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Histoire de la tour

Il était une fois une princesse très triste qui vivait recluse dans une tour. Cette princesse avait peur de tout, de tout le monde, animal ou humain. Elle avait peur de sortir, de respirer, de se tromper, de ne pas savoir quoi faire, de ne pas savoir quoi dire, bref, elle avait peur de vivre.

Elle avait donc décidé de se retirer dans sa tour d'ivoire, mais un ivoire qui n'était pas blanc du tout. La tour était sombre et elle était perpétuellement entourée de nuages noirs et d'éclairs retentissants qui faisaient peur à la princesse. Ainsi, même cachée dans la tour, elle avait encore peur, ce qui renforçait son idée fausse que, dehors, ce serait encore pire. Une seule personne venait visiter encore la princesse, une brave paysanne qui venait lui apporter, de temps à autre, de quoi se nourrir. Cette brave femme avait tenté de nombreuses fois de convaincre la princesse de sortir un peu voir dehors, en lui assurant qu'un peu plus loin il y avait du soleil, de la vie, des fleurs, des personnes qui seraient ravies de l'accueillir et de parler avec elle. Mais rien n'avait pu convaincre la princesse de pointer le bout de son nez dehors. Elle avait peur, un point c'est tout.

"La seule personne qui pourrait me rassurer, c'est un prince charmant qui viendrait me délivrer, m'emporter loin et prendre soin de moi". Cette princesse avait lu le conte de la belle au bois dormant et elle s'allongea donc sur son lit, comme son modèle préféré de princesse de conte. Des vêtements sombres, des larmes, le sentiment que la vie ne s'écoule plus, devinrent ce qui remplissaient ses journées, ses pensées et son c½ur.

Un jour, un prince charmant qui avait eu vent de l'histoire de cette princesse qui pleurait dans sa tour, vint se camper au pied de la tour sombre. Il avait fière allure dans son armure dorée, mais il était aussi très têtu et avait beaucoup de mal à changer d'avis. Il se mit à crier d'une voix tonitruante: *Princesse, oh princesse! Descendez-donc que nous puissions nous parler un peu et que je puisse vous voir, ma belle..." La princesse se penche à la fenêtre, regarde le prince qu'elle trouve à son gout et lui suggère, d'une voix toute embrumée de larmes, de monter la rejoindre car elle a peur de descendre de sa tour. Le prince lui annonce, avec force, qu'il ne pourra pas monter dans la tour avec son armure qui est beaucoup trop lourde et encombrante, et qu'elle va donc devoir bouger pour descendre le rejoindre. Il sait qu'il a fière allure dans son armure et n'a pas du tout envie de la retirer en se contorsionnant dans tous les sens d'une manière fort peu élégante. Il déclare à la princesse qu'il ne peut la retirer seul, sans serviteurs et qu'elle va donc devoir faire un effort. La princesse, d'un air triste, lui dit alors, d'une voix faible, qu'elle va retourner dans son lit car elle a bien trop peur pour pouvoir faire le moindre effort. Le prince, en colère, passe son chemin et raconte à qui veut l'entendre qu'une princesse rudement exigeante habite cette tour sombre.

Quelque temps se passe et un autre prince s'en vient à la tour d'ombre, tenter sa chance. Ce prince charmant, lui, fait l'effort de monter toutes les marches de la tour pour aller à la rencontre de celle qui l'intrigue tant. Il a, en effet, entendue l'histoire d'un échec cuisant, racontée par un autre prince en armure dorée. Ce prince, lui, est plein d'audace et il entre dans la pièce principale, sans même y être invité, sûr d'y être bien reçu. Lorsque la princesse tourne son regard vers lui, ses yeux sont tout de suite en éveil. "Que voilà un bel homme, de bonne tournure et par ma foi, fort bien habillé". Le prince, en effet, porte fanfreluches et dentelles, pantalon avec force couleurs, soieries et brocards, velours et perles. La princesse en est tout d'abord, éblouie, puis finalement en prend ombrage. Avant même que le prince n'ai le temps d'ouvrir la bouche, elle est déjà persuadée que le personnage est un prétentieux, tout imbu de lui-même. Elle lui tourne alors le dos et le prince referme la bouche. C'est aussi bien, car il n'a pas trouvé de compliment à faire à ce petit oiseau sombre qu'il voit en face de lui et il s'en va.

