma )
- C'est à partir de ce schéma que Claire Gonot, élève à l'IFE de Nancy (3ème année en 2016), a travaillé pour mettre au point la liste des bilans potentiels que nous pourrions utiliser, en ce qui nous concerne, dans un milieu hospitalier (secteur ouvert et secteur fermé). Ces deux documents peuvent vous donner des pistes de réflexion si vous souhaitez réfléchir sur l'utilisation de tel ou tel bilan, à tel ou tel moment de la thérapie.
- Et pour approfondir encore un peu plus, un powerpoint vous est proposé par Mathieu Gosmes, utilisé dans la formation de l'école de La musse, qui vous donne toute une panoplie de références de bilans. (voir powerpoint).
Dans une intention de travail en psychothérapie médiatisée (version psycho-dynamique) les bilans sont rares car cette vision des choses est centrée sur les capacités évolutives de la personne, dans le sens de son identité personnelle, unique et singulière. Quand nous proposons un travail d'autonomie psychique, nous n'avons pas un objectif précis à atteindre, mais nous laissons plutôt se dérouler des processus thérapeutiques. Quelques pistes à méditer, à consulter: - La batterie d'Azima: une évaluation par le collage. Il reste à savoir ce qu'on évalue, car s'il s'agit d'évaluer la personne et ses occupations, il ne s'agit pas d'un outil projectif au sens strict du terme puisque nous proposons un thème. Il s'agit en quelque sorte d'un Eladeb, auto-bilan ou d'un Kawa, comme faire un point sur soi-même. Il s'agit dans ce cas d'une expression de soi consciente, et pas d'un outil projectif.
- voir mémoire de Véronique Mathieu-Roy. Québec: une belle réfélexion sur le fait que les outils d'expression ne visent pas à faire des bilans exhaustifs...mais une première présentation de soi, une première rencontre.
- voir site de Philippe Ghuihard ou le même article dans erudit.org (voir article ).
Kawa , qui se propose comme un modèle en ergothérapie, peut tout à fait devenir une occasion d'entrer en relation avec une personne, pour l'aider à faire un point métaphorique sur sa vie. Certes l'image de la rivière ne convient pas à tout le monde, mais elle a le mérite de donner du sens, de faire découvrir la dimension métaphorique et, pourquoi pas, aider la personne à trouver sa propre métaphore de vie.
- Publication de l'ANFE et Deboeck: "Agir sur l'environnement pour permettre les activités" Dans le chapitre 13, sur l'approche de l'environnement dans les modèles ergothérapiques, il est question de ce modèle. Livre collectif sous la direction d'Eric Trouvé, président de l'ANFE.
- Un mémoire utilisant ce modèle dans un service de soins palliatifs par Charlotte Pruvot (lien)
- Un powerpoint proposé à l'IFE de Nancy, par Marie-Pierrre Vanel (ici)
Eladeb est un auto-bilan du patient créé par une équipe d’ergothérapeutes Suisses, est un outil très précieux, peut-être plutôt au cours de la thérapie. Cet auto-bilan, permet au patient de faire une sorte de retour sur sa situation, pour se demander quels sont les problèmes à travailler et préciser quels sont ses besoins d'aide. Cet auto-bilan permet au patient d'être en position active et non pas d'être saisi dans une vision trop normalisatrice. Il reste que le choix des termes employés dans ce bilan sont encore un peu trop centrés à mon gout personnel, sur les mots de "problèmes" et "pas de problèmes" car lorsque l'on sait que l'inconscient ne connait pas la négation, le simple mot de problème pose problème...
C'est l'un des rares bilans que nous utilisons dans notre équipe, car ce bilan est respectueux du patient et ne le met pas en échec. Il constate souvent, en effet, qu'il a aussi des ressources et des capacités personnelles, par un système ingénieux de plusieurs tris. Ce bilan est tout a fait intéressant à utiliser lorsque des problèmes sont présents dans la vie quotidienne de la personne, pour l'aider à en faire le constat. Par contre, il incite la personne à demander de l'aide (seconde partie du bilan) et à identifier qui peut lui donner cette aide...il n'est donc pas totalement pertinent dans une démarche de rendre le sujet capable de s'appuyer sur ses propres ressources, comme dans une démarche d'auto-détermination.
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