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Médium malléable

Résumé du chapitre 10 du livre de René Roussillon ("Manuel de la pratique clinique en psychologie et psychopathologie" Elsevier masson, 2016)
Réalisé par Maryne Mutis, étudiante  en psychologie, dans le cadre du séminaire de recherche de Thomas Rabeyron (Master 2 de psychologie clinique et psychopathologique de Nancy)


Les fonctions de l’objet et le Médium Malléable

Pour métaboliser subjectivement son expérience, un sujet a besoin de rencontrer un certain nombre de conditions intrinsèques, mais aussi extérieures. Pour soutenir ces besoins du Moi, et ainsi le processus d’intégration de la symbolisation, la présence des objets autres-sujets est nécessaire, présence qui doit posséder des caractéristiques particulières.

Ainsi, pour Green, la fonction de l’objet clinicien est d’apporter au patient, par sa présence, la réponse permettant de sortir de l’impasse dans laquelle le sujet se trouve, réponse qui aurait dû être fournie par son entourage significatif. En effet, Roussillon suppose ici que les difficultés d’appropriation subjective d’un sujet sont en lien avec l’échec de son entourage à lui assurer un étayage, à lui apporter ce dont il avait besoin.

Le clinicien doit donc, pour permettre de relancer son processus d’intégration, d’une part identifier ce que l’environnement n’a pas pu fournir au sujet à cette époque et qui a contribué à l’impasse actuelle, pour pouvoir ensuite d’autre part, lui fournir maintenant les réponses dont il a besoin pour sortir de cette impasse.

Le travail de symbolisation et d’appropriation subjective des expériences relève donc bien d’un travail du Moi, mais il nécessite également un certain type d’environnement, certains impératifs extérieurs, pour s’effectuer dans de bonnes conditions.


Fonction symbolisante de l’objet et du clinicien

Dans un premier temps, la fonction symbolisante de l’objet correspond à la manière dont l’objet autre-sujet, le clinicien, étaye le processus de symbolisation du sujet. Cette fonction symbolisante de l’objet se compose de diverses fonctions et implique que l’objet propose un certain nombre de caractéristiques, et ce en fonction de la problématique du patient.

Ici, la fonction symbolisante de l’objet s’est centrée sur deux conditions de la symbolisation :
  • La fonction pare-excitante de l’environnement (du clinicien), où la quantité d’excitation ne doit pas dépasser les capacités du sujet pour permettre la symbolisation.
  • L’organisation de la triangulation oedipienne, qui permet à l’excitation, notamment celle interne des fantasmes incestueux, de rester modérée grâce à la mise en place d’un pare-excitation par excellence, issu de l’OEdipe et de la prise en compte de la différence des sexes et des générations, c’est-à-dire de la tiercéité (fonction différenciatrice).
Dans un second temps de son histoire, la fonction symbolisante de l’objet s’est plutôt fondée en référence à la fonction « contenante » de la mère ou des parents, et à la fonction de « rêverie maternelle » développées par Bion. Ainsi, la fonction symbolisante serait une fonction réflexive des réponses de l’objet aux pulsions et affects du sujet. Par son mode de présence, l’objet va donc réfléchir au sujet un écho et une qualification de ses états internes, sensoriels, affectifs et pulsionnels, lui fournissant ainsi des repères et la capacité d’effectuer des liaisons primaires, nécessaires à son travail psychique.

Cependant, deux questions persistent au sein des modèles évoqués :
  • Le passage de la symbolisation primaire proposée par l’objet, à la symbolisation issu du travail psychique du sujet lui-même, c’est-à-dire le travail de construction / déconstruction / reconstruction pour que la symbolisation, d’abord celle de l’objet, devienne celle du sujet. La symbolisation est en effet un travail de transformation, qui implique la destruction du symbole antérieur pour pouvoir créer le nouveau symbole.
  • Les deux faces de la symbolisation, car les objets sont à la fois objets « à symboliser » dans leur altérité et leur différente, et à la fois objets « pour symboliser » ces rencontres.

Utilisation de l’objet

Pour répondre à cette double nécessité, celle de rencontrer l’altérité de l’objet et celle de symboliser cette altérité avec l’objet, Roussillon propose de reprendre le concept de Winnicott de l’utilisation de l’objet. Ainsi, le clinicien serait un objet pour symboliser, c’est-à-dire qu’il accepte de se prêter au jeu de la symbolisation et d’atténuer une partie de son altérité. Cette utilisation de l’objet prolonge la préoccupation maternelle primaire.

