R.Roussillon met en évidence que toutes ces qualités ne s’explorent que par l’utilisation de la pâte à modeler. Cette matière va en effet, permettre à la personne de pouvoir explorer ses capacités à mettre en formes, en représentations et à recommencer encore et encore. Mais cette matière est souvent liée au monde de l'enfance et, dans un atelier, il reste parfois difficile de le proposer. L'argile est un médium partiellement malléable, (voir argile et médium malléable) proche de la pâte à modeler.
L'argile est une matière présentant une certaine solidité, une consistance particulière et qui propose aussi différentes couleurs et textures. Sa disponibilité inconditionnelle dépend de notre capacité à offrir le médium et à assurer sa présence dans l’atelier. En termes de prévisibilité, il faut savoir que la texture et la malléabilité changent selon l’humidité et donc, cette prévisibilité est possible, une fois que l’on connait ses modifications suivant le type d'argile, les conditions de travail, les temps de séchage. Une certaine technicité est donc nécessaire, avant de pouvoir prévoir ce qui va se passer avec la terre. Et malgré cela, des surprises sont toujours possibles.
En termes de permanence de la matière (qui précède celle de l’objet), l'argile est répondante partiellement à ce critère, car si trop d'eau est ajoutée, la dilution provoque la liquéfaction de la terre, et donc sa disparition potentielle, ne renvoyant donc plus une image de sécurité et de permanence. La cuisson va permettre de fixer l'objet et donc de lui redonner une certaine permanence, mais au risque toujours présent d'un éclatement dans le four, potentiellement source de désagréments pour certains et d'angoisse de morcellement pour d'autres. L'argile n'a donc pas autant de possibilités de résistance à la destructivité. L'argile supporte toutefois, d’être pétrie, malaxée, frappée, etc… et de survivre aux cicatrices qui peuvent y être faites.
Elle est souple et très facilement transformable, même si ce n'est pas toujours comme nous pourrions le souhaiter...Elle se travaille avec ou sans outils et permet une variété infinie de formes: en plein ou en creux, petites ou grandes, à plat ou en volume, contenantes, humaines, animales, etc...Il est très facile d'y laisser sa trace et son empreinte, presque digitale, comme en témoigne les nombreuses mains et pieds que l'on propose de conserver comme souvenirs des bébés ou des enfants. Elle est donc sensible et réceptive de toutes les traces qu'il est possible d'y déposer, avec une tendance fréquente à inciter les personnes à explorer cette dimension de réceptivité au sens du creux et du contenant. Bon nombre de vases, cruches, cendriers et autres contenants divers, témoignent de cette tendance naturelle de l'humain à se nicher dans un creux...
Il ne s'agit donc pas de proposer un atelier de poterie avec un apprentissage technique, mais d'ouvrir une aire de rencontre créative. L'argile va permettre à des patients, d'entrer dans un voyage créatif, relié à des découvertes psycho-corporelles, identitaires et symboliques. (voir expériences signifiantes). Le toucher va engager tout le corps et pas simplement les doigts ou la main, et va permettre à la personne, de se relier à ses sensations, de les éveiller, de les retrouver. Il est question de laisser notre empreinte dans ce médium souple et accueillant. Pétrir, masser, modeler, taper, lisser, creuser, colmater, réparer, aplatir sont autant d'expériences sensorielles, mais aussi gestuelles et signifiantes. Lorsqu'une personne entre en contact avec la terre avec douceur ou avec violence, elle ne nous dit pas les mêmes choses et ne se dit pas les mêmes choses à elle non plus.
L’argile est la matière qui est la plus proche du corps humain, comme une matière qui informe dans un corps à corps, parfois source de confusion. Et c'est pourquoi cette matière va se révéler privilégiée pour entrer en travail autour du Moi-peau, concept développé par D. Anzieu, psychanalyste. Il évoque le fantasme de peau commune, au départ, entre la mère et l’enfant. Ce fantasme peut être très facilement réactivé par une matière telle que la terre, qui colle à la peau de celui ou celle qui la travaille. Il suffit de voir comment certains patients se tartinent les mains de terre, fascinés par cette texture, par le séchage qui durcit la terre et assèche la peau elle-même. les fantasmes de peau commune, mais aussi de peau arrachée, quand l'argile confondue à cette peau, s'en va par petits morceaux secs ou par une dilution aquatique peuvent ainsi être sous-jacents à des manipulations de la terre.
Symbolisation primaire et secondaire