Il faut bien distinguer la fonction de symbolisation, consistant à être dans l'ordre de la loi, du langage, et le symbole.Le symbole se présente comme une image mentale permettant de représenter un objet. Il permet d’imaginer l’objet en son absence et de relier cet objet au mot qui le signifie, le représente. Ce mot (et sa représentation mentale) peut donc venir en lieu et place de cet objet pour le représenter, le symboliser.Le symbole permet donc de relier et de représenter. La fonction symbolique est celle qui permet à l’humain de relier réalité et imaginaire d'une façon commune à tout les individus d'une même société et culture. Symboliser, c'est certes la possibilité d’utiliser et de comprendre les symboles, mais C'est surtout la capacité à élaborer psychiquement les éléments intra-psychiques, à pouvoir les mettre en lien et leur donner du sens. Cette fonction de symbolisation et d'élaboration nécessite des capacités d'introspection et se révèle rarement accessible aux personnes schizophrènes.
Le processus de symbolisation est l'un des processus qui signe la dimension psycho thérapeutique d'un atelier. Elle est l’aboutissement de tout le travail proposé. Elle consiste à rendre à la personne ses capacités de mise en lien et ses capacités d'élaboration psychique, de représentation symbolique d'une situation, d'un sentiment, d'un élément psychique et d'en avoir une plus grande conscience. La fonction de symbolisation d'un ou d'une patiente nécessite la plupart du temps, de s'appuyer sur celle du ou de la thérapeute.(Voir fonction symbolisante dans les processus thérapeutiques en ergothérapie).
Le corps symboliqueCes notions de symboles et de fonction symbolique sont souvent confondues, surtout en ce qui concerne la dimension symbolique du corps. Des représentations différentes du corps existent selon les cultures et les croyances. Il est important de les connaître, savoir lesquelles proposer ou non. Existe-t-il des images universelles du corps, de la circulation d’énergie ? Cette démarche de recherche, de bibliographie mais surtout d’expérimentation personnelle de techniques issues de différentes cultures, peut favoriser une réflexion autour de ce domaine si vaste et si riche. Encore une fois, il ne s’agit pas d’accéder à une pseudo vérité plus juste dans une théorie que dans une autre, que de se mettre à l’écoute de la façon dont d’autres ont pu faire l’effort de relier et de mettre du sens. Aucun sens ne peut venir d’une théorie extérieure si elle n’est pas expérimentée intimement et explorée corporellement.
La conception symbolique du corps dont est porteuse la thérapeute est perceptible pour le patient, de diverses manières, plus ou moins conscientes. Il est donc important d'avoir des références mais aussi de se forger, de façon didactique, sa propre expérience en termes de corps et d'expériences symboliques possibles. Ensuite, il est alors possible d'inviter les personnes à faire des expériences visant à découvrir cette dimension. Il ne s'agit donc pas d'imposer au sujet sa propre lecture symbolique et signifiante du corps, mais de permettre à la personne d'expérimenter sa propre capacité à mettre en lien corps et esprit. Le simple fait que celle-ci existe, est garant du fait que le sujet pourra approcher de cette dimension de mise en liens signifiantes.
Un exemple nous est donné par la conception symbolique du corps dans la médecin chinoise , l'acupuncture. La perception asiatique de la circulation d'énergie vient s'inscrire comme une métaphore de l'énergie psychique. Cette circulation énergétique, inscrite dans des méridiens d'acupuncture, est donc pour eux, prévisible, déterminée et organisée dans un circuit énergétique largement décrit dans les techniques d'acupuncture. Au delà du fait de savoir si cela est vrai ou non, existe ou non, la dimension métaphorique de la nécessité de "faire circuler l'énergie" nous intéresse. Il n'en reste pas moins qu'indiquer où et comment circulerait cette énergie n'a pas d’intérêt dans un service de psychiatrie. Nous entrons là dans le domaine de la croyance et non plus de l'expérimentation personnelle. Proposer aux personnes d'interroger leur ressenti, leur intuition pour se demander comment eux ressentent la circulation de l'énergie en eux-même, devient une source de découverte de la fonction de symbolisation.