Historiquement, les psychanalystes pensaient que la découverte de l’altérité de l’objet s’effectuait à partir de la frustration imposée à l’enfant par l’absence de cet objet, et que la symbolisation s’effectuait ainsi à partir de l’hallucination produite par cette absence. Cependant, Winnicott propose une complexification de cette conception, en considérant tout d’abord que le processus hallucinatoire s’effectue en cas de montée pulsionnelle et non pas seulement en l’absence de l’objet. L’hallucination est donc indépendante de l’objet, et résulte plutôt d’un montage biologique de réponse aux tensions.

Dans cette conception, l’hallucination peut donc se produire en présence de l’objet, hallucination et perception n’étant pas forcément en alternative. Il se pose alors la question de la liaison de l’hallucination, c’est-à-dire de liaison primaire :
  • Si l’objet est effectivement absent, la pulsion et l’hallucination seront soit traitées par décharge évacuatrice, soit traitées dans leur forme originale, c’est-à-dire sans processus de symbolisation.
  • Si l’objet est présent et que sa réponse est accordé à ce processus hallucinatoire, l’hallucination sera transformée en illusion d’autosatisfaction. Les premiers processus de symbolisation se réalisent donc dans l’accordage entre la présence de l’objet et l’hallucination de l’enfant.

L’enfant se trouve alors dans le registre de l’illusion primaire d’une autocréation de la satisfaction, où ce dernier imagine qu’il possède la toute-puissance et qu’il engendre le monde pour son plaisir. Plus tard, lorsque la préoccupation maternelle primaire s’affaiblit, cette illusion primaire est mise en danger, provoquant alors chez l’enfant une poussée de destructivité.

Winnicott apporte alors sa seconde modification à la théorie de la structuration de la psychée, en soutenant que la découverte de l’extériorité dépend non pas seulement de la frustration et de cette destructivité, mais de la réponse de l’objet à la destructivité du sujet.

Ainsi, pour être découvert comme un objet différencié, l’objet doit survivre à la destructivité (fonction de survivance), ce qui implique trois caractéristiques dans ses réponses et réactions :
  • L’absence de retrait, c’est-à-dire que l’objet doit rester présent, affectivement et psychiquement.
  • L’absence représailles ou de rétorsion, c’est-à-dire l’absence d’un rapport de force.
  • La sortir de l’orbite de la destructivité, afin de rétablir le contact avec le sujet en se montrant créatif et vivant.
L’amorce du travail de symbolisation résultera ainsi d’un travail de réorganisation de l’expérience d’illusion primaire suite à l’écart introduit par l’objet, et de la réponse de cet objet à la destructivité alors mobilisée. A chaque étape du processus d’intégration par la symbolisation et l’appropriation subjective, le sujet (ou le patient) a besoin de la présence et d’un mode de réponse de l’autre (le clinicien) pour effectuer son travail d’intégration.


La présentation d’objet

Selon Winnicott, l’étape suivante du processus de symbolisation est la présentation d’objet, qui ouvre la question d’une fonction défléchissante de l’objet. Ainsi, tout comme lorsque la préoccupation maternelle primaire décroit, il est nécessaire que le clinicien propose à l’enfant de transférer ce manque sur des objets, des symboles primaires.

Les limites dans la relation au clinicien ouvrent ainsi sur la nécessite d’une utilisation d’autres objets pour symboliser, qui vont prendre le relais de ce que le clinicien ne procure plus au sujet, c’est-à-dire combler l’insuffisance de l’objet. La fonction symbolisation du clinicien consiste donc à fournir à l’enfant de quoi combler le manque issu de la relation avec lui. Cette « proposition d’objet » peut être identifiée à l’introduction de la fonction paternelle.

Roussillon souligne qu’il est nécessaire que ces objets symbolisants soient proposés par le clinicien, et ainsi acceptés par ce dernier, car l’appropriation subjective du travail de symbolisation suppose que ce transfert soit favorisé par l’environnement, c’est-à-dire que le clinicien accepte le déplacement de certains de ses caractéristiques sur d’autres objets.

