Dans le domaine de la relation thérapeutique, Freud a posé de grands principes permettant d'appliquer sa thérapie par la parole.Le psychanalyste est le plus neutre possible, la plupart du temps, hors de vue du patient, comme une simple "oreille" où peuvent se "déverser" les associations d'idées, les ressentis de la personne et notamment les ressentis vis à vis du thérapeute, le fameux transfert. Une partie de la thérapie psychanalytique consiste à analyser ce transfert et à aider la personne à le conscientiser, le traverser, le résoudre.
Nous constatons, d'emblée, qu'un ou une ergothérapeute n'est pas neutre, se trouve en vue du patient et ne peut pas demeurer une "simple" oreille à l'écoute puisque nous sommes dans une relation active et médiatisée. Toutefois, le type de relation utilisé par Freud a mis en évidence des éléments sur lesquels nous pouvons être invités à réfléchir lors de nos thérapies.
2 grandes lignes peuvent être ainsi explorées:
- La notion de loi et de castration dans la relation
- les notions de transfert et contre transfert
Tiers symbolique Un des critères fondamentaux pour la mise en place d'une relation thérapeutique est la nécessité d'une référence à une loi. En effet, dans toute thérapie, il est nécessaire que chacun des deux protagonistes puisse se référer à un tiers symbolique extérieur et que la relation ne soit pas fantasmée comme étant une relation de toute puissance de l'un envers l'autre. Un autre terme peut définir cette situation, il s'agit de la castration, c'est à dire le moment ou l'enfant découvre qu'il ne peut épouser père ou mère et qu'il est ainsi inscrit dans une communauté marquée par des lois et traversée par la parole ayant force de loi.
Dans la vie psychique du sujet, c'est au père que revient cette nécessité d'énoncer la loi, et en particulier, la nécessité d’y être tous soumis. C’est lui et, surtout, la fonction paternelle, qui sont garants de la nécessité d’une loi et de son application. Si les interdits, et en particulier celui de l'inceste, ont été signifiés et respectés, alors le sujet est entré dans la structure névrotique ou dans la normalité. La possibilité de penser, au sens d'acquérir un espace psychique personnel et différencié de celui de la mère, s'origine là. La possibilité de mettre en mots également. C’est là que se distinguent psychose et névrose, dans ce domaine d’une parole signifiante d’une loi ou pas.
"Il faut distinguer entre les interdits culturellement variables,
locaux ou particuliers, qui ne touchent qu'une catégorie sociale,
et les interdits fondamentaux universels,
qui coïncident avec les conditions d'existence de la culture elle-même,
et qui sont au nombre de trois:
ceux de l'inceste, du cannibalisme et du meurtre." (Freud. L'avenir d'une illusion).
Toute relation thérapeutique est donc marquée par des règles de fonctionnement, souvent communes à de nombreux thérapeutes. L'ergothérapeute est lui (ou elle) aussi, soumis(e) à ces règles établies. Cette nécessaire loi nous permet de vivre en tant que citoyen, en tant qu'individu respectant un code commun. Elle est la marque de la castration, inscrite en tout individu, et s’inscrit dans la parole. Une relation thérapeutique est donc soumise à des règles thérapeutiques, clairement explicitées et valables pour chacun. Cette nécessité est inscrite aussi, en plus de la relation, dans des référents théoriques, des contrats de soins, des règles de vie institutionnelles, etc... (Voir dans cadre et loi, les règles thérapeutiques)
Transfert et contre transfert
Les concepts largement empruntés à la psychanalyse de transfert et de contre-transfert, nous permettent de comprendre que, la plupart du temps, le patient ne s’adresse pas à nous, mais à notre rôle, à ce qu’il projette et fantasme sur nous. En thérapie il est important de savoir cela afin de pouvoir accueillir ses projections sans se sentir directement et personnellement touché ou atteint, sans quoi, nous ne pourrions pas laisser le patient exprimer ses sentiments dits négatifs: colère, haine, ressentiment, etc...Notre capacité à supporter un transfert négatif, sans réagir personnellement, est fondamentale.
Deux points sont à préciser, souvent source de confusion pour les élèves:
- En aucun cas il ne s'agit d'éviter qu'un transfert ou un contre-transfert ne se fasse, comme je le lis souvent dans les copies des élèves. Un transfert se fait sur nous ou ne se fait pas, sachant que c'est souvent le ou la thérapeute principal, qui reçoit ces projections fantasmatiques de la personne et nul ne peut le limiter ou l'empécher. Il faut le savoir et tenter de l'nalyser, le comprendre pour ne pas en rester dupe et aider le ou la patiente à pouvoir en avoir conscience.