Pour aller plus loin : CG.JUNG : " L’homme et ses symboles ".
Une loi universelleLes symboles peuvent donc se révéler variables d’une culture à l'autre, d'une société à l'autre et ne pas signifier la même chose. Ainsi le blanc, couleur de pureté dans nos sociétés, devient couleur du deuil en Inde.Mais l'acte de symbolisation, cette capacité est elle, universelle.
Symboliser est l'acte essentiellement fondateur de la psyché humaine et donc la marque de l'humain. C’est la signature de notre possibilité d'être pris dans les filets d'un langage codé commun. Le processus de symbolisation est donc un acte , lié à l’existence de la loi. La fonction symbolique ne peut exister pour un être humain que si, en temps voulu, une loi claire a été posée. Tout cadre thérapeutique doit être lui aussi un espace marqué par la loi, garant de l’existence d’une loi à laquelle nous sommes tous soumis. Les sujets psychotiques, n'ont pas le même système de référence que nous pour analyser, comprendre et intégrer des situations qui devraient, en principe, être reconnues de façon similaire par l'ensemble des humains.
"La loi, quel que soit le système de ses énoncés, dit au sujet: c'est là qu'il y a de l'interdit, sans quoi tu serais fou, tu ne pourrais pas parler". (Freud).
Un cadre thérapeutique vient s’inscrire comme un lieu où la parole est opérante. Thérapeute et patient sont invités à mettre les événements en parole, à leur donner du sens et à respecter la parole posée. Le cadre, dans sa dimension symbolique, souligne l’existence nécessaire de la loi à laquelle chacun est soumis, en tant que sujet inscrit dans une structure familiale et sociale. Un ensemble de règles, de consensus communs, de références possibles, sont issues de cette nécessité. Et surtout, lorsqu’une parole est posée, la thérapeute est garante du fait qu’elle soit respectée, tant de son côté, que du côté du patient à qui il faut, parfois, rappeler cette parole qu’il a pu poser.
Le lien entre le corps et l’espritEn fait, quel que soit le fantasme ou la réalité qui sont à l’œuvre, c'est la notion de mise en lien qui est fondamentale. Une séance de relaxation " idéale " devrait permettre à la personne de lier l’énergie physique et psychique qui ont pu être mobilisées, découvertes lors des auto-massages, du réveil de l’imaginaire et du temps musical.
Cette insistance sur la nécessité du lien corps et esprit concerne aussi bien les personnes psychotiques morcelées, que les jeunes filles anorexiques éthérées, les personnes obsessionnelles centrées sur leur processus mental, les personnes état-limites qui agressent leur propre corps, les personnes hystériques qui détournent leur libido, ou les personnes déprimées qui vivent une anesthésie affective et une anhédonie. Toutefois certains atteindront la conscience et l’autonomie, d’autres (psychose) demanderont un travail d’étayage plus vigoureux, soutenu et long, voir n’atteindront pas cette conscience du lien corps et esprit.
A toutes ces personnes la relaxation va permettre d'expérimenter leur propre façon de relier ou non, leur corps et leur esprit. Ces découvertes doivent être nommées, mises en mot pour qu'elles puissent faire effet de sens et de transformation. C'est la responsabilité du ou de la thérapeute, de favoriser cette mise en mots par de simples questions: "Comment cela se passe t'il entre votre corps et votre esprit? Les pensées sont-elles très présentes? Avez-vous cesser de penser? Pouvez-vous garder votre présence dans vos sensations du moment? Vous êtes-vous sentis présents à vous-même? " etc.... Cette mise en lien est nécessaire pour que la fonction de symbolisation puisse être réactivée, éveillée, utilisée.