L’accord du clinicien est également rendue nécessaire par les auto-érotismes mobilisés par l’appropriation subjective de l’objet. En effet, lors de la période originaire du narcissisme primaire, il y a à l’origine une tendance à projeter des propriétés dans des objets externes. Puis, lors de la construction du narcissisme secondaire, il va y avoir un mouvement d’appropriation subjective et ces propriétés projetées vont être enlevées des objets externes et récupérées par le sujet pour construire ses objets internes. Ce mouvement s’accompagne donc de la crainte et/ou du désir de déposséder les objets des propriétés que le sujet leur représente.

Ici se pose alors la question de l’atteinte de l’objet par l’activité de symbolisation du sujet et les activités auto-érotiques qui l’alimentent. Si la relation au clinicien n’est pas menacée par cette activité, cela signifie que cette relation n’avait pas beaucoup de valeur. Si la relation au clinicien est trop menacée par l’activité de symbolisation, cela ouvre au dilemme de devoir choisir entre la relation à l’objet ou l’utilisation de l’objet pour la symbolisation. La réponse du clinicien doit donc pouvoir répondre à la fois à la crainte et au désir : il doit se montrer atteint selon le désir et survire pour démentir la crainte.

On pourrait donc conclure que la fonction symbolisante de l’objet, qui permet l’accompagnement du travail d’appropriation subjective et différenciatrice, implique la proposition d’objets pour symboliser, la survie du clinicien au travail de symbolisation et à la destructivité mobilisée, et la survie aux déploiements des auto-érotismes et à la manière dont ils transforment la relation.


Fonction Médium Malléable de l’objet et utilisation des médiations

Roussillon aborde ici la notion de méta-symbolisation, c’est-à-dire la symbolisation de l’expérience de symbolisation elle-même. Grâce à cette méta-symbolisation, la psychée est alors capable de catégoriser et de différencier les types de processus psychiques auxquels elle est confrontée, et notamment ceux qui sont l’effet de son travail d’appropriation de ceux qui sont l’effet de son travail de repérage des données externes.

Les pathologies du narcissisme, comme les problématiques psychotiques ou les problématiques limites, résulteraient d’un trouble de la réflexivité psychique affectant alors le repérage du travail propre du sujet, et ainsi la subjectivation. La schizophrénie, en particulier, trouverait alors son origine dans un trouble de la méta-représentation, entrainant une incapacité à déterminer si un processus se déroule en soi ou hors de soi. En effet, l’agentivité, c’est-à-dire le travail de catégorisation interne des processus, nécessite cette capacité à se représenter l’action de représenter.

L’organisation d’une représentation de la représentation de chose ne pourrait finalement s’appréhender que dans la rencontre entre l’enfant et un objet particulier qu’il nomme Médium Malléable. Ces objets particulier sont des objets pour symboliser, c’est-à-dire qu’ils vont servir au sujet pour se représenter la symbolisation et découvrir la représentation. Freud explique ainsi que la pensée elle-même, les processus psychiques, ont besoin de passer par les sens pour se saisir d’eux même, c’est-à-dire se représenter.

La pâte à modeler est l’exemple le plus parlant de ces objets pour symboliser, car l’enfant peut produire des représentations-choses avec cet objet, représentations à la fois symboliques et matérielles. Comme pour Descartes avec son morceau de cire, c’est à travers la transformation matérielle de l’objet en diverses représentations, que le sujet parvient à abstraire un concept de représentation de celui-ci. La pâte à modeler, comme la cire, sont des matières pour symboliser, où leur utilisation et les variations infinies de leur forme amènent le sujet à un concept incarné de la représentation et de la symbolisation.

Freud utilise quant à lui la métaphore de l’ardoise magique, pour représenter l’appareil de représentation psychique, en déployant sur cette ardoise les propriétés du Médium Malléable. Ainsi, la surface de l’ardoise permet d’inscrire des choses mais peut également redevenir vierge, comme la conscience psychique qui doit redevenir disponible pour une nouvelle inscription. Cependant, l’écriture apparemment effacée de l’ardoise persiste dans ses couches plus profondes, comme la mémoire conserve des traces des différentes expériences. Freud souligne que la couche d’inscription en cire serait déchirée par le stylet, sans la couche protectrice superficielle, mais sur laquelle rien ne peut s’inscrire.


