(Suite de l'article)
En conclusion, je dirais que je trouve dans une phrase de R. Kaës, la justification de la structure que j’ai choisie pour l’atelier, de passage du groupal à l’individu. « Le passage du « on » (ou du « groupe ») au « nous » est toujours lié à l’émergence des fantasmes inconscients secondaires élaborés en rêveries mythopoétiques.
"Corrélativement à l’utilisation du pronom « nous », un travail de personnalisation des membres du groupe a pu s’effectuer" .
Ces rêveries mythopoétiques s’inscrivent, lors du premier temps de création groupale, dans des associations d’idées, des histoires qui prennent corps, forme et surtout sens, dans des associations croisées, multiples, souvent trop riches pour être véritablement décryptées. Ces rêveries sur ce qui peut ne sembler que des gribouillages enfantins, permettent des étayages pour rebondir ensuite vers des expériences personnelles constructives et sources d’élaborations, même si parfois la dimension du symbolique semble plus proche d’une attente de la puissance magique d’un symbole ou d’une expérience réparatrice.
Dans cet atelier, l’utilisation du groupal vient donc s’inscrire comme la trame de fond de l’individuation de chacun. Cette individuation est plus ou moins possible et, parfois, certains patients demeurent dans un collage à d’autres, réalisant le même projet que le voisin ou la voisine, investi d’un rôle d’étayage. Il n’est pas toujours si aisé que cela, pour ces patients, de se définir dans un véritable projet personnel, distingué de celui des autres, tirant son origine du soi profond et pas du moi social ou d’un idéal du moi.
L’écriture de ce texte m’a permis de conforter mes choix thérapeutiques, bien souvent intuitifs ou expérimentaux, et de les relier à des concepts psycho-dynamiques. Il n’en demeure pas moins que cette proposition vient s’inscrire comme une toute petite goutte d’eau dans un parcours long et chaotique. Le type d’expériences proposées mériterait du temps et de la répétition pour déployer tout l’intérêt thérapeutique du groupal comme moyen d’aller vers l’individuation et surtout pour qu’un véritable changement psychique puisse se faire. « Nous » ne faisons souvent qu’effleurer le « Je » dans ces rêveries et gribouillages ludiques, juste le temps d’un petit jeu.
Et je laisse la parole à l’un de mes patients pour achever ce texte: « C’est incroyable tout ce que l’on peut trouver à voir et à dire sur ce qui ne représentait rien au départ ! ».
Les écrits de cet article sont la propriété intellectuelle Muriel Launois et n'engagent qu'elle.
Il est paru dans : Clinique et médiation (Regards croisés sur les médiations thérapeutiques)
Ouvrage de groupe, sous la direction de Florence Klein, préface de Pierre Delion, L'Harmattan, Paris, Août 2016
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