(Suite de l'article)
En conclusion, nous pouvons dire que dans un atelier d'ergothérapie se déploie tout un jeu de passages entre des dedans et des dehors. Ce jeu, à la différence des thérapies verbales, s'inscrit de façon tout à fait concrète et lisible dans la réalité des objets, des matériaux, des lieux de soins, etc…. Ces passages dans l'entre-deux sont des témoignages de ce qui se situe avant tout, dans l'espace intérieur du sujet. La trace extérieure est un témoignage de la trace psychique.
La notion d'espace transitionnel de Winnicott permet de rendre compte de ces oscillations entre dedans et dehors en imaginant un espace virtuel où se jouent toutes les situations vécues par l'enfant et qu'il nomme phénomènes transitionnels (gazouillis, jeux avec les objets, utilisation des doudous, etc….). Pour Winnicott, cet espace n'est ni tout à fait du dedans, ni tout à fait du dehors. Il maintient tout à la fois reliés et séparés, le dedans et le dehors.
L'atelier d'ergothérapie n'est donc pas un espace transitionnel, au sens strict de la définition de Winnicott puisqu'il ne se situe pas à l'époque de l'enfance, mais il peut être qualifié d'espace intermédiaire qui fait suffisamment écho à cet espace transitionnel pour que nous puissions nous appuyer sur l'élaboration de ce psychanalyste. Le risque fantasmatique lié à cette référence est d'aller du côté d'un fantasme réparateur d'un manque de "maternel". Il est donc important de ne pas assurer un étayage excessif ou de céder à l'illusion d'être la bonne mère nourricière…
D'autres auteurs peuvent nous aider dans notre processus de réflexion. D.Anzieux peut nous donner à penser, en ce qui concerne la fonction contenante et ses aléas, ainsi que la nécessité de la soutenir. Abraham et Torok, eux, nous donnent comme perspective qu'à tout moment, le processus d'introjection qui a pu être bloqué, peut être relancé, même pour une personne adulte.
En ce qui concerne les personnes psychotiques, il est probablement illusoire de vouloir réparer un espace transitionnel, qui a été perturbé, mal acquis ou non acquis en temps utile. Il est sûrement plus juste de parler d'étayage nécessaire et ceci en termes d'années car dans le cas de la psychose, il se passe beaucoup de temps avant qu'une évolution, parfois subtile, dans le positionnement en tant que sujet, ne puisse émerger. C'est avant tout l'expérimentation possible d'un "bon dedans", quel qu'il soit, (espace intérieur personnel, hôpital, salle d'ergothérapie, etc….) se fermant, s'ouvrant et se reliant avec un dehors fait de principe de réalité, d'éléments à gérer de diverses manières, qui va permettre à des patients psychotiques ou dépressifs, de pouvoir introjecter en eux, des éléments positifs et non pas persécutifs ou négatifs. Ce "bon dedans" devient alors le support d'une métaphore du dedans du patient.
C'est tout "l'art" de permettre à des personnes, et surtout à des personnes psychotiques, de vivre et re-vivre des expériences transitionnelles réparatrices, d'introjecter des éléments positifs et de retrouver une fonction contenante un peu plus efficiente. C'est sans doute à cette condition que des possibilités d'intégration dans la cité et la société pourront être retrouvées.
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