Il était une fois, une petite fille sage et gentille, qui vivait sagement avec ses parents. Un jour que sa mère l'avait emmenée au marché du village, la petite était restée en admiration devant l'étal d'un marchand de bricoles. La mère, étonnée que la petite main de sa fille, tout à coup, ne soit plus dans la sienne, s'était retournée et avait découverte alors, le spectacle de sa fille. Elle semblait fascinée par une poupée de bois, pleine de couleurs et souriante.
La petite fille avait alors demandé à sa mère si elle pourrait lui acheter cette poupée. La mère avait tout d'abord hésité, car elle, elle ne la trouvait pas très jolie cette poupée: "Regarde, elle n'a pas de bras, ni de pied! Et même elle me semble cassée, regarde il y a une ligne au milieu de son corps rond, il y a une faille, une fragilité". Le vendeur avait alors rétorqué à la mère que c'était une poupée russe, mais visiblement elle ne sembla guère émue de cette remarque. "Russe ou pas russe, elle est cassée, je vous dis".
La petite fille par contre, s'était alors imaginé tout un tas d'images autour des steppes infinies, de chevaux galopant dans un mélange de sabots et de crinières, de glace, de neige et de princesses emmitouflées. Peu lui importait la réalité de la poupée tant son imaginaire l'avait déjà peuplée de rêves. Le vendeur n'eut pas le temps d'expliquer à la mère ce qu'était une poupée russe car la petite fille annonça qu'il lui importait peu qu'elle soit cassée ou pas. La mère céda à sa demande en demandant un rabais au vendeur, qui le concéda de mauvaise grâce, tout incapable qu'il était de montrer en quoi la poupée consistait car la petite ne la lâchait déjà plus des mains.
Et la poupée fut emportée, précieusement.
Revenue chez elle, la petite se mit à jouer avec elle, lui prêtant idées et souvenirs, la cajolant et l'admirant. Elle aimait tout particulièrement les couleurs et les volutes qui ornaient sa surface.Elle suivit alors, avec son doigt, la ligne qui semblait séparer en deux la poupée. Une fêlure? Non c'était trop régulier. Une fissure? Non, cela parcourait tout le corps de la poupée.
Et la poupée s'ouvrit...C'est alors que la petite découvrit ce qu'était une poupée russe! Mieux encore, d'autres poupées se trouvaient dedans, chacune plus petite que l'autre, chacune cachée dans l'autre comme un secret. L'enfant hésitait entre la fébrilité de découvrir la prochaine surprise d'une poupée toujours différente et le désir de savourer lentement toutes ces découvertes.
La dernière petite poupée se révéla alors...Et il sembla à l'enfant qu'elle avait un petit sourire un peu triste...L’enfant fut tentée de courir montrer tout cela à sa mère, mais finalement garda le secret de la poupée. Chaque soir, elle allait au c½ur de sa poupée russe, parler à la dernière des petites poupées. Elle lui confiait alors ses secrets, ses tristesses et ses joies, et lorsqu'elle refermait la poupée, il lui semblait que ce qui était le plus important au monde pour elle, était alors bien protégé, au c½ur du c½ur de sa poupée.
L'enfant grandit avec sa poupée. Elle partit un jour de la maison, laissant derrière elle sa poupée dans sa chambre d'enfant. Devenue adulte, un jour, alors qu'elle cherchait quelque chose dans le grenier de ses parents, elle retrouva sa poupée...Très émue par tous les souvenirs qui était liés à l'objet, elle redescendit du grenier en la portant avec précautions. Sa petite fille à elle, car elle était devenue une maman à son tour, se mit à bondir autour d'elle: "Qu'est ce que c'est maman, dit qu'est ce que c'est? "
Sa mère lui raconte alors toute l'histoire de la poupée, tout en ouvrant progressivement les poupées les unes après les autres. La magie opère pour l'enfant et ses yeux brillent d'impatience de découvrir la dernière petite poupée. C'est alors qu'elles font toutes les deux une drôle de découverte: un petit morceau de papier est enroulé autour de la toute petite poupée au sourire un peu triste, celle à qui la mère avait confié ses pensées les plus intimes durant des années.
Sa fille déroule le papier et lit la phrase qui est écrite, d'une écriture ronde de petite fille: "En cas de tristesse, il faut bercer son c½ur". La petite fille lit la phrase tout en haut deux ou trois fois, comme pour essayer de comprendre. Elle est toute étonnée, lorsqu'elle se tourne vers sa mère, de découvrir des larmes dans ses yeux.
La mère se souvient alors, comment elle confiait tous ses soucis à la poupée du c½ur et de son petit rituel du soir. Elle sait que sa poupée l'a souvent consolée, écoutée, rassurée. Et voilà que tout à coup, elle lui offre encore de vivre encore un moment précieux. Voilà qu'elle-même, petite fille, envoie un message à l'adulte qu'elle est devenue. Voilà que ce message est encore plein de sens. Voilà qu'elle sait qu'il est important de transmettre ce message, venu du passé, à sa propre enfant.
Elle se tourne vers sa fille et, avec un grand sourire lui dit:" Ma fille, j'ai quelques petites choses à te raconter"...