Le modèle de l’épigenèse interactionnelle

Le développement, dont celui de la symbolisation, est le fruit de l’interaction entre le sujet et son environnement, et ce dès la vie foetale. Bion et Winnicott s’entendent ainsi pour dire que chaque sujet a des préconceptions, ou des potentiels, c’est-à-dire des aptitudes présentes dès l’origine, mais qui doivent trouver un environnement facilitateur pour se développer. Cette idée rejoint celle de Freud sur les fantasmes originaires, ou celle des éthologues sur les compétences innées.

Roussillon ajoute que ces préconceptions sont marquées par une contrainte à s’actualiser, c’est-à-dire qu’elles vont chercher dans l’environnement une manière de s’actualiser, quitte à devoir se déformer pour cela. Cependant, cette déformation est limitée. Ainsi, un sujet humain possède des préconceptions qui le rendent potentiellement apte au travail de symbolisation, pour autant que leur environnement leur offre la possibilité d’actualiser ces préconceptions et d’en faire des processus à disposition.

On se pose alors la question du type d’environnement clinique nécessaire à l’actualisation des potentiels des enfants, et en particulier les qualités requises pour développer les capacités de transformations par la symbolisation. Roussillon suppose que l’environnement recherché est un environnement Médium Malléable, où l’activité de symbolisation va pouvoir s’appréhender et s’actualiser. Lorsque cet environnement Médium Malléable n’existe pas, cela provoque une déception pouvant amener lorsqu’elle se répète, à une forme de souffrance fondamentale de ce qui ne prend pas forme, de ce qui n’est pas actualisé.

Roussillon propose ensuite un premier repérage des propriétés ou qualité de l’environnement Médium Malléable en partant des propriétés de la relation aux objets Médium Malléable. Les premières formes du Médium Malléable sont ainsi liquides et fluides, indéfiniment transformables car ils épousent la forme de leur contenant comme l’eau ou l’air. Cependant, ces matières fluides ont besoin d’un appui pour prendre forme, ce qui amène peu à peu à l’intégration de la consistance dans les médiums et dans la matière psychique. Le fluide peut donc se faire pâte. Puis, lorsque la vie psychique se complexifie, les formes du Médium Malléable vont se diversifier dans leurs propriétés et qualités.


Propriétés du Médium Malléable

Pour explorer les qualités du Médium Malléable, Roussillon se propose de découvrir ses différentes propriétés sensorielles et matérielles à travers l’exemple de la pâte à modeler :
  • Saisissable, sans précautions particulières.
  • Consistante, avec un volume propre, une matérialité propre.
  • Palpable, avec sa propre texture.
  • À modeler, en ne révélant ses propriétés que par son utilisation.
  • Atteignable et disponible, à disposition.
  • Réceptive, prête à prendre la forme voulue.
  • Immédiatement et inconditionnellement disponible, dès la prise en main et sans usage singulier.
  • Fidèle, en conservant la forme donnée.
  • Constante, avec les mêmes qualités et propriétés, sans variation au cours de l’utilisation.
  • Prévisible, dans ses réactions et ses propriétés.
  • Transformable, et même indéfiniment, car elle n’a pas de forme propre.
  • Endurante, sans usure à l’usage.
  • Extrêmement sensible, où le moindre effort suffit pour laisser une trace.
  • Indestructible, dans ses qualités et ses propriétés qui sont conservés même en cas de morcellement puis de reconstitution.
  • Animable, où une forme de vie peut lui être attribuée de manière fantasmatique.
Toutes ces qualités ne s’explorent que par l’utilisation de la pâte à modeler. Plus elle est utilisée, plus elle est capable de représenter l’activité représentative, de la matérialiser et de l’incarner.


Médiums Malléables partiels

L’exemple de la pâte à modeler permet d’explorer les propriétés de l’activité de symbolisation, qui n’est cependant pas d’emblée accessible et suppose un certain type de développement psychique et d’organisation pulsionnelle. Il existe ainsi des formes moins complexes du travail de symbolisation, plus adaptés au besoin de l’époque, et qui reposent sur des Médiums Malléables partiels, c’est-à-dire ne présentant que certaines des propriétés de l’exemple princeps.

