Un article paru dans le journal du CPN de Laxou, écrit par Mme Launois, vérifié, lu et relu, corrigé et complété, par des collègues ergothérapeutes du CPN, des membres du GRESM (groupe de réflexion en santé mentale), des référents pédagogiques de l'IFE de Nancy et des membres de la liste de diffusion Yahoo-ergopsy. Cet article fait suite à des interrogations de membres du personnel, autre que soignant, se demandant ce que nous pouvions bien faire en tant qu'ergothérapeutes. Une occasion de faire apparaitre notre profession dans le journal...
Qui sommes-nous?
Au CPN, 25 ergothérapeutes travaillent dans de nombreux services, en hospitalisation en soins libres ou sous contrainte, en CMP ou en CATTP, à la MAS, en UHSA, auprès d’adultes, d’enfants ou de personnes âgées. Certains ergothérapeutes ont acquis des compétences complémentaires pour mieux répondre aux besoins de thérapie des patients : EAPA (éducateur en activités adaptées), hypno-thérapeute, rigologues, musicothérapeutes, relaxologues. Ces doubles casquettes rendent parfois l’identification des pratiques des ergothérapeutes un peu complexe. De plus, certains groupes ou ateliers sont co-animés avec d’autres professionnels de santé, car certaines pratiques sont transversales et partagées. Pourtant, des mots clefs demeurent au c½ur de notre pratique. Quelles spécificités peuvent donc se dégager pour le métier d’ergothérapeute ?
Des mots clefs pour l'ergothérapie
Dans la définition de l’OMS, nous trouvons déjà quelques pistes : « L’ergothérapeute est un professionnel de santé qui fonde sa pratique sur le lien entre l’activité humaine et la santé ». La notion de diagnostic ergothérapique, centré sur la notion d’activités humaines, apparait aussi dans cette définition de l’ergothérapie. Il se base sur des auto et hétéro-évaluations, permettant d’analyser les besoins et habitudes de vie des patients. Enfin, les notions d’environnement sécurisé, d’aides techniques, humaines ou animales, sont également précisées dans cette définition.
Du côté de la philosophie de l’ergothérapie, l’intention est de voir le patient sous un angle holistique, intégrant les facettes bio-psycho-sociales de la personne. La notion d’auto-détermination du patient, considéré comme un individu singulier et un citoyen s’affirme de plus en plus. Nos interventions et nos soins, peuvent s’inscrire dans les domaines de la prévention, de l’éducation thérapeutique, de la rééducation, de la réadaptation, de la réinsertion et de la réhabilitation psycho-sociale. Notons aussi que les activités physiques viennent d’être intégrées dans notre référentiel.
Une de nos spécificités est la réalisation d’analyses d’activités et d’ateliers. Les processus thérapeutiques potentiels de chaque activité ou atelier, sont ainsi identifiés et analysés. La mise en place de groupes de thérapie ou d’ateliers thérapeutiques, repose donc sur une connaissance de nos moyens thérapeutiques permettant d’établir une relation médiatisée dans un cadre thérapeutique. Les objectifs de thérapie sont co-construits avec le patient et discutés en équipe, pour s’intégrer dans le parcours de soin du patient.
De plus en plus d’ergothérapeutes se référent aux modèles issus des sciences de l’occupation, au sens des occupations humaines. (MOH, MCREO). Les habitudes et valeurs d’une personne, qui lui permettent de s’engager dans des activités qui font sens pour elle, sont identifiées et soutenues pour favoriser un équilibre de santé. Le tryptique « personne-activité-environnement » est au c½ur de notre pratique, mais d’autres références conceptuelles inter-disciplinaires, sont parfois nécessaires pour étayer nos pratiques.
Références et pratiques en santé mentale
- Dans le domaine du soin psychique, il est possible pour les ergothérapeutes de se référer à des modèles conceptuels interdisciplinaires (psycho-dynamique, systémique, interactifs). Les pratiques utilisées sont des médiations permettant une expression des contenus intra-psychiques et favorisant l’introspection, la conscience de soi et un meilleur sentiment identitaire. (Argile, peinture, collages, écriture, musique, vidéo).
Paroles de patients : « Ce qui me plait le plus dans cet atelier, c’est qu’on est vraiment libre de dire et de faire ce que l’on veut, sans modèle ». « On peut être vraiment soi-même. »
- Du côté de la cognition et du comportement, les modèles des neuro-sciences, de résolution de problème et de l’apprentissage peuvent nous offrir des références. Des pratiques telles que des activités de remédiation cognitive sont proposées pour permettre un entrainement ou une récupération des fonctions cognitives nécessaires à une qualité de vie satisfaisante. L’intention des ergothérapeutes sera alors de travailler sur la prise de conscience du comportement, qui peut entrainer une plainte, et de proposer un accompagnement sur le plan cognitif par le biais de stratégies alternatives. (Outils issus des TCC, comme le jeu Michael’s game).
Paroles de patients : « J’ai du mal à organiser mon planning, à savoir comment gérer mes rendez-vous ». « C’était bien de s’entrainer, de réfléchir, j’ai eu l’impression de faire travailler ma mémoire ». « Ça travaille du côté du cerveau. »
- En ce qui concerne la réhabilitation psycho-sociale, nous trouvons de multiples pratiques appuyées sur les notions de psychologie sociale (insertion, cognition et compétences sociales). Toute activité mettant en jeu une dynamique groupale entre dans ce domaine de pratique : Jeux d’expression et de coopération (rigologie, dixiludo, jeux du commerce adaptés, jeux créés par les thérapeutes ou co-créés avec les patients), écoute musicale, échanges de savoir, sorties...
Paroles de patients : « Je ne pensais pas que je pouvais parler comme cela en groupe... ». « C’est bizarre, ces jeux-là, on finit par parler de soi. » « Écouter une musique, c’est comme ressentir une émotion. »
- En ce qui concerne l’autonomie et l’amélioration de la qualité de vie, nous pouvons identifier 4 domaines d’intervention : les soins personnels, les loisirs, la productivité et le repos. Des auto-évaluations (Eladeb) et hétéro évaluations permettent d’accompagner le retour ou le maintien à domicile, ainsi que la reprise d’activités signifiantes pour la personne, sources de sentiments de plaisir et de capacités. Type d’activités : Mises en situation en milieu écologique, cuisine thérapeutique, soutien de l’activité physique, activités artisanales….
Paroles de patients : « Finalement, il y a quand même des choses que je sais faire ! ». (Après un bilan éladeb) «Si vous ne m’accompagnez pas au GEM, je ne m’y inscrirais pas. Je sais comment faire, mais je n’irais pas tout seul ». « Ce week-end, j’ai eu envie de refaire des activités avec mes enfants, un peu comme ici ».
En conclusion
Malgré une large palette de pratiques ou de références, la spécificité des ergothérapeutes peut donc se reconnaitre dans notre capacité à identifier un profil de la personne dans ses activités de vie quotidienne et dans ses besoins d’expression. Le processus d’intervention en ergothérapie propose alors un accompagnement au changement, tenant compte des liens complexes entre la personne, les activités signifiantes pour elle et son environnement, pour qu’elle puisse se réapproprier son projet de vie et retrouver sa place dans la société.
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