Selon les personnes, ce processus pourra être plus ou moins actif et conscient: Névrose, anorexie, dépression, état limites. Pour certaines de ces personnes le processus sera le prolongement de l'introspection et pourra pour d'autres demeurer plus inconscient (dans la création par exemple). Dans le cas de la psychose elle sera plus ou moins absente et inefficace . Dans ce dernier cas, c'est l'ergothérapeute qui devra assurer un étayage de cette fonction par ses intentions thérapeutiques de mise en liens (dedans dehors, représentations extérieures médiatisées et pulsions internes).
Dans des ateliers à médiation, la dimension symbolique se déroule, en apparence, sur une scène extérieure et concrète, là où vont se jouer ou se rejouer ce qui se passe au dedans de l'être. Il s'agit d'une scène réelle et matérialisée, comme celle de la feuille blanche, une scène de théâtre ou de marionnette, une mise en représentation graphique, une exposition...Autant de scènes extérieures potentielles, d'aire intermédiaires et de jeu où vont pouvoir se projeter les représentations issues de l' imaginaire intérieure tels les rêves, les associations d'idées, les imageries mentales, etc...Bien sûr cela est possible pour les patients dont l'espace intérieur est acquis, conscient et pour qui l'espace transitionnel est devenu un espace de jeu et de création.
Dans le cadre des techniques corporelles, le réveil de la fonction symbolique est important et se situe sur une scène intérieure. La projection n’est donc pas concrétisée dans une matière, un objet. La fonction de symbolisation est mise en route par l’éveil de la dimension sensorielle, pulsionnelle de l’être, puis canalisée, organisée dans des métaphores, mise en représentations, en formes. Enfin, elle trouve son élaboration dans la mise en mots, dans la conscience de la signification grâce à l’introspection.
Il ne s’agit pas de s’y substituer, ou de l’étayer en permanence, mais de lui permettre de retrouver sa place dans la vie de la personne. C'est cette dimension qui permet de déployer l'efficacité de cette thérapie, au-delà d'un bien être déjà fort appréciable ou de simples images agréables. La fonction de symbolisation nécessite, du côté du patient, des capacités d'introspection et de liaison de l'énergie psychique, et du côté de l'ergothérapeute la conscience et l'utilisation des métaphores proposées par la technique, les exercices, les mots, etc….(voir inductions métaphoriques )
L’objectif thérapeutique principal vise donc à une élaboration progressive des vécus psychosomatiques, qu’ils soient émergences pulsionnelles, simples troubles fonctionnels, troubles somatoformes , ou véritables symptômes psychosomatiques. Les délires hypocondriaques, eux, résistent à ce type de travail. Cette élaboration est rare, en fait, dans le cadre même de l'atelier En effet, elle nécessiterait que des images émergent, en lien avec des symptômes et soient reconnues comme signifiantes de ces symptômes, en lien avec l'histoire de la personne. Et pour cela il faut des capacités d'élaboration psychique mais aussi du temps et, en milieu intra-hospitalier, ce temps n'est pas toujours suffisant.
Il serait plus juste de parler d'émergences possibles d'images, encore vaguement reliées entre elles ou aux sensations corporelles. Des images s'inscrivent, se disent, se nomment. Elles viennent un peu à la façon du rêve, riches ou pauvres, positives ou non, et peuvent être décrites plus ou moins facilement. . Le plus souvent, il est possible de parler d’un niveau de tensions musculaires moindres, d’un sentiment de détente globale, d’une découverte du lâcher prise, d’une meilleure conscience de soi. L’élaboration psychique des vécus psychosomatiques demeure donc souvent un horizon thérapeutique à atteindre…..
Des exemples en thérapie
Les écrits de ce site sont la propriété intellectuelle de sa créatrice, Muriel Launois et n'engagent qu'elle. (article datant de 2016)
Il est possible d'utiliser tout ou partie des élaborations proposées, en citant vos sources.
Merci d'avance d'en respecter l'esprit.
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