Les médiations utilisées en clinique possèdent ainsi certaines des propriétés Médiums Malléables, et ce en fonction des besoins des sujets à qui elles sont proposées et du type de propriété de la fonction symbolisante à mettre au travail. Par exemple, on pourra proposer à un sujet ayant fait des expériences de destruction de sa fonction symbolisante à répétition, un médium malléable non destructible. À d’autres sujets, on pourra proposer d’explorer la terre glaise, c’est-à-dire un objet qui conserve sa forme, pour approcher la question de la constance de l’objet.


L’environnement Médium Malléable

Les propriétés du Médium Malléable énoncées précédemment sont également les qualités de l’environnement Médium Malléable, et notamment de l’environnement humain, l’objet autre-sujet référentiel, qui doit donc présenter une large partie des propriétés et qualités abordées. Ainsi, l’objet et le clinicien doivent être suffisamment disponible, atteignable et saisissable, prévisible car suffisamment constant, transformable, adaptable, sensible et réceptif et suffisamment non destructible par ce que le sujet lui communique.

Cependant, il existe également des qualités et propriétés essentielles au développement de la fonction symbolisante, qu’on ne peut attendre que d’un Médium Malléable humain. Ce sont des qualités spécifiques aux contacts humains, en l’occurrence l’affect et son partage, qui permettent l’introjection et l’intégration de l’expérience. Ainsi, par sa présence affective cohérente avec l’adresse du sujet, l’objet ou le clinicien va pouvoir exprimer sa prévisibilité et sa constance. De plus, il est important que ces affects soient partagés, notamment le plaisir, car ils témoignent de la sensibilité et de la réceptivité de l’objet.

Un objet non-Médium Malléable aura un caractère désorganisateur pour l’activité de symbolisation, car l’incohérence et l’imprévisibilité des réactions de l’objet provoque un climat d’impuissance et d’insécurité inhibant les capacités d’intégration du sujet. Cela peut par exemple être le cas pour un enfant dont la mère lui manifeste tantôt une surprotection, tantôt de l’indifférence.

Les propriétés indispensables du Médium Malléable qui seraient absentes vont se traduire par la formation d’imago de l’objet pathologique, accompagnés de souffrances narcissiques identitaires. Roussillon explique ainsi qu’il serait alors judicieux de prendre en compte les ratés de la fonction symbolisante et de ces imagos, comme points de départ de la psychopathologie.


L’utilisation de médiations « Médium Malléable » dans la pratique clinique

La matière première est extrêmement complexe : elle est inconsciente, non immédiatement intégrable, multi-sensori-motrice, multi-perceptive, multi-pulsionnelle et elle mêle des facteurs objectifs (ceux de l’environnement) et subjectifs (ceux du sujet). Sans un travail de catégorisation, cette matière première reste difficilement intégrable, ce qui vaut tout particulièrement pour les expériences précoces et les expériences traumatiques.

La question centrale est alors celle du traitement de cette matière première énigmatique. Roussillon suppose que la psychée va tenter d’externaliser et de transférer cette matière dans une matière perceptive, plus facile à travailler. La complexité initiale va ainsi être décondensée, diffractée sur différents objets qui vont permettre de traiter cette matière première.

Freud développe que ce sont essentiellement les expériences traumatiques qui vont être évacuées par la psychée, et en particulier la forme réactualisée de ces expériences qui se répètent à l’identique du fait de l’échec de la réflexivité. Face à la menace de désorganisation de la subjectivité et de l’actualisation du traumatisme, la psychée externalise alors au nom du principe de plaisir/déplaisir, ce qui n’est pas ou trop peu symbolisé. Le psychisme cherche en effet à introjecter ce qui est source de plaisir, et à éviter ou rejeter à l’extérieur ce qui est source de déplaisir.

Cette solution est à la base du phénomène de transfert, et son traitement au sein des dispositifs symbolisants nécessite la mise en place de trois fonctions :
  • La fonction phorique, qui permet de contenir et recueillir ce qui est transféré.
  • La fonction sémaphorique, qui permet de mettre en signe la matière psychique accueillie.
  • La fonction métaphorique, qui permet de rendre cette matière symbolisable et intégrable.

Dans le transfert, le clinicien s’offre donc comme espace de réception et d’objet pour le transfert, ce qui implique parfois deux difficultés. Du côté du clinicien, il va falloir qu’il supporte d’être utilisé comme une poubelle. Du côté du patient, il peut y avoir une crainte d’utiliser le clinicien et de le traiter comme un objet, avec la culpabilité et la honte que cela implique.

