David Foenkinos
"La tête de l'emploi"
Ed J'ai lu
Un jour, mes parents ont eu l'étrange idée de faire un enfant : moi.
Je ne suis pas certain de saisir leur motivations. Il est d'ailleurs possible qu'ils ne la connaissent pas eux-mêmes. Peut-être ont-ils fait un enfant un peu pour faire comme tout le monde. Je ressens encore en moi les vibrations de mes premières années, où j'étais assis au milieu du salon comme une improbable boule humaine. Mes parents me touchaient du bout des doigts, et m'embrassait du bout des lèvres. Il y avait comme une distance de sécurité entre nous, on aurait dit qu'ils avaient peur de m'aimer. …
J'en rajoute sûrement un peu. C'est toujours le cas, non ?
Je n'ai jamais rencontré quiconque qui soit capable de parler de ses parents de manière posée, honnête et juste. ...
D'emblée, notre histoire a mal commencé : ils ont décidé de m’appeler Bernard. Enfin, c'est un prénom sympathique. Au cours de ma vie, j'ai croisé quelques spécimens bernardiens, et j'en conserve plutôt un bon souvenir. Avec un Bernard on peut passer une bonne soirée. Le Bernard impose une sorte de familiarité tacite, pour ne pas dire immédiate. On a pas peur de taper dans le dos d'un Bernard. Je pourrais me réjouir de porter un prénom qui est une véritable propagande pour se faire des amis. Mais non. … Avec le temps j'ai saisi la sournoiserie de mon prénom ; il contient la possibilité du précipice. Comment dire ? En somme, je ne trouve pas que ce soit un prénom gagnant. Dans cette identité qui est la mienne, j'ai toujours ressenti le compte à rebours de l'échec. Certains prénoms sont comme la bande-annonce du destin de ceux qui le portent. A la limite, Bernard pouvait être un film comique. En tout cas, avec un tel prénom, je n'allais pas révolutionner l' humanité.
… Choisir un prénom est difficile. Il ne s'agit pas non plus de mettre le paquet dans le sens inverse. Je suis toujours stupéfait qu'on appelle un enfant Ulysse ; imaginez si le pauvre se retrouve timoré à la vue de son ombre. Et bien sûr, il est toujours un peu risqué d'appeler sa fille Marilyn ou Lolita.C'est le genre de prénom qui ne laisse pas vraiment le choix ; on doit avoir la sensualité dans les veines.
Ainsi je n'ai pas à me plaindre.
David Foenkinos, La tête de l'emploi, Ed J'ai lu
Un jour, mes parents ont eu l'étrange idée de faire un enfant : moi.
Je ne suis pas certains de saisir leur motivation. Il est d'ailleurs possible qu'ils ne la connaissent pas eux-mêmes.
Peut-être
Je ressens encore en moi les vibrations de mes premières années, où
Mes parents me
Il y avait
D'emblée, notre histoire a commencé : Ils ont décidé de m’appeler
Enfin, c'est un prénom
Avec un on peut
Le impose
j'ai toujours ressenti
A la limite, pouvait être un film
En tout cas, avec un tel prénom,