- Un contre-transfert, contrairement à son nom apparent, n'est pas uniquement négatif...ce n'est parce qu'il est contre qu'il est opposé ou négatif! Souvent ce simple mot de "contre" donne lieu à des incompréhensions et à des confusions.
Du côté du patient: le transfert
Si la relation est marquée par le sceau de la loi, à bonne distance, analysée, pensée et située dans un cadre thérapeutique la dimension psycho-affective peut alors se développer. Le patient pourra vivre un mode relationnel particulier, c’est à dire projeter dans le temps présent, des comportements, des attitudes, des défenses, signifiantes de son état psychique. Les sentiments du patient éprouvés à l'égard du ou de la thérapeute ne s'adressent pas à la personne réelle mais à ce qui est projeté sur elle comme attentes, fantasmes, etc...
C'est ce qui se nomme transfert en psychanalyse et ce mot peut être employé pour désigner les projections du patient. Ce mot est très souvent utilisé, même en dehors de ce cadre strict de la psychanalyse. cet emprunt du mot transfert est largement répandu dans d'autres formes de psychothérapies. Au-delà du questionnement de savoir s'il est légitime ou non de l'employer tel quel, ce qui est surtout important c'est d'avoir conscience de ce qu'il recouvre et de ne pas réagir trop personnellement à ce que le patient projette sur nous, sans oublier qu'il ne s'agit que de ses projections. Serons nous le support d'un mode de relation parentalisée? Fraternelle? Séductrice? Avoir conscience de cet état de fait nous permet alors de nous souvenir que toute action de notre part sera entendue et interprétée, dans ce cadre du transfert.
Du côté du thérapeute: le contre transfert
A cette dimension du transfert du patient répond alors notre ressenti propre vis à vis de la personne, de ses positionnements, attentes, demandes, etc...Il s'agit du contre-transfert. Notre contre-transfert envers le patient, peut-être positif ou négatif.Une relation thérapeutique s'établit essentiellement dans la dimension inconsciente du psychisme, avec possibilité d'en avoir plus ou moins conscience pour le patient et nécessité d'en avoir conscience pour le thérapeute. Les attentes, demandes, protestations, séductions, besoins, agressions, ne s’adressent jamais tout à fait uniquement à nous, mais aussi à notre rôle de soignants, à ce que projettent sur nous les patients, à leurs vécus antérieurs. Toutefois, notre façon d’être, de réagir, de nous positionner, vont déclencher chez autrui des réactions qu’il nous faudra pouvoir déceler et reconnaître.
Le respect du patient inclut notre capacité à l'accepter tel qu'il est et à entendre sa parole, si possible centrée sur ses profondeurs psychiques. Cette capacité de respect d'autrui, consistant à ne pas intruser l'autre, à désirer ou penser à sa place, et à lui re-donner un statut de sujet, ne se fait pas toujours de façon innée. C'est pour cette raison que la relation thérapeutique se doit d’être contrôlée et analysée. C'est dans cette dimension que, parfois, les avis des ergothérapeutes divergent. Certains pensent que leurs possibilités relationnelles naturelles et spontanées seront suffisantes, d'autres pensent qu'il est important de travailler sur la connaissance de soi afin de limiter les projections anarchiques de nos propres modalités relationnelles. Après tout, nous avons nous-même un inconscient, une histoire avec ses détours et parfois ses ratés et ses réussites. Il appartient à chaque ergothérapeute d'interroger ou nous ses profondeurs personnelles.
Pour parvenir à une telle réflexion sur soi et sur son mode relationnel, une supervision est nécessaire, du moins dans un premier temps. Il est en effet, difficile d’avoir un regard objectif sur soi-même. Une supervision est une mise en mots avec un ou une psychanalyste, des inter relations mises en œuvre. Cela permet plus facilement d’avoir conscience de nos limites et d’en interroger le sens. Ce type de travail permet de « faire un peu le ménage » de notre propre ressenti vis à vis du patient, est loin d’être inutile. Ces tentatives de compréhension du psychisme humain offrent des pistes intéressantes à explorer, pour tous les sujets en thérapie. Les techniques de supervision, dés lors que l'on souhaite s'engager dans une thérapie centrée sur l'expression de la personne plus que sur la réalisation d'un objet à visée utilitaire ou esthétique, sont nécessaires pour aider le ou la thérapeute à comprendre ce qui se noue et se dénoue dans une relation thérapeutique.
Les écrits de cet article sont la propriété intellectuelle de Muriel Launois et n'engagent qu'elle.
Il est possible d'utiliser tout ou partie des élaborations proposées, en citant vos sources.
Merci d'avance d'en respecter l'esprit. (article datant de 2008)
|
|