Or, Roussillon développe que ces deux difficultés peuvent être contournées grâce à l’utilisation d’un objet médiateur, sur lequel sera détourné le processus évacuateur, ou du moins une partie. Cet objet médiateur va représenter le clinicien et ainsi, présenter des qualités du Médium Malléable, permettant alors à cet objet d’accueillir et de mettre en forme la matière psychique. La rencontre clinique à médiation se propose donc d’utiliser un ou plusieurs objets présentant des propriétés Médium Malléable et venant s’ajouter au médium central de la parole.


Caractéristiques et spécificités des espaces et dispositifs médiateurs

Le choix du médium est une question d’importance, et doit correspondre aux systèmes perceptivo-sensori-moteurs prévalents du sujet, chaque médium privilégiant un mode de rapport spécifique et un transfert spécifique. De plus, on ne transfère pas n’importe quel contenu psychique sur n’importe quel objet ni n’importe quel médium, c’est le choix du médium qui détermine le type d’expérience subjective. Il est alors nécessaire que la perception actuelle du médium soutienne ce que le sujet est en mesure de réactualiser, qu’il y ait une co-incidence entre l’hallucination et la perception.

Le médium doit pouvoir être amené en position de symboliser la fonction de symbolisation, ce qui suppose le transfert sur l’objet médiateur de la fonction représentative et la libre utilisation du médium pour symboliser.
Ces conditions supposent alors une attitude interne du côté du clinicien, qui doit écouter et repérer les indices du travail de symbolisation pour essayer de dégager celui-ci. Or, cela implique que le clinicien ne soit que le présentateur du médium, qui va être donné au sujet, sans rivalité ni possession, pour être utilisé par ce dernier. Le clinicien est quant à lui le garant du cadre du maintien de l’activité de symbolisation, et ses interventions doivent donc être destinées à optimiser l’utilisation du dispositif.

Chaque médium possède des qualités et des limites propres, en fonction de sa matière et ainsi du type de sensori-motricité qu’il mobilise. Ces limites peuvent ouvrir sur la symbolisation de l’absence et les limites de la symbolisation, mais un seul médium ne saurait donc suffire à la rencontre et à la pratique clinique. La tâche de cette rencontre clinique est donc de dépasser la question du médium pour dégager une fonction médium, où l’on repère les différentes propriétés du Médium Malléable.

Le matériel offert par le médium va pouvoir servir d’inducteur aux associations focales du clinicien, c’est-à-dire que la chaîne associative du patient va elle-même servir d’induction à l’associativité du clinicien. C’est un travail de co-associativité dont le modèle général peut être donné par le Squiggle-play de Winnicott où le patient propose quelque chose, le clinicien fait quelque chose de ce que le patient propose, et ainsi de suite. C’est dans cette conversation que va pouvoir s’approprier la symbolisation de l’expérience en souffrance engagée dans la rencontre clinique.

Pour cela, le clinicien va pouvoir être guidé par la manière dont le médium est utilisé par le sujet, c’est-à-dire la manière dont ses différentes propriétés sont utilisées pour l’activité de symbolisation. Cette utilisation renseigne en effet sur le rapport primaire à l’objet du sujet, ses capacités utilisables et inutilisables. Le rapport entretenu avec le Médium Malléable renseigne également sur la manière dont l’activité de symbolisation a été reconnue et accrédité dans le rapport à l’objet.

En conclusion, Roussillon explique qu’à partir du transfert de la fonction symbolisante sur les objets-symbolisants, ce sont les particularités de la manière dont l’objet a incarné sa fonction symbolisante qui deviennent reconstructibles et analysables. Cela permet également de mieux saisir les besoins du Moi nécessaire au sujet dans cet instant, et ainsi les caractéristiques relationnelles que la fonction symbolisante doit rendre possible, c’est-à-dire les réponses que le clinicien doit apporter au sujet.

Le clinicien est un Médium Malléable, qui peut utiliser des objets comme ramifications représentant le clinicien et présentant également des qualités Médium Malléable. Il s’agit aussi de proposer des Médium Malléable permettant de symboliser la symbolisation, avant de travailler sur la symbolisation elle-même.
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