Pour entrer dans une relation thérapeutique avec une personne, quelques conditions sont à réunir :
Tout d'abord, une prescription médicale est nécessaire
Puis il nous faut développer des capacités d'accueil de cette personne
Une prescription
L'existence même d'une prescription donne une valeur thérapeutique et garantit que nous ne sommes marqués par le sceau de la loi, commune à tous et nécessitant un tiers référent pour ne pas laisser les personnes soumises à l'emprise et à la toute-puissance d'un autre. Actuellement , avec la montée en puissance des recommandations de l'HAS autour des nouvelles visions du soin qui proposent des façons de faire nouvelles, telles que l'éducation thérapeutique, nous voyons peut-être se dessiner un autre rapport au patient.
Notre pratique va nécessiter une prescription médicale pour positionner l’ergothérapie comme une thérapie faisant partie intégrante de la thérapie institutionnelle. Il est important que cette prescription demeure la plus globale possible, de façon à pouvoir travailler avec le patient sur sa demande et ses attentes à lui ou à elle, et avec nos objectifs d’ergothérapeutes. Mais si les habitudes institutionnelles où les projets de service où même les thérapeutes référents fonctionnent dans un mode directifs, parfois le choix de l'activité est décidé en équipe, hors de la présence et de l'avis même du patient. Parfois même une activité est prescrite comme un médicament, à raison de X séances, comme s'il était possible de réduire une activité/médiation à une prise médicamenteuse dont l'impact serait connu à l'avance.
Il est important, dans la mesure du possible, de résister à cette tendance à penser et décider à la place du patient. Les notions d'auto-prescription peuvent donc être intéressantes, pour situer le patient comme acteur, au risque de donner un aspect un peu trop libertaire qui peut déranger. mais ce type de travail ne peut être réalisé, de toute façon, qu'avec un accord médical. Et pour cela, il faut que la perception de la place du patient change et que la tendance médicale d'être en position haute change aussi progressivement. Et du côté des rôles de chacun, cela n' est possible que quand la dimension hiérarchique verticale peut devenir un réel échange plus transversal. Cela dépend donc des équipes, des médecins, des institutions, etc... Même le choix des mots en dit parfois très long...Personnellement, je préfère les mots de "travailler avec ou sur prescription médicale" plutôt que les termes de "travailler sous prescription médicale". Il est toujours possible de se dire qu'il ne s'agit là que d'un jeu de mots supplémentaire issu de la tendance interprétative des "psys" ou une perception personnelle, mais une simple médiation et écoute attentive de ce qui peut se jouer dans une institution est très instructive quand aux interactions de chacun et chacune.
Un accueil
La première rencontre, après une prescription est un temps fondamental pour commencer à tisser des liens relationnels. Lorsque nous sommes dans le domaine du soin psychique, il est important de pouvoir écouter la personne pour tenter de distinguer sa demande, ses besoins et son désir. La relation d'aide développée par C.Rogers peut nous aider à entrer dans une écoute empathique et authentique, et nous permettre d'utiliser un outil simple: la reformulation. Le travail de E.Porter sur les attitudes relationnelles facilitatrices ou non, peut également nous donner des pistes de réflexion sur nos attitudes et les répercussions qu'elles vont avoir dans la relation. Savoir accueillir une personne fait donc appel à notre savoir être. Un lieu particulier peut-être nécessaire. Ce temps d'accueil peut se faire sous forme d'un entretien, de préférence ou d'une visite des ateliers, si cela permet de rassurer la personne et de l'aider à mieux visualiser notre pratique. Toutefois, une visite des ateliers offrira une image centrée sur l'activité, tandis qu'un entretien placera d'emblée notre pratique sans l'angle d'un travail relationnel médiatisé. Actuellement, le développement de l'éducation thérapeutique nous engage dans un certain type d'évolution de la relation thérapeutique, qui devient de plus en plus centrée sur les ressources des patients et leurs capacités d'auto-détermination, aussi nommé empowerment ou auto-détermination. La notion d'entretien motivationnel est au c½ur de ces pratiques. "L’entretien motivationnel est un style de conversation collaboratif permettant de renforcer la motivation propre d’une personne et son engagement vers le changement" . Voilà la définition qu'en donnent leurs initiateurs, William R. Miller et Stephen Rollnick, psychologues et professeurs d’université aux États-Unis et au Royaume-Uni. Cette forme d'entretien a été conceptualisée au cours des années 80, principalement dans le cadre du traitement des addictions et en particulier, l'alcool. Peu à peu, l'entretien motivationnel s'est développé dans le monde entier, et de nombreux thérapeutes l'utilisent aujourd'hui, dans le champ de la santé (addictologie, maladies chroniques, nutrition, santé mentale, etc.)et également dans le secteur social et éducatif.
Ces pratiques plus directives, visent à favoriser un changement chez la personne. Elles utilisent des notions issues de C.Rogers, d'une façon qui peut sembler un peu paradoxale, dans la mesure où la non-directivité se situe au c½ur du travail de Rogers qui propose d'entrer en relation avec une personne de la façon la plus authentique possible. L'entretien motivationnel retient donc la notion d'empathie pour créer une atmosphère de travail où la personne se sent reconnue pour ce qu'elle est. La notion de valorisation est également importante dans ce type d'entretien, avec pour intention la mise en évidence et en valeur des compétences de la personne. Mais cette pratique, à la différence de la relation d'aide de C.Rogers, est plus directive et plus intentionnelle. Elle vise à permettre à la personne d'entrer dans un changement.
