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Méditations personnelles
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2005: Dedans-dehors
Dedans et dehors de soi-même
(Suite de l'article)
Une boite
pour être dedans
ou dehors
Une identité
Un mystère
Espace psychique
Différents psychanalystes donnent des
éclairages sur diverses facettes de l'élaboration du moi
et de ses intrications avec la réalité extérieure.
Abraham et Torok développent un véritable système d'emboitements. (Biblio 1, page 217)Ils décrivent ainsi, un système de noyaux et d'enveloppes intérieurs qui se déploient dans le sujet même, (conscient, inconscient, somatique, psychique, noyau archaïque) et entre lesquels des passages peuvent exister, dans une interface qui se tourne alternativement vers le dehors et le dedans. Ils insistent plus particulièrement, sur les processus de projection et d'introjection, les deux principaux mouvements psychiques entre dedans et dehors.
D.Anzieux , lui, développe la théorie du moi-peau, utilisant la peau comme métaphore du contenant psychique. (Biblio 2). Il élabore une théorie autour des différentes qualités de ce moi-peau. Il insiste alors sur la fonction contenante. Si elle est efficiente, la personne aura le sentiment d'être un individu différencié des autres, possédant un contenant, une enveloppe psychique et des contenus qui sont ressentis comme lui appartenant en propre.
Winnicott insiste sur le fait que pour posséder un espace psychique, un vécu d'un espace intérieur personnel et différencié d'autrui, il faut avoir intégré les notions de moi et de non moi. Il développe la notion d'espace transitionnel où se déroulent les expériences qui permettent de maintenir à la fois reliés et séparés, l'espace interne et l'espace externe. (Biblio 5).
Enfin, il faut aussi considérer la fonction de symbolisation. Si elle est efficiente, les contenus psychiques, (pensées, souvenirs, fantasmes, sensations, sentiments, désirs conscients et inconscients), pourront être reliés entre eux, avoir du sens et être parlés. Cette fonction de symbolisation s'appuie sur les capacités d'introspection du sujet.
Les personnes dépressives o
nt un espace intérieur dans lequel des sentiments de vide, de tristesse, de dévalorisation sont prégnants. Le lien entre dedans et dehors est cohérent, mais souvent l'expression de l'espace intérieur est vécue comme négatif, dévalorisé, mauvais et la solution est attendue du dehors, des autres, des thérapeutes, des médicaments. La fonction contenante est efficace, au sens d'une distinction du moi et du non moi. La fonction symbolique est efficiente, par contre, l'énergie psychique devient négative et les liens établis entre les contenus psychiques ont un sens unilatéral et une interprétation négative. L'extérieur est vécu également comme négatif. Il ne peut plus être considéré comme un espace à créer et re-créer sans cesse, grâce aux capacités du sujet à agir sur la réalité (dans une certaine mesure) et à sa façon de percevoir le monde.
Les personnes état-limites,
quant à elles, présentent un clivage entre bon et mauvais objet. La personne se sent exister, mais elle ne peut pas intégrer en elle les mauvais aspects de sa personnalité, qu’elle attribue à des personnes extérieures. Pour ces personnes le lien dedans-dehors existe, mais le clivage entre bon et mauvais peut provoquer des distorsions entre perception du dedans et du dehors. D.Anzieux donne une métaphore pour tenter d'expliquer les dysfonctionnements du psychisme de ces personnes. A l'instar du ruban de Möbius (figure mathématique matérialisée par une simple languette de papier à qui l'on imprime une torsion et que l'on colle ensuite, en une sorte de torsade, comme un huit, qui n'a plus qu'une seule face sur laquelle il est possible de tourner à l'infini), la facette interne du psychisme de ces personne peut se retourner, à tout moment, vers le dehors et inversement. La fonction contenante est perturbée, au sens où les pulsions peuvent mettre en cause la notion de frontière corporelle et psychique. La fonction symbolique a également du mal à être efficiente au sens où l'acte se substitue à la parole.