Quelque temps se passe à nouveau. Un troisième prince arrive devant la tour. Point d'armure dorée ou de fanfreluches. Simplement vêtu et de bonne figure, il s'engage dans les escaliers, monte avec vigueur et engage la conversation avec la princesse. Tout semble aller pour le mieux et ils font connaissance tranquillement. La princesse lui trouve jolie mine et gentille conversation. Le prince lui trouve joli teint et grande douceur. Les heures passent et pourtant le temps semble arrêté. Ils sont bien ensemble. Lorsque tout à coup, un éclair traverse le ciel et fait sursauter la princesse... et le prince aussi. La voilà sous ses couvertures et lui sous le lit...La princesse se rend à l'évidence que le prince, aussi peureux qu'elle, ne peut pas l'aider à avoir moins peur! La mort dans l'âme, ils se séparent, trop semblables l'un à l'autre. La princesse se sent encore plus seule après ce dernier échec et pleure à chaudes larmes.

C'est ainsi que la brave paysanne la trouve le lendemain matin, pleurant dans son lit. Elle console la princesse comme elle peut. Elle tente à nouveau de proposer à la princesse de sortir de cette tour où elle s'enferme, pour aller découvrir un peu l'extérieur. "Je ne peux pas" renifle la princesse "J'ai trop peur et plus rien ne m'intéresse au dehors". La brave paysanne lui propose alors, de sortir avec un bouclier, sans doute abandonné là par l'un des princes, pour se sentir protégée et pour ainsi aller voir le monde. "Mais c'est un truc pour les hommes" s'insurge la princesse "il est hors de question que j'utilise cela". La paysanne, un peu découragée tout de même, repart chez elle. Soudain, elle a une idée, s'agit en tout sens dans sa cabane, trouve des chutes de tissu et fait de la couture toute la nuit. Elle revient le lendemain, triomphante, avec une cape tout bariolée, faite de morceaux de tissus hétéroclites, cousus à la main et un peu de travers. La princesse regarde la cape, tout de même étonnée de cette étrange création un peu biscornue, mais elle en a tellement assez d'être seule et triste, qu'elle se lève, met la cape et sort dehors. "Après tout, çà a bien marché pour peau d'âne. " Et la voilà partie de par le monde. Elle marche, marche et marche encore, mais ne croise personne. Elle nage aussi, traversant des rivières et des torrents, mais ne croise toujours personne. "Tout de même, je croyais qu'il y avait plus de monde que cela dans le vaste monde..."

Elle rencontre surtout des animaux. Et sa cape s'enrichit progressivement de petits morceaux de fourrure, glanés de ci-delà. Ces petits morceaux lui sont offerts par les animaux qu'elle croise, jour après jour et à qui elle rend des menus services. Ainsi, une tortue coincée sur le dos lui a donnée une ravissante écaille qui s'est intégrée entre deux morceaux de velours. Un renard, la patte prise dans un piège, qu'elle avait délivré, lui a donné un petit morceau de fourrure douce et rousse. Quelques oiseaux avaient proposé des plumes de mille et une couleur. Sa cape s'est ainsi enrichie au fil des jours, témoignant de ses capacités à aider les petites bestioles qu'elle rencontrait. Un jour, elle arrive enfin dans un village. Les personnes de ce village l'accueillent gentiment et lui proposent de s'installer dans une petite maison à l'orée du village. Elle constate rapidement, que les habitants ont tous des vêtements rapiécés. Jour après jour, elle donne de petits morceaux de sa cape pour permettre aux personnes de recouvrer l'intégrité de leurs vêtements. Elle aide aussi bien des enfants que des adultes, des veufs et des veuves, des adolescents et des vieillards. Progressivement, elle devient membre à part entière du village et en devient progressivement une figure importante. Elle est bien où elle est et apprécie à nouveau la vie.
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