Mais d'où vient ce besoin de valoriser l'autre?
C'est du côté psycho-dynamique que nous pouvons chercher un peu de sens pour comprendre l'intrication entre valorisation et désir de réparation. (voir narcissisme secondaire dans le sentiment d'existence). Souvent, lorsque nous évoquons ce besoin lors des cours, les étudiants les plus honnêtes avec eux-mêmes, avouent qu'ils se sentent valorisés par le fait de prendre soin de l'autre...
Chacun et chacune d'entre nous a tout à fait le droit de vivre et d'apprécier ce sentiment, mais il convient de le savoir, afin d'éviter les déceptions, voir les exigences (tout à fait inconscientes...) d'une reconnaissance "bien méritée et attendue". Être un mauvais objet pour l'autre est pourtant notre lot quotidien et si nous ne comprenons pas qu'il s'agit de quelque chose qui ne nous est pas forcément adressé à nous, mais à notre rôle de thérapeute, nos réactions peuvent être trop personnelles. (Voir la notion de transfert et de conre transfert). (voir du côté du désir de réparation chez Mélanie Klein)
Une fois que nous avons compris d'où vient notre besoin de valoriser l'autre, il nous faut nous pencher sur la difficulté qu'à la personne, surtout dépressive, à considérer qu'elle peut avoir de la valeur...et constater que, bien souvent, une valorisation extérieure ou artificielle n'a guère d'efficacité et risque même de rendre l'autre dépendant de nous, cherchant notre regard positif et valorisant sur lui ou elle. Cette position dite haute pour le thérapeute n'est pas pertinente pour aider l'autre à être autonome...Les thérapies brèves (issues de la troisième vague des TCC) nous suggèrent même qu'une position thérapeutique dite basse, a plus de chance d'aider la personne à s'aider elle-même au lieu de (tout) attendre de l'autre, fusse t'il médecin.
Très fréquemment, les personnes sont centrées au départ sur leur souffrance, leur angoisse, leur anxiété et oublient totalement leurs capacités, leurs aspects créatifs, leurs possibilités. Le fait de leur proposer des cadres où ils vont pouvoir mobiliser leurs capacités et leurs compétences va les aider, peu à peu, à retrouver un sentiment de valeur, mais à leur rythme et sans que nous soyons trop attachés à cela...la valorisation devrait venir comme un petit plus, naturel et authentique. De façon globale d'ailleurs, plus nous désirons à la place du patient, plus nous voulons atteindre des objectifs trop précis, trop hauts ou qui sont trop les nôtres, voire les attendus de la société, plus la personne elle, disparait.
Une activité peut-elle être valorisante?
Aucune activité n'est valorisante en soi. Certaines font plus appel à la possibilité de se sentir valorisé dans une réussite technique ou esthétique, dans une possibilité de se sentir inconditionnellement reconnu(e) et entendu(e). Mais aucune activité ne réparera, à elle seule, un narcissisme défaillant. C’est un ensemble de choses, relation thérapeutique, cadre, médiation, action qui va contribuer à cela.
A l'inverse, les activités utilisant des matériaux trop enfantins ou scolaires, ne tendent pas à cette revalorisation. L'atelier d'ergothérapie doit plus ressembler à un atelier d'artiste ou d'artisan, qu'à une école maternelle....Cette notion d'atmosphère est fondamentale pour les patients dévalorisés, mélancoliques, psychotiques. Le cadre a une action aussi dans ce sens d'un espace intermédiaire signifiant.
Les matériaux de récupération, type papier recyclé, sont certes dans l'air du temps et de l'écologie, et peuvent symboliquement amener un message de métamorphose possible d'éléments que l'on croyaient à jeter. Mais ils peuvent aussi renvoyer à des sentiments de récupération d'un matériel dont la place serait plutôt la poubelle....Il est important d'être attentif aux implications du choix des matériaux et surtout de laisser la personne décider par elle-même ce qui fait sens pour elle.