Pour les personnes psychotiques,
le sentiment de distinction dedans et dehors, la perception du moi et du non moi, sont par contre, gravement perturbés. Pour ces personnes le dedans n’existe pas en tant que tel, et le dehors est constitué par une néo-réalité, c'est à dire une réalité re-créée par le patient lui-même et traversée par son délire, ses fantasmes et ses perceptions faussées. Pour ces personnes, c’est donc l’existence même du lien dedans-dehors qui est en cause, par confusion dedans et dehors. C'est la fonction contenante du psychisme qui est là perturbée en priorité, et de là découlent des difficultés dans la fonction de symbolisation. La représentation imaginaire n'est pas toujours liée de façon adéquate à la mise en mots. La fonction de symbolisation n'est donc pas efficiente.
Réalité extérieure
Ce qui se trouve au dehors de la personne est constituée par la réalité ambiante. Cette fameuse réalité n'est pas perçue par tout le monde de la même façon. Elle est donc un élément subjectif. Elle est constituée des objets et personnes qui nous entourent, des lieux et des espaces différents. Chacun la percevra selon son cadre de référence personnel, sa culture, son ethnie, son âge, sa structure mentale. Il existe en effet, des créations de néo-réalités dans la psychose, etc. Les relations sociales font partie du champ de la réalité extérieure et posent la question du mode de relation à autrui (attitudes diverses), à un groupe (dynamique de groupe, intégration, place), à la société (intégration, transgression, adaptation).
Projection et introjection
Il existe deux grands mouvements psychiques allant du dedans vers le dehors, la projection et du dehors vers le dedans, l'introjection.
A tout moment, il y a
une projection
hors de soi de dimensions psychiques conscientes et inconscientes, une mise au dehors d’éléments psychiques internes, soit par la parole, par la médiation artistique ou, de façon moins élaborée, par le passage à l’acte. Cette projection est un mouvement centrifuge, commun à tout le monde et que l’on ne peut empêcher. (A distinguer de la projection pathologique dans la paranoïa. Certains patients reconnaissent ces éléments psychiques comme venant du dedans d'eux-mêmes, d'autres pas (psychose).
A l'inverse,
l'introjection est le mouvement d'appropriation de qualités d'objets d'amour extérieurs
. C'est assimiler, au sens d'une digestion métaphorique, une modalité relationnelle, une façon d'être, une qualité, une pensée pour les intégrer en soi et pouvoir en être élargi. "Il s'agit d'étendre au monde extérieur les intérêts primitivement auto-érotiques, en incluant les objets du monde extérieur dans le soi". (Biblio 1 page 235, citation de Ferenczi). "Introjecter un désir, une douleur, une situation, c'est les faire passer par le langage dans une communion de bouches vides (les mots de la bouche viennent combler le vide du sujet) .C'est ainsi que l'absorption alimentaire, au propre, devient l'introjection au figuré." (Biblio 1 page 263). Les personnes psychotiques n'ont pas accès à ce processus psychique qui permet de faire sien des éléments du dehors. Pour eux le processus devient un processus pathologique d'incorporation. L'élément extérieur devient comme un corps étranger, non assimilable par le psychisme de la personne. "Les mots ne viennent pas combler le vide du sujet donc celui-ci y introduit quelque chose d'imaginaire (nourriture imaginaire ou réelle) " (Biblio 1 page 264)
Samba ou le dehors qui va dedans…..
Ces notions de projection et d'introjection vont nous être illustrées par un bref éclairage sur l'histoire de Samba, un jeune patient psychotique, sorti d'une peine de détention pour hold up. Il est hospitalisé en secteur fermé dans le service de psychiatrie et il est très difficile d'entrer en relation avec lui du fait de sa schizophrénie, de son repli sur lui et de sa méfiance.
Un espace de détente est proposé par une ergothérapeute, deux fois par semaine, dans ce secteur. C'est un cadre souple et ouvert, y compris la porte, tolérant les divagations des personnes en chaos psychotique, tout en assurant un sentiment de continuité par la présence de l'ergothérapeute, l'installation toujours identique de l'espace, les horaires réguliers et par la musique, utilisée en un fond sonore contenant. Du matériel de dessin est laissé dans l'espace, qui reste ouvert en dehors de la présence de l'ergothérapeute. Des mandalas, dessins géométriques en cercle, très structurés, (de type rosace avec des motifs pré-dessinés et des rythmes réguliers, répétitifs) sont également proposés.
Lors d'une séance, Samba parle des mandalas:
"Cela me fait du bien et quand je dessine, je vais dedans".