Il reste donc à chaque ergothérapeute à trouver son style, allant d'une non directivité de type "Rogérienne" à un entretien plus motivationnel, en fonction des sa propre façon d'être mais surtout en fcontion des besoins/compétences/capacités du ou de la patiente accueillie. La non directivité "pure" présente le risque que la personne reste dans un discours centré sur ses difficultés et problèmes dont elle souhaitera parler. L'entretien plus motivationnel présente le risque que nous soyons plus centré sur notre intention d'aboutir à un projet en ergothérapie qu'à l'écoute de la personne.
Un projetIl est important qu'à la fin de cette rencontre, le projet thérapeutique du patient nous soit clair et qu'il sache, de son côté, à quoi il va pouvoir s'attendre de notre part. Un contrat mutuel est passé, soit moral, soit écrit. Chacun des protagonistes s'engage à respecter le contrat. La notion de l'engagement du patient est donc à interroger. Comment allons nous pouvoir l'aider à s'engager dans la thérapie, au sens d'un bénéfice pour lui et pas au nom d'un désir qui lui serait imposé de l'extérieur? Quelles sont ses motivations? Quel est son degré de motivation? Autant de questions qui, le plus souvent, ne trouveront pas de réponse lors de la première rencontre mais que nous pouvons déjà interroger et garder en trame de fond dans un coin de notre tête.
Actuellement nous commençons de plus en plus à parler de diagnostic en ergothérapie dans une démarche visant à établir notre sérieux professionnel. Si cette orientation vous tente,voici une Fiche mémo diagnostic.
Il est très important de tenir compte en priorité des objectifs du patient, tout en ayant présent à la conscience que, parfois certains patients sont dans un tel déni de leurs troubles ou dans un tel sentiment de dévalorisation ou d'auto-destruction, qu'ils ne savent plus prendre soin d'eux d'une façon positive. Il faudra donc étayer, parfois vigoureusement, leurs capacités à prendre soin d'eux-mêmes. Cette intention globale du prendre soin est commune à tous les thérapeutes. En ergothérapie, le plus souvent, les personnes ont envie de s'occuper, plus rarement de s'exprimer ou de mieux se comprendre. Lors de notre première rencontre avec le patient, il est donc important de savoir comment ils se définissent par rapport à leurs activités, au sens large et de savoir comment ils se positionnent par rapport aux activités thérapeutiques que nous pouvons leur offrir. Ensuite, nous pouvons négocier ensemble des objectifs thérapeutiques réalisables.(voir objectifs de qui? )
En psy, nous évitons, lors de la première rencontre, de nous positionner avec papier et crayon, et encore moins bilan, afin de rester dans une rencontre relationnelle qui n'objective pas l'autre comme quelqu'un à saisir dans une observation. Lors de ce premier entretien, il est très important de veiller à renvoyer à la personne une image de ses capacités, de ses ressources, de ce qui l'a aidée à tenir, de ce qu'il ou elle est capable encore de faire et pas de faire un bilan de ses difficultés. Il ne s'agit pas de tenter de faire une liste de tout ce qui va bien lors de cette première rencontre, car la personne a besoin, dans une premier temps, de dire ce qui ne va pas. Par contre, il est préférable de ne pas se centrer sur les problèmes, au sens où nous devrions nous, nous en charger ou les résoudre à la place de la personne. Nous devons aider la personne à trouver en elle ses propres ressources et capacités, non pas pour lutter contre des problèmes mais pour trouver des solutions. En ergothérapie, le "simple" fait de faire quelque chose, engage la personne à utiliser ses capacités et ressources. La "simple" existence de l'ergothérapie est donc basée pleinement sur cette philosophie de l'action. Il nous reste à choisir les "bons mots", en accord avec cette vision des choses.
Une fois que le cadre de la médiation est bien posé et que la thérapie peut se mettre en place, nous avons encore à nous demander si nous allons laisser le choix des outils thérapeutiques au patient, proposer ou choisir à sa place. La notion de choix des outils que nous allons pouvoir proposer à la personne au lieu de choisir à sa place est une voie possible pour remettre le patient au c½ur de sa thérapie. Il est évident qu'il faut, avant de proposer un choix, tenir compte des contre-indications et proposer un choix limité. C'est, bien sûr, une forme de manipulation dont il faut avoir conscience, mais qui permet toutefois à la personne de pouvoir quand même, exercer un choix, à minima au départ, avant de pouvoir exercer à nouveau pleinement son droit de choisir l'orientation de sa thérapie en accord avec son projet de vie. Dire à quelqu'un "telle ou telle activité va vous permettre de découvrir ceci ou cela, d'expérimenter tel ou tel processus, etc..." est plus pertinent lorsque l'on souhaite rendre autonome cette personne, sur le plan psychique, ou au moins acteur de sa prise en charge. En effet, annoncer: "c'est cela qui est bon pour vous et qui va être efficace" ne permet pas au sujet d'être autre chose qu'obéissant ou désobéissant...C'est toute la différence entre la position dite basse, où nous laissons un espace de liberté au patient, un espace de choix, une possibilité de dire non et la position dite haute, où nous nous situons comme étant celui ou celle qui sait, qui dirige, qui donne les réponses, etc...Il n'en demeure pas moins que, pour certains patients, les laisser libres de choisir, leur proposer une position haute, les inviter à se prendre en main, peut se révéler anxiogène, impossible ou en tout cas, trop précoce. A nous de nous adapter.
Bibliographie :
MILLER W.R., ROLLNICK S., L’entretien motivationnel – Aider la personne à engager le changement, trad. par LECALLIER D., MICHAUD P., Paris, InterEditions, 2013
Guide du diagnostic en ergothérapie. ANFE, Deboeck supérieur 2017
Sitographie :
Modèles et pratiques en éducation du patient : apports internationaux (lien)
Page de Denis Cacheux, ergothérapeute (lien )
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