La dimension de la projection est intuitivement perçue par Samba qui peut la nommer, mais qui la vit en tout ou rien. Les mandalas de Samba sont chaotiques, flous, brouillés, coloriés de façon asymétrique, inachevés et dispersés dans la salle, sa chambre et d'autres lieux. Pourtant, progressivement, il semble distinguer l'existence des traits et cesser de mélanger le dedans et le dehors du dessin. Il semble aussi distinguer mieux le rythme induit par le mandala et mieux respecter la structure.
L'un de ses dessins amène une autre constatation. Dans son discours, il parle d'aller dans le mandala, mais lorsque l'on voit son dessin où c'est le corps du personnage qui est étayé, représenté par un mandala, on peut se demander si ce n'est pas plutôt la structure du mandala qui est venue, au-dedans, organiser "quelque chose", amener un rythme, poser des éléments de stabilité.
L'intérêt de l'utilisation des mandalas continue de se confirmer, tant auprès des personnes psychotiques qui se sentent contenues, organisées, cadrées, que par d'autres personnes qui décrivent que de telles structures les rassurent, les aident, leur permettent d'oublier leurs soucis pour un temps.
Les mandalas s'offrent donc comme des structures contenantes,
organisées, pouvant être introjectées au-dedans de la personne. Toutefois, ce n'est pas de façon magique que cette introjection peut avoir lieu, mais dans le cadre d'une relation thérapeutique, où le mandala est donné comme nourriture métaphorique et vient s'inscrire comme tiers dans la relation
Le doudou revisité……
Les notions de dedans et de dehors de soi-même peuvent également être découverts lors de séance de techniques corporelles. Un médiateur particulier va nous offrir un éclairage étonnant: c'est le tissu, médiateur souple qui ne demande pas, dans ce cas, de transformation réelle, mais une métamorphose imaginaire. Grâce au tissu, les souvenirs sont aisés, fréquents et les visualisations plus faciles. Les images et souvenirs des doudous enfantins demeurent les plus fréquents et certains patients sont littéralement accrochés au tissu, souvenir d'un des premiers objets intermédiaires.
Une séance d'auto-massage est proposée à 5 personnes hospitalisées. A la suite de cette séance, une proposition est faite":
Choisissez un tissu qui vous inspire, qui vous plaise,
soit du fait de sa texture ou de sa couleur". En position de relaxation, des métamorphoses imaginaires sont alors proposées (visualisation de la couleur du tissu, visualisation d'un vêtement réalisé avec ce tissu, métamorphoses diverses en objets, animal, personnages, etc…). Un temps de relaxation musicale puis un temps de parole viennent achever la séance.
Maryse, une femme de 58 ans, présente un état dépressif réactionnel, suite au deuil récent de son mari. Elle se présente en relaxation, toujours de la même façon, enveloppée dans un châle et se plaignant du froid. La séance d'auto-massage se révèle particulièrement agréable pour elle, en termes de chaleur. Elle choisit du tulle orange et évoque des images de voile de mariée, de moustiquaire sur un berceau, de tutu de danse pour une petite fille. Elle est souriante, ce qui est rare. L'ergothérapeute note, que le tissu, même s'il est chaleureux par sa couleur, demeure fragile, fin et percé de très petits trous. Cette image d'une enveloppe de tissu fragile associée aux sentiments de froid ressentis par la patiente, ainsi qu'à sa présentation, enveloppée dans un châle avec les mains cachées dessous, viennent proposer une image métaphorique à l'ergothérapeute d'une peau qui manque singulièrement d'efficacité.
Cette métaphore va lui permettre d'être vigilante lors des prochaines séances en ce qui concerne les notions de sécurité, de chaleur et d'enveloppe, afin de permettre à Maryse de retrouver sa capacité personnelle à se défendre et à se sentir "bien dans sa peau". Cette perception peut être une base de travail pour l'ergothérapeute ou donner lieu à une reformulation à la personne, pour qu'elle puisse passer cet élément par sa conscience et se l'approprier, s'il est juste pour elle. L'intérêt de l'utilisation du tissu est donc d'
offrir une surface de représentation
aux fantasmes psychiques centrés essentiellement autour de la peau, la limite, l'enveloppe, le visible et le caché. L'objet devient intermédiaire entre dedans et dehors de